Pour que leur mémoire ne disparaisse jamais, des héroïnes de l’ombre, âgées aujourd’hui de 90 ans et plus, relatent avec force détails et une incroyable dignité comment elles ont survécu, de 1939 jusqu’à la libération, durant toute la Seconde Guerre mondiale.
Geneviève et sa famille faisaient partie des centaines de milliers de réfugiés qui, pendant l'occupation allemande, durant la Seconde Guerre mondiale, se retrouvaient malgré eux sur les routes de France. C'est en chemin, en arrivant vers Amiens, qu'elle a pris pleinement conscience de l'horreur de la guerre. Son frère cadet, alors âgé de six ans et demi, est mort, pris au milieu d'une fusillade dans la Somme.
"On nous a parqués dans une pâture et quand on a voulu descendre de voiture, une rafale de mitrailleuse, et c'est mon petit frère qui a tout pris. Personne n'a été blessé, mais lui, il était criblé de balles."
Geneviève
Elle se souvient, avec précision : "Tout le monde disait "vous pouvez l'enterrer là au bord de la route, vous reviendrez". Non, les parents ont refusé. On a transporté le corps avec nous. La voiture, c'était une autre équipe. L'intérieur était en velours. Donc maman avait mis le corps du petit André qui avait six ans et demi dans le drap et elle l'avait épinglé dans le velours. Et moi j'ai fait le reste du voyage avec le corps dans le dos. Et je peux vous dire que là, j'ai compris qu'un corps, ça se refroidissait très vite parce que j'avais le dos au froid, toute la route". Ce malheur a été pour elle le déclencheur de l'entrée en résistance.
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Le récit de Geneviève, qui avec sa famille a fait partie des centaines de milliers de réfugiés sur les routes de France, pendant la 2de Guerre mondiale
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©Elkin Communication / Ariane Films / LFA Productions / Pictanovo
Lili, survivante des camps de concentration, témoigne pour les enfants d'aujourd'hui
Il est des jours et des dates qui ne peuvent s'oublier. "Cela s'est passé très exactement le 27 octobre 1943. C'est une date qui reste gravée dans ma mémoire à tout jamais. Car figurez-vous que le 27 octobre était le jour anniversaire de maman. Et quelle ironie du sort ! C'est cette nuit-là, à 3 h du matin, que la Feldgendarmerie est arrivée chez nous avec fracas".
Lili Leignel et sa famille ont été arrêtées et emmenées à la prison de Loos, près de Lille. "On grimpait les escaliers, tambourinait aux portes. Nous nous sommes réveillés en sursaut, nous demandant ce qui se passait. En un temps record, il fallait ramasser ce que l'on avait de plus précieux. Mais que prendre ? Nous étions éperdus de peur !", se remémore la vieille dame, qui aujourd'hui raconte inlassablement son expérience de la guerre aux élèves de toute la région.
Lili fêtera ses 90 ans l'année prochaine. La plus belle des revanches possibles contre les hommes qui ont souhaité son extermination il y a près de 80 ans.
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On nous a distribué nos numéros de matricule. Le mien était le 25 612. Ce matricule, il fallait le connaître par cœur. En français bien sûr, mais surtout en allemand. Je n'étais plus que le fünfundzwanzig tausend sechshundertzwölf. À partir de ce moment-là, nous n'étions plus personne. Nous n'avions plus d'état civil, plus de nom.
Lili Leignel
Après la fin de la guerre, 1038 personnes ont reçu la distinction de compagnons de la Libération. Parmi elles, six étaient des femmes.
"39-45, elles n'ont rien oublié", un documentaire à voir jeudi 6 juin à 23h05 sur France 3 Hauts-de-France et sur france.tv
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Découvrez les récits poignants de Marie-Claire, fille de soldat, qui a subi la guerre comme beaucoup de Français, sans y avoir participé activement ; Geneviève, résistante et fille de résistants initiateurs du réseau clandestin "Voix du Nord" ; Frédérique, dont les parents ont œuvré à la sauvegarde des œuvres du Musée du Louvre ; et Lili, juive, déportée et rescapée des camps de Ravensbrück et de Bergen-Belsen.
Raconté par Benoît Allemane
Réalisation : Germain et Robin Aguesse
Production : Elkin Communication / Ariane Films / LFA Productions / Pictanovo