MIGRANTS. Les moyens mis en œuvre pour empêcher les traversées illégales depuis le littoral picard se renforcent

Motards, patrouilles équestres et pédestres, drones… Face à l'augmentation du nombre de tentatives de traversées illégales depuis les côtes picardes, le dispositif de lutte contre l'immigration clandestine, principalement financé par la Grande-Bretagne, a été renforcé depuis an.

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Depuis quelques années, en raison de l'intensification de la présence policière dans le Calaisis, la côte picarde est devenue un nouveau point de passage pour les exilés tentant de rejoindre la Grande-Bretagne.

Le 24 février 2023, un homme soupçonné d'être un passeur a été arrêté et placé en garde à vue par les gendarmes d'Abbeville et 44 exilés ont été interpellés. Le 3 novembre 2021, 49 migrants avaient été retrouvés en état d'hypothermie dans les dunes de Saint-Quentin-en-Tourmont, sur le littoral samarien. 

Face à la recrudescence des tentatives de traversée, le dispositif de lutte contre l'immigration clandestine a été renforcé sur le littoral picard. Un dispositif d'envergure principalement financé par la Grande-Bretagne à hauteur de plusieurs centaines de milliers d'euros par an. 

50 gendarmes patrouillent chaque jour le littoral

Chaque jour, depuis un an, 50 gendarmes patrouillent le littoral picard, dont 32 réservistes venus des Hauts-de-France et d'Île-de-France. Des hommes et des femmes de tous âges, militaires à la retraite, actifs ou étudiants, comme Juliette, qui a décidé de s'engager. Avec son détecteur de métaux, elle recherche du matériel enfoui dans le sable. Et elle en trouve "souvent". "Il y a beaucoup de dépôt de matériel. On peut trouver des moteurs, des jerricanes, des embarcations et de la nourriture comme des cannettes", explique la jeune femme.

Nuit et jour, comme en témoignent des images nocturnes du drone de la gendarmerie de la Somme, les patrouilles pédestres veillent à ce qu'aucune embarcation clandestine ne prenne la mer en direction des côtes anglaises situées à plus de 70 kilomètres de la baie de Somme. Leur première mission est de protéger la vie des exilés et d'éviter la mise à l'eau des embarcations, souvent surchargées.

"Lorsque les vents sont favorables, qu'ils soient à 60 ou 70 km, ça ne leur fait pas peur. Ils ont fait des milliers de kilomètres auparavant et là, ils arrivent au but. Ils prennent beaucoup de risques", constate Denis, gendarme retraité réserviste de l'opération Poséidon. "Lorsqu'on voit des familles entières dans des bateaux… C'est dangereux. J'ai vu ça une fois, on les a empêchés de partir… Il y avait des femmes et des enfants et c'est vrai que ça fait mal."

Motards et gardes républicains sur le pont

Les gendarmes de l'opération Poséidon surveillent plus de 60 kilomètres de massifs dunaires, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Certains de ces réservistes et gendarmes d'active bénéficient de moyens particuliers, adaptés, comme les motards du peloton motorisé d'Abbeville, qui parcourent une bande littorale s'étendant de la baie d'Authie à Quend Plage. 

Ils ont tous été formés pendant trois mois au Centre national de formation à la sécurité routière (CNFSR) et travaillent avec des motos tout terrain. "Pour ce qui est des dunes et du sable, les motos qu'on utilise au quotidien ne sont pas équipées. C'est pour ça qu'on a recours à des motos type enduro", pointe Nicolas, gendarme du peloton motorisé d'Abbeville.

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Cédric, garde républicain de la patrouille à cheval de Saint-Valéry-sur-Somme. ©Emilie Montcho / France Télévisions

Les militaires du poste à cheval de Saint-Valéry-sur-Somme sont, eux aussi, mobilisés dans la surveillance des flux migratoires illégaux. L'unité a été créée en 2021. Ils sont gardes républicains et leurs chevaux, habitués aux pavés parisiens, ont dû s'adapter, tout comme eux, au sable et à la météo parfois extrême.

12 départs empêchés en 2022

En 2020, 3 départs ont été empêchés, 12 en 2022. Sans compter les nombreuses découvertes de matériel qui portent à 90% le nombre de tentatives mises en échec par les gendarmes. "En 2022, on a vraiment multiplié par dix l'activité des militaires, de la gendarmerie, et de la police dans la Somme. Et plus particulièrement sur le littoral pour éviter que ça ne devienne une zone de départ", explique le préfet de la Somme, Etienne Stoskopf.

