À l'occasion des 80 ans de la Bataille de France, nous revenons sur les événements qui ont marqué la Picardie au printemps 1940. Aujourd'hui, l'exécution par les Allemands du capitaine Charles N'Tchoréré mort le 7 juin 1940, à Airaines dans la Somme, en raison de la couleur de sa peau.
"La vie, vois-tu, mon fils, est quelque chose de cher. Cependant, servir sa patrie, même au péril de sa vie, doit l'emporter toujours. J'ai une foi inébranlable dans la destinée de notre chère France. Rien ne la fera succomber, et s'il le faut, pour qu'elle reste grande et fière de nos vies, et bien qu'elle les prenne."
Ces mots sont ceux de Charles N’Tchoréré, couchés sur la dernière lettre qu’il écrit à son fils, quelques jours avant de mourir exécuté par un soldat allemand à Airaines, le 7 juin 1940.
80 ans après, au centre de cette petite commune de la Somme située entre Amiens et Abbeville, une avenue porte le nom du Capitaine N’Tchorere et un sobre monument honore la mémoire de ces soldats à l’histoire méconnue.
"Au capitaine N’Tchoréré mort héroïquement le 7 juin 1940 et à tous les combattants d’Afrique Noire qui ont versé leur sang pour la France", peut-on y lire en lettres noires sur fond blanc.
Ceux que l'on appelait alors les tirailleurs sénégalais sont morts pour la défense d'Airaines, en juin 1940. A court de munitions, le capitaine et ses 15 hommes encore valides, noirs et blancs, se sont rendus… N'Tchorere a été exécuté parce qu'il demandait à être traité en officier.
Charles N'Tchorere est un officier à la carrière peu commune. Ce Gabonais, fils de notable, participe à la première guerre, qu'il termine avec le grade de sergent. Promu adjudant, il suit une formation à l'école d'officier à Fréjus, devient lieutenant à titre indigène, puis à titre français.
Il passe ensuite capitaine et dirige l'école d'enfants de troupes de Saint-Louis, au Sénégal. En 1940, le voici dans la Somme, au sein d'un régiment d'infanterie coloniale mixte. Noirs et blancs s'y battent ensemble.
Les troupes coloniales occupent plusieurs villages où elles appliquent la stratégie du hérisson. La moindre maison devient un retranchement. Les canons antichars français se montrent précis. Les Allemands peinent. L'aviation et l'artillerie viennent à la rescousse de l'infanterie et des blindés du général Rommel. Airaines n'est plus que ruines.
Le régiment recule. N'Tchorere se porte volontaire pour couvrir la retraite. Le village tombe à coups de lance-flammes. Capturés, ses hommes sont triés. Noirs et blancs de chaque côté. Lui veut rejoindre les officiers. Un des vainqueurs lui tire une balle dans la tête.
Loin des campagnes picardes, la mémoire de cet acte de bravoure est également honorée sur le continent africain. Au Sénégal, le Prytanée militaire de Saint-Louis porte le nom du Capitaine Tchorere, tout comme le camp d’entraînement du 6ème bataillon d’infanterie de Marine à Port-Gentil, au Gabon.
Le petit village d’Airaines a érigé un monument en sa mémoire et une avenue porte son nom.
— ????????? ? (@ChronoFil) June 7, 2020
Le Prytanée militaire de Saint-Louis au Sénégal porte également son nom, comme le camp d’entraînement nautique du 6e bataillon d’infanterie de Marine (6e BIMa) à Port-Gentil au Gabon. pic.twitter.com/1jEMP6uwXL
Charles N'Tchorere n'est pas le seul martyr. Les tirailleurs sénégalais ont lutté avec hargne dans la Somme et l'Oise. A Airaines et dans bien d'autres villages, des soldats faits prisonniers sont exécutés à cause de la couleur de leur peau.
Les jeunes combattants de la Wehrmacht vengent ce que leur pays a appelé "la honte noire". L'occupation de l'Allemagne par les troupes africaines après la Première Guerre. 1500 à 3000 prisonniers seront ainsi liquidés pendant la campagne de France.