En été, les trois hectares de cette parcelle agricole située à Ham, dans la Somme, sont recouverts de champs de lavande, mais aussi de thym, romarin, origan, estragon ou sarriette. Un vrai décor à la Pagnol et pourtant, nous sommes bien dans les Hauts-de-France, au nord de la France.
De la lavande en pleine Picardie... Cela peut paraître atypique et pourtant, c'est bien le cas à Ham dans la Somme. "À l’origine, en 2016, l’activité est créée à Gamaches par Thomas Lécureux. Il souhaitait développer des solutions naturelles pour améliorer la santé, après la maladie grave d’un proche. Il va réussir, après des tâtonnements, à acclimater aux sols picards, des variétés de plantes méridionales, lavande, sauge, thym, romarin…", nous explique Thomas Ducamps, copropriétaire de l'entreprise de plantes aromatiques et médicinales Florixir. La seule du genre dans la région.
En 2022, Thomas Lécureux et Thomas Ducamps décident de s'associer et transfèrent l’activité à Ham. Aujourd’hui, l’entreprise se fait une vraie place au soleil… Sans jeu de mots ! "J’ai deux parcelles pour ces cultures méridionales. L’une humide, pour la menthe par exemple, qui aime l’eau. L’autre très sèche, avec une pente, pour évacuer l’eau. On y cultive de la ciboulette, de la sarriette, de la lavande, détaille Thomas Ducamps. On tente de reproduire au maximum les conditions naturelles de pousse et les types de sols les plus adaptés à ces plantes. Il a fallu bien évidemment faire des essais et identifier les variétés qui s’acclimatent le mieux aux sols picards."
Des plantes du sud qui s'acclimatent au temps du nord
Sur les trois hectares de l’exploitation de Thomas Ducamps, une quarantaine de variétés de plantes aromatiques et médicinales ont ainsi trouvé leurs marques en terre picarde : estragon, romarin, thym, origan et bien sûr lavande. Mais aussi de la Livèche, une épice méditerranéenne, utilisée comme condiment, ou de l’Hélichryse, fleur emblématique de la Méditerranée, réputée pour ses vertus cicatrisantes.
C'est le changement climatique qui leur permet aujourd'hui de faire pousser ce type de plante en Picardie. "Ce qui est frappant, c’est que, pluies ou chaleurs, tout est à l’excès en ce moment. Dans certaines zones en France, on a atteint des valeurs historiques. Du coup, notre terroir est plus sec qu’auparavant avec le changement climatique. On peut désormais y cultiver des abricots, des olives, on y relance même la culture de la vigne", affirme-t-il.
"À Valensole, une commune située dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, un village réputé pour sa culture traditionnelle de la lavande, les producteurs sont confrontés à des épisodes de plus en plus longs de chaleur extrême. Résultat, le sol est trop sec et la plante souffre, poursuit Thomas Ducamps. En Picardie, grande région agricole, on commence, nous aussi, à connaître des soucis pour certaines cultures. Les pois protéagineux par exemple. Les chaleurs de printemps, trop intenses, les fragilisent. En Espagne, où on atteint des niveaux de chaleur jamais vus, ils ont du mal à produire de la pomme de terre. Donc, rien d’étonnant à ce que des variétés réputées aimer la chaleur et le soleil, s’acclimatent dans le nord de la France où l’on reste relativement épargné par ces pics aigus de canicule, souvent longs dans le temps. En revanche, cet été, comme nous avons eu peu de soleil, notre sarriette n’était pas assez qualitative, donc on ne la distillera pas cette année, mais on a récolté beaucoup de menthe."
"Une grande exigence de qualité"
Infusions, huiles, vinaigres aromatisés, miels et huiles essentielles : la parcelle de Thomas, aux allures de petit coin de Provence, permet la production d’une centaine de références estampillées "Terroirs Hauts-de-France Bio". Une vraie fierté pour cet enfant du pays originaire de Ham, qui a toujours été agriculteur. "Je suis producteur de pommes de terre et de légumes bio. Mais avec Florixir, j’explore un type de culture originale dans des conditions les plus naturelles possibles. Mon souci est de limiter au maximum mon impact sur l’environnement. J’ai besoin de mes petits vers de terre, de diversité, d’engrais naturels. Tout ce que nous vendons, dans notre boutique sur site, ou dans les magasins bio, en restauration collective ou chez les grossistes, est à usage externe, destiné à être consommé en tisanes, dans des soupes, des plats familiaux, ou sous forme d’huiles essentielles. Donc, il y a une grande exigence de qualité."
Le chef d’entreprise a décidé aussi de relancer les plantes emblématiques de notre région, comme l’ortie. "Une fois séchée, pour assaisonner une salade ou une quiche, rien de tel. Et puis je rappelle que l’ortie favorise la circulation sanguine ! Pour sa cueillette, rien de plus facile. Nous faisons appel à une cueilleuse, qui connaît bien les endroits où elle prolifère. Il y a aussi l’Ail des ours, plante aromatique et médicinale sauvage, endémique en Picardie. C’est un excellent condiment."
Aujourd'hui Thomas Ducamps est heureux d’avoir transmis sa passion des herbes médicinales et aromatiques bio, "made in Picardy", à ses deux enfants, Louise et Augustin. "On fait des petits volumes, mais j’estime qu’on fait du bon boulot. Et notre entreprise est à l’équilibre sur le plan financier. À l’avenir, on va essayer de commercialiser des plantes fraîches. Une dernière précision, nous sommes notre propre contrôle qualité. Tout ce que nous produisons à Ham, nous le consommons, dans nos plats, en famille."