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Etienne Stoskopf, le préfet de la Somme. ©Emilie Montcho / France Télévisions

"Pour les gendarmes, c'est un engagement très important qui ne se fait pas aux dépens des autres missions. C'est aussi l'intérêt de ces concours financiers de plusieurs centaines de milliers d'euros par an. Ça nous permet d'être présents, d'utiliser des réservistes en plus, c'est-à-dire sans dégrader aucune des missions que la gendarmerie effectue dans le département pour la sécurité de sa population", souligne le préfet du département. 

501 personnes interpellées l'an dernier

Lorsque la météo ou les marées sont défavorables, les passeurs privilégient alors les axes routiers pour leur trafic. Ils incitent les exilés, souvent des jeunes de 18 à 35 ans, à prendre place clandestinement dans les remorques des poids-lourds, à l'insu du chauffeur. Les militaires de la compagnie de gendarmerie d'Abbeville procèdent donc à des contrôles quasi quotidiens.

"Quand [les chauffeurs] reprennent la route tôt le matin, soit ils entendent du bruit dans leur camion, soit ils voient que le plomb qui se trouve à l'arrière du camion est cassé. Donc ils nous sollicitent pour qu'on vienne directement procéder à des vérifications", expose Romain, gendarme du peloton motorisé d'Abbeville. "Si on trouve des personnes en circulation irrégulière dans les ensembles routiers, on place ces personnes en retenue administrative le temps que l'autorité préfectorale prenne une décision administrative", ajoute le gendarme. 

Routes départementales, gares, péages… aucun axe n'échappe à la vigilance des gendarmes. En 2022, cette surveillance active a conduit à l'interpellation de 501 personnes dont 15 individus soupçonnés d'appartenir à des réseaux de passeurs. "Dans le cadre de notre mission, on a contrôlé un véhicule type break avec deux personnes à l'intérieur et une trentaine de gilets de sauvetage et un bateau pneumatique servant à la traversée maritime au niveau des côtes picardes. C'étaient deux passeurs qui devaient transporter des migrants. Ils ont été interpellés, placés en garde à vue, et présentés au procureur de la République", appuie Romain.

300 opérations depuis janvier 2023

Dans le massif dunaire, les réservistes continuent d'arpenter par tous les moyens chaque centimètre de sable. Ces plages sont devenues un nouveau point de départ vers l'Angleterre pour des milliers d'hommes et de femmes poussés hors de leur pays d'origine par les guerres ou pour des raisons politiques et économiques. 

"Nous intervenons dans le cadre de la sauvegarde de la vie humaine. Les conditions météorologiques sont défavorables, mais le fait que les migrants tentent de prendre la mer à bord d'embarcations pas adaptées à la traversée les met en danger. Donc on intervient pour les détecter et empêcher les départs et les mises à l'eau", détaille Emilie Pistre, commandante de la compagnie de gendarmerie d'Abbeville. Depuis début janvier 2023, déjà près de 300 opérations ont été menées sur le littoral picard. 

Augmentation de 30% des tentatives de traversées en 2022

Malgré le durcissement de la politique migration et le renforcement des dispositifs de surveillance autour de Calais et sur le littoral picard, le nombre de tentatives de traversée pour rejoindre la Grande-Bretagne a connu une augmentation exponentielle ces dernières années, entraînant avec lui son lot de drames. En novembre 2021, au moins 27 exilés avaient péri dans le naufrage de leur embarcation.

En 2022, quelque 52 000 migrants ont tenté de rejoindre l'Angleterre en traversant la Manche au départ du littoral français, selon un bilan dressé fin janvier par la préfecture maritime. Sur ces 52.000 personnes, 8.300 ont été "secourues et ramenées en France", les autres ayant réussi à rallier les côtes anglaises, a détaillé le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Marc Véran, lors d'une conférence de presse au Touquet (Pas-de-Calais) le 27 janvier 2023.

En 2021, ils étaient 36 000 à avoir tenté la traversée, selon les chiffres de la préfecture maritime, soit une augmentation de 30%. Le préfet fait également état d'embarcations de plus en plus grandes et chargées, avec jusqu'à 100 migrants à bord.

Une enveloppe de 72,2 millions d'euros

Les chiffres de la préfecture maritime concordent avec le bilan établi par l'AFP à partir des données du ministère britannique de la Défense de 45 756 migrants ayant réussi à rejoindre l'Angleterre. Sur le seul mois de janvier 2023, 1180 personnes ont tenté de rejoindre l'Angleterre sur des bateaux de fortune, selon le ministère de la Défense britannique.

Un accord signé entre Paris et Londres mi-novembre 2022 pour contrer ces tentatives de traversées, prévoit notamment une enveloppe de 72,2 millions d'euros que devront verser les Britanniques en 2022-2023 à la France pour augmenter de 800 à 900 le nombre des policiers et gendarmes sur les plages françaises.

Avec AFP.

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