Depuis 2014, l'association Picardie Nature recense les cadavres des oiseaux échoués sur le littoral samarien. Un comptage qui se fait dans le cadre d'une étude européenne afin de mieux analyser la qualité du milieu marin.
Recenser et autopsier les oiseaux morts permet de mieux analyser l'état du milieu marin. Chaque année, Sébastien Legris, chargé de mission scientifique observatoire faune à Picardie Nature, réalise sept passages durant l'hiver avec des équipes bénévoles sur une partie de la côte samarienne. "On comptabilise tous les oiseaux morts échoués que l’on va trouver au niveau de la laisse de mer." Il s'agit du bord de mer correspondant à la ligne de dépôts sur le trait de côte.
Ces études rentrent dans un cadre européen. Elles répondent à la "directive cadre sur la stratégie pour le milieu marin" (DCSMM), créée le 17 juin 2008, dont le but était de "parvenir au bon état écologique du milieu marin au plus tard en 2020", rapporte le texte.
Trois indices étudiés sur l'état du milieu marin
Dans ce cadre, depuis 2014, Picardie Nature s'est vu confier deux missions. La première est l'étude de la mortalité des espèces d’oiseaux marins échoués sur les côtes picardes. Puis, la deuxième est de suivre un protocole sur des espèces spécifiques dont l'analyse des cadavres sert d'indicateur concernant la pollution liée aux hydrocarbures et aux contaminations plastiques.
En plus de ces deux mesures, Sébastien Legris explique que depuis 2020, un troisième indice est surveillé : l'activité de pêche accidentelle en mer. Pour chacun des indicateurs, "il y a un seuil de tolérance" qui est de 10 %. Il prend exemple par rapport à la pollution aux matières plastiques. "On a une espèce comme le Fulmar boréal qui ingère des matières plastiques. Ce sont les résultats des autopsies qui permettront de calculer un coefficient de contamination. Il faut qu’il y ait moins de 10 % des individus qui soient contaminés pour qu’une pollution soit acceptable." Dans le temps, "ça permet de voir s’il y a une amélioration ou pas".
Une étude sur 15 km de côte samarienne
À chaque passage, "on fonctionne avec une douzaine de bénévoles. On se répartit en différents groupes sur la côte", avec des équipes présentes en simultané dans le Nord-Pas-de-Calais et en Normandie. Dans les trois façades de l'antenne Manche / mer du Nord, des secteurs font office d’échantillonnage, car il est impossible de couvrir toute la côte. "On a 15 km à parcourir dans la Somme, entre la base nautique d'Ault et la pointe du Hourdel", indique Sébastien Legris.
Durant les ramassages des oiseaux échoués, le référent explique que toutes les espèces sont répertoriées. Les causes de mortalités sont étudiées dans un premier temps sur le terrain. "Généralement, ce n’est pas facile, car l’état des individus ne le permet pas."
C'est pourquoi "tout est centralisé dans le congélateur" à Amiens. "On envoie les cadavres, fin mars, début avril, vers le Nord-Pas-de-Calais où ils sont autopsiés." Ces bilans sont ensuite analysés par Sébastien Legris.
Les causes de mortalités sont induites généralement par ce qu’il se passe en mer.
Sébastien Legris, chargé de mission scientifique observatoire faune à Picardie Nature
Lors de ces observations, il y a des espèces d'oiseaux qui sont plus recherchées que d'autres. Elles servent d'indicateur pour l'une des trois mesures. Les pingouins Torda et Guillemot de Troïl permettent d'évaluer les pollutions aux hydrocarbures. Le Fulmar Boréal est lui prélevé pour mieux étudier les contaminations plastiques. "Il se nourrit à la surface". L'espèce "est contaminée quasiment systématiquement avec des charges très variables." Enfin, les Alcidés et les fous de Bassan sont des témoins de la pêche accidentelle.
Les ramassages ont lieu en hiver, au moment où ces oiseaux marins viennent hiverner. "Les populations en mer sont beaucoup plus importantes. On s’intéresse à des espèces qui vont séjourner en mer relativement longtemps et qui ne sont quasiment pas liées au milieu littoral ou aux terres", résume Sébastien Legris. "Les causes de mortalités sont induites généralement par ce qu’il se passe en mer."
Par ailleurs, lors de la saison hivernale, les oiseaux sont confrontés à des tempêtes "qui les affaiblissent pas mal. Ce qui permet de trouver plus de cadavres", évoque Sébastien Legris.
Des recensements qui mettent en évidence des épidémies et des phénomènes naturels
Actuellement, ce dernier réalise une nouvelle synthèse de toutes les données collectées. Récemment, elles ont mis en évidence un épisode de grippe aviaire en 2023. "On a eu une augmentation de certaines espèces comme les fous de Bassan. C'était très visible." Les résultats ont également montré des épisodes de tempêtes importantes. Ce sont "des oiseaux affaiblis en mer. Ça concerne surtout le pingouin Torda qui se nourrit à la surface de l’eau. Et lorsque la mer est relativement agitée, ils n’arrivent plus à se nourrir convenablement et finissent par s’affaiblir et s’échouer."
Concernant les trois indices, celui qui a le plus évolué positivement est la pollution aux hydrocarbures, "on est en dessous des 10 %" assure Sébastien Legris, malgré la présence encore de cadavre mazouté. Le chargé de mission indique que ces études doivent se poursuivre sur le long terme.