Interrogé au Sénat mercredi 14 septembre, Jean-Pierre Farandou a reconnu les défaillances de la SNCF en Hauts-de-France, notamment concernant les suppressions de trains, et appelle à une réponse de concert avec la Région. Il répondait à la question du sénateur de la Somme Stéphane Demilly.
Invité à répondre aux questions des sénateurs mercredi 14 septembre, le patron de la SNCF a plutôt joué franc jeu. Devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, Jean-Pierre Farandou a reconnu les défaillances de l'entreprise publique, notamment pendant l'intervention de Stéphane Demilly, sénateur centriste de la Somme.
L'ancien maire d'Albert a évoqué le grand nombre de suppressions de trains qui provoque l'ire des clients de la ligne Amiens-Paris. "Je souhaite aborder trois points. Tout d'abord, en tant que sénateur de la Somme et client habituel d'Amiens-Paris (...), ma première question porte sur [le] réseau de transport régional. Ma région accuse - et vous le savez - environ 10% de suppressions de trains par jour, en raison du déficit de conducteurs. Ce chiffre monte jusqu'à 50% dans certains territoires Hauts-Français," déplore l'ex-député.
"Si en moyenne 10% des trains ne partent pas - permettez-moi d'être un peu provocateur - ne serait-il pas juste que les factures des collectivités ne soient réduites de 10% ? poursuit Stéphane Demilly. Comment expliquer que les régions paient pour des trains qui ne partent pas ? Très sérieusement, ce problème de fiabilité que nous rencontrons dans notre région fait qu'un certain nombre de clients risquent de se détourner de ce moyen de transport, moi le premier : lorsque j'ai un rendez-vous important au Sénat, j'ai pris la décision de m'y rendre en voiture," conclut l'élu samarien.
En réponse, le chef de la SNCF tient à montrer aux clients de cette ligne sinistrée qu'il connaît leur situation. "J'ai une pensée pour les milliers d'usagers qui depuis des années n'ont pas une desserte satisfaisante. Il y a des causes intrinsèques et des causes conjoncturelles."
Jean-Pierre Farandou expose tout d'abord les raisons intrinsèques. "[Sur cette ligne] circulent des trains très denses, parmi les trains les plus denses de France. Pour ceux qui ne connaissaient pas, ce sont des trains qui accueillent parfois 2 000 personnes parce qu'il y a énormément de personnes habitant la Somme et surtout l'Oise qui viennent bosser à Paris tous les jours. C'est peut-être l'endroit où il y en a le plus, même dans le grand bassin parisien. C'est un choix de vie influencé par la comparaison de l'immobilier à Paris et celui de la Somme."
Travailler avec la Région
Quant au conjoncturel, il compte découper sa réponse. "Pour faire des trains, il faut une desserte, des matériels, des conducteurs et une destination, introduit-il. [Depuis Amiens,] on arrive gare du Nord, qui est saturée, où le moindre aléa fait boule de neige."
"Avec la région, il y a trois sujets avec lesquelles il faut composer. Premièrement, il y a les dessertes, que nous souhaitons plus cadencées, régulières. Elles peuvent être très hétérogènes - un train va s'arrêter à une gare, le suivant ne va pas s'y arrêter - et ça nous rend la gestion opérationnelle très compliquée, notamment parce qu'on ne peut remplacer un train par un autre. Il faudrait travailler avec le conseil régional sur une simplification du schéma de desserte", préconise le patron de la SNCF.
Ensuite, Jean-Pierre Farandon évoque le matériel employé pour cette ligne, qui a fait son temps. "On continue à utiliser des locomotives tractées qui ont plus de quarante ans. (...) La politique de parc (nature du matériel, maintenance) relève de la Région. Des investissements sont faits, mais on voit bien qu'on a du mal à rattraper les retards."
"On s'est planté"
Puis vient la question du trop faible nombre de conducteurs, où le président de la SNCF s'est livré à un véritable mea-culpa. "Bon là, c'est pas la Région, c'est nous. On s'est planté. On s'est planté plus lourdement en Hauts-de-France qu'ailleurs, reconnaît-il.
Le problème, quand on s'est plantés, c'est qu'il faut mettre presque deux ans pour se remettre. On embauche beaucoup pour retrouver le bon nombre de conducteurs, mais le problème persiste en attendant. Il y a un temps incompressible de recrutement et de formation.
Jean-Pierre Farandouprésident de la SNCF
"Je m'implique pour la Picardie"
"Quatrièmement, l'aspect financier est réglé par la Région elle-même, continue le président de l'entreprise ferroviaire publique. Je m'implique personnellement sur la Picardie. Il y a un mois ou deux, j'ai fait l'ouverture de la gare d'Amiens à 5h30 du matin, pour être "à portée de baffe" comme disent certains. Ça n'a pas loupé, il y a eu un train supprimé, donc je me suis "pris des baffes". Il n'y a rien de tel pour entendre les usagers, comprendre leurs problèmes. Car même s'il y a un train suivant trente minutes après, et bien trente minutes c'est beaucoup, et en plus les gens y sont davantage tassés... Donc non seulement ils sont en retard, mais en plus ils voyagent dans de mauvaises conditions. Ça met les cheminots dans une situation très compliquée : ils sont en première ligne mais il n'y peuvent rien. (...)"
Jean-Pierre Farandou conclut enfin sa réponse à Stéphane Demilly en forme de main tendue vers le conseil régional. "Ce que j'appelle, devant cette situation difficile, à partir du moment où la SNCF n'est pas dans le déni et reconnaît ses responsabilités, c'est qu'on soit solidaires pour trouver une solution, propose-t-il. Ok, on tape sur la SNCF, et la SNCF est prête à accepter les critiques - voire les coups - qu'elle mérite, mais ça ne traite pas le problème. Il faut se serrer les coudes et ensemble trouver les meilleures solutions possibles pour aider les usagers. C'est mon état d'esprit, et je souhaite que celui-ci se décline un peu dans tous les territoires."