Les agriculteurs ne décolèrent pas. Victimes de la sécheresse, ils ont l’obligation de mettre en place des semis écologiques sur leurs terres pour capter le nitrate dans le sol. Mesure imposée par la Politique agricole commune et les préfectures picardes. Mais cette année, la sécheresse grille les exploitations. Les agriculteurs risquent des pénalités et demandent une dérogation.
La semaine dernière, lorsque Simon Catteau commence à semer l’avoine et la phalécie, un mélange de deux espèces pour ses cultures intermédiaires, il sait que cette année, ce sera peine perdue. "La terre est sèche, tellement sèche que même s'il pleuvait dans les jours qui viennent, on ne peut pas espérer faire pousser grand-chose. C’est comme planter une graine dans du sable", explique l’agriculteur, situé dans l'est de la Somme. La moitié de son exploitation, soit 50 hectares doit être recouvert de ces plantes fleuries d’ici quelques semaines. Chaque année, il alterne les cultures : blé, pommes de terre, betteraves, maïs et légumes bio au printemps. "Dans nos cultures classiques, on a déjà du mal à obtenir des résultats, mais s'il faut en plus se soucier des cultures intermédiaires en période de sécheresse, ce n’est plus tenable", ajoute-t-il.
Des semis pas très écolos
Les surfaces d’intérêt écologiques, les SIE sont une obligation imposée par l’Europe à tous les agriculteurs dans le cadre de la Politique agricole commune pour piéger le nitrate dans le sol et limiter les risques de ruissellement et de pollution des nappes. Ces semis écologiques doivent représenter 5 % des surfaces agricoles. Une autre mesure est obligatoire dans certaines régions agricoles à risques de pollution des eaux, l’implantation de culture intermédiaire piège à nitrates (le CIPAN). La Somme et tous les départements des Hauts-de-France font partie de ces zones à risques. Les agriculteurs ont deux impératifs à respecter s’ils veulent bénéficier des aides européennes. Leurs exploitations doivent être recouvertes de prairies fleuries, de moutarde, d’avoine, de trèfle et autre plante à croissance rapide dès le 6 septembre et jusqu’au 31 octobre au moins. Mais cette année, ces départements sont touchés par une sécheresse exceptionnelle.
À l’heure où le gouvernement nous demande de faire des économies d’énergie, c’est totalement contradictoire
Simon Catteau, agriculteur dans la Somme
Cet été, Simon Catteau a moissonné et récolté son blé, puis il a semé son mélange piège à nitrate par obligation. "Je suis le premier convaincu que ces cultures intermédiaires ont un intérêt agronomique. Il permet d’enrichir les sols et d’éviter le lessivage. Mais cette année, c’est une aberration. J’ai consommé jusqu’à 20 litres par heure de gasoil avec mon tracteur pour rien. Ces graines vont à peine devenir des plantules et ne pourront pas se développer suffisamment pour piéger le nitrate. À l’heure où le gouvernement nous demande de faire des économies d’énergie, c’est totalement contradictoire. Mais je les ai plantées pour ne pas être pénalisé parce qu’il y a une obligation de résultat", se désole l’exploitant.
Une demande de dérogation
Alors que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles a demandé au ministère de l’Agriculture de déroger à la mesure d’implantation des cultures intermédiaires pour cette année, la Fédération de la Somme et le syndicat des jeunes agriculteurs ont fait de même auprès de la préfecture de la Somme. "Dans les conditions actuelles de sécheresse, ces cultures sont inutiles, le risque de lessivage par les nitrates est inexistant et le travail du sol est rendu très difficile. Cela entraîne une usure très importante des outils et une consommation de gasoil déraisonnable", explique Marie-Françoise Lepers, secrétaire générale de la FDSEA 80.
Le 22 août dernier, le ministre de l’Agriculture a indiqué qu’une série d’adaptations serait mise en œuvre, des dérogations au niveau de chaque préfecture. Le préfet de la région Hauts-de France, responsable des politiques nationales et communautaires, refuse la mise en place de toute dérogation au semis. Ce qui a provoqué la colère des agriculteurs de la région. Ce vendredi 2 septembre, à Beauvais, ils ont organisé une manifestation devant les grilles de la préfecture de l’Oise et annonce une action plus dure dans les prochains jours si aucune réponse n’est apportée.
De leur côté, la Préfecture de la Somme et celle de l'Aisne ont accordé un report jusqu’au 15 septembre pour les surfaces d'intérêt écologique. Les exploitants souhaitant bénéficier de cette dérogation devront le signaler à leur direction départementale.