PORTRAIT. Reinette Michon, pêcheuse de vers depuis plus de 40 ans : "la vie en société, c'est pas fait pour moi"

Renée Michon exerce un métier peu connu et en voie de disparition : elle est verotière. Elle pêche à pied dans la vase de la baie de Somme des vers qui serviront d'appâts pour la pêche de loisir.

À l'aise dans ses cuissardes, Renée Michon, que tout le monde appelle Reinette, arpente la pointe du Hourdel, à la recherche des petits trous dans le sable qui lui signalent la présence de vers. "Là, tu le sais qu'il y a du ver, explique-t-elle en pointant la vase du doigt. Pour la taille, tu regardes les trous qu'il y a sur le terrain : la taille du trou te renseigne déjà sur la taille du ver."

Armée d'une bonne humeur communicative, elle ne se lasse pas de partager sa passion. Le ver qui l'intéresse, c'est le nereis diversicolor, une espèce utilisée comme appât pour la pêche de loisir. Reinette donne deux trois coups de bêche pour s'emparer de la petite bête profondément enfouie. "On est toujours baissés, donc c'est le dos qui trinque ! C'est le métier le plus dur, parce que pour pêcher les coques, on ne s'enfonce pas comme ça. Pour les vers, on s'enfonce dans la vase, on est toujours en train de tirer sur notre dos pour se dégager, absolument tout le temps. Enfin, il faut tirer à bon escient, sinon on se prend une bonne gamelle !", s'amuse-t-elle. 

Une passion de longue date

La baie pour Reinette, c'est comme une vieille copine, qu'on connait par cœur et qu'on estime beaucoup. "Cette baie, elle est protégée, on en tire que des avantages : on peut travailler dans un cadre génial, sans détruire quoi que ce soit. Voyez, respirez... c'est vraiment quelque chose de magique !", se réjouit-elle en ouvrant grand les bras vers l'horizon. Il faut dire qu'elle a commencé le métier à l'âge de neuf ans, en accompagnant d'abord sa mère et son beau-père. "J'étais une chiante, il faut dire les mots ! On dirait maintenant un enfant hyperactif, mais j'étais celle qui emmerdait la fratrie, raconte-t-elle d'un air malicieux. Alors ma mère m'a mise au boulot de bonne heure, et en fin de compte, j'en suis ravie, je suis restée dedans."

Aujourd'hui, elle n'imagine pas faire un autre métier. "Ça me plait parce qu'on travaille tout seul : t'as pas de patron sur le dos, t'as personne qui te dit ce qu'il faut que tu fasses (....), t'as un cadre qui est génial. C'est quand même un beau métier. Et puis la vie en société, c'est pas fait pour moi. Quand on a goûté à la nature, qu'on peut se débrouiller par soi-même, on n'aime pas être géré par quelqu'un."

Un savoir-faire exceptionnel

En une marée de cinq heures, Reinette peut ramasser 3 à 4 kilos de nereis diversicolor. Grâce à son savoir-faire exceptionnel, elle sait exactement lesquels sont prêts à être pêchés et lesquels sont encore trop jeunes. "Il faut vraiment choisir le ver que tu vas ramasser. Malheureusement, il y a des gens qui n'ont pas appris et qui ramassent tout, mais après, tu n'as plus de production. Le ver, il fait ses jeunes dans sa troisième année, donc si tu les ramasses petits, tu perds un potentiel de jeunes à venir", explique-t-elle. Mais le travail ne s'arrête pas là : après la pêche, elle passe les vers dans un tamis pour les débarrasser facilement de la vase. Ils sont ensuite stockés et nettoyés chez elle avant d'être expédiés chez un grossiste.

Ces connaissances, elle aimerait les transmettre. Aucun de ses quatre enfants n'a suivi sa trace, mais elle aimerait faire naitre des vocations. Avis aux amateurs ! 

Avec Camille Di Crescenzo / FTV

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