"Liomer à l’heure allemande", un livre sur ce village de la Somme qui a failli devenir ville martyre

"Il y avait urgence !" Pendant deux ans, Jean-Paul Baronnet et Michel Hubaut ont rencontré des témoins et recueilli des documents inédits pour apporter un nouvel éclairage sur ce 17 août 1944, le jour où Liomer a failli subir le sort des villages martyrs de la 2de guerre mondiale.

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C’est un véritable travail d’historien que Jean-Paul Baronnet et Michel Hubaut ont mené depuis deux ans. Témoignages, archives, enregistrements, documents inédits, autant de sources qui leur ont permis de rédiger un ouvrage dans lequel ils évoquent un pan de l’histoire de Liomer (Somme), entre 1939-1945. Période où les habitants vivaient sous l’occupation allemande.

"L’idée est venue de Michel Hubaut, un habitant de Liomer, se souvient Jean-Paul Baronnet. Il est venu me trouver pour qu’on fasse le point sur les évènements du 17 août 1944. Il y avait urgence parce qu’il y avait encore des témoins nonagénaires. L’un est d’ailleurs depuis décédé".

Pour bien comprendre l’histoire de cette journée, les auteurs restituent au préalable l’évènement dans son contexte, géographique, historique et économique.

"Raus ! Raus !"

Ils rencontrent des témoins, consultent les archives départementales, notamment le compte-rendu des procès des collaborateurs. Ils vont même jusqu’à monter au grenier de la mairie de Liomer où ils trouvent des documents inédits, qui ont échappé à la destruction. "Ce sont des lettres de réclamations que les habitants de Liomer, le soir-même du 17 août 1944, ont indiquées, toutes les exactions qu’ils ont subies et bien d’autres documents".

Parmi ces sources, il y a des photos prises par un sous-officier allemand qui était en très bon terme avec une jeune fille de Liomer dont les enfants sont restés en lien avec ceux du soldat. Il y a une valise remplie de documents de toutes sortes que le petit-fils du résistant local René Senet confie aux auteurs. Et il y a surtout, à l'initiative d'une l'enseignante, un enregistrement d’une conférence donnée par l’Abbé Michel Lyonneau aux élèves de 3e du collège de Beaucamps-le-Vieux, dans les années 90. Elle a permis aux auteurs de retracer le déroulé de cette journée. "On a pu en faire une copie. J'ai retranscrit toute la partie du 17 août 44".

Tous ces témoignages et documents à l’appui, les auteurs reconstituent la chronologie des faits.

Ce 17 août 1944, la vie des Liomérois a bien failli virer au drame. Au petit matin, ils "sont réveillés par des coups violents sur la porte de leur maison et des ordres brutaux hurlés en allemand ‘Raus ! Raus !’" racontent les auteurs.  

C’étaient des soldats armés qu’ils ne connaissaient pas, Ce n’était pas la Wehrmacht avec qui ils avaient une coexistence pacifique. C’était vraisemblablement des SS.

Jean-Paul Baronnet, co-auteur du livre

Contraints à sortir de chez eux, les habitants sont conduits de force sur la place de la mairie. Hommes, femmes et enfants sont séparés.

Vont-ils être déportés ? Vont-ils être fusillés ? L’angoisse et l’inquiétude gagnent la population. Elle a entendu parler du massacre d’Oradour-sur-Glane le 22 juin 1944.

"À ce moment intervient l’Abbé Lyonneau qui se trouvait en vacances chez ses parents. Il était à vélo pour aller donner la messe lorsqu’il est arrêté. Arrive un officier de la Gestapo au blouson blanc. Le jeune abbé va discuter avec lui". Par un coup de bluff, l'homme d'église retourne la situation. Parlant un peu l'allemand, il entend le nom d'un certain "Alie". Il se souvient alors l'avoir croisé une fois à Rouen, lorsqu'il avait rendu visite à son frère, prisonnier des Allemands, après avoir été pris en possession d'une arme, à Mers-les-Bains. À l'occasion de cette visite, l'Abbé Lyonneau rencontre le chef de la Gestapo française, Louis Alie. "C'est sans doute ce dernier qui lui accorde l'autorisation de rencontrer son frère" pense jean-Paul Baronnet. Apprenant que l'officier au blouson blanc vient de Rouen, il tente un coup de poker en affirmant bien connaître M. Alie. Le coup de bluff fonctionne. Femmes et enfants sont libérés à la mi-journée, les hommes en fin d’après-midi.

"On ne peut qu'avancer des hypothèses"

"Toute la question est de savoir pour quelle raison les Allemands sont intervenus ce jour-là. Est-ce pour rechercher des résistants ou par représailles d’actions de la résistance ? Ou est-ce par simple pillage d’une armée en déroute ? C’est tout l’objet du bouquin".

La question reste en suspens. Des incertitudes persistent. Des témoignages diffèrent.

"On ne peut pas répondre à la question. On ne peut qu’avancer des hypothèses".

"Les rancœurs sont tenaces"

Pas question pour les auteurs de porter un jugement mais reste qu’en présentant leur livre, ils provoquent des réactions. Cette période de l’histoire reste un sujet sensible. "Ça réveille des souvenirs assez douloureux, parfois des conflits de famille encore vivaces dans les esprits. Les derniers témoins attendaient avec impatience la publication de ce bouquin. On s’aperçoit que presque 80 ans après, les rancœurs sont tenaces".

Comme tous les documents n’ont pas pu être utilisés dans le livre, une exposition sera organisée le 1er novembre lors de la foire du déparquage à Liomer.

Et pour faire perdurer le devoir de mémoire, les auteurs présenteront l’ouvrage aux scolaires.

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