Vote au Sénat de l’interdiction des PFAS, très présents en Picardie : "nous sommes face à un scandale sanitaire"

Les parlementaires ont décidé d’agir, malgré l’opposition du gouvernement. Jeudi 30 mai, les sénateurs ont voté à l’unanimité l’interdiction de la fabrication et de la vente de produits contenant des PFAS. Cette loi prévoit également des contrôles et des taxes sur les rejets. Une avancée majeure pour les associations malgré quelques réserves.

Après l'Assemblée nationale et malgré les réserves du gouvernement, le Sénat a adopté, jeudi 30 mai, une proposition de loi écologiste pour restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, ces "polluants éternels" massivement présents dans la vie courante. Le texte du député écologiste Nicolas Thierry a été approuvé à main levée à l'unanimité des votants. 

Les tentatives de désinformation des lobbies industriels n’ont pas fonctionné.

François Veillerette, co-fondateur de Générations Futures

Une première victoire pour les associations et les scientifiques engagés dans cette bataille. "Cette loi est un progrès dans la lutte contre les PFAS. Nous constatons que les tentatives de désinformation des lobbies industriels n’ont pas fonctionné. Ils ont tenté de faire croire que les fluors polymères [entrant dans la composition des antiadhésifs, type téflon] n’étaient pas dangereux", explique François Veillerette, cofondateur de Générations Futures.

Le projet de loi prévoit d'interdire, à partir du 1er janvier 2026, la fabrication, l'importation et l'exportation de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des PFAS, à l'exception de certains textiles industriels. Les ustensiles de cuisine ont, encore une fois, échappé à l'interdiction.

Des contrôles accrus

Par ailleurs, la proposition de loi vise à renforcer le contrôle des PFAS dans les eaux. Les débats au Sénat ont ainsi permis de compléter le volet relatif à la transparence de ces contrôles dans les eaux destinées à la consommation humaine avec une carte, mise à la disposition du public par voie électronique, de l’ensemble des sites ayant pu émettre ou émettant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) dans l’environnement.

Il va y avoir une surveillance accrue des rejets et donc un arrêt de l’accumulation des PFAS dans l’environnement.

François Veillerette, co-fondateur de Générations Futures. 

Les eaux en bouteille ont été intégrées au projet de loi, à la suite de révélations sur le recours par des industriels à des pratiques prohibées de désinfection. Une taxe visant les industriels dont les activités entraînent des rejets de PFAS, sur le principe du "pollueur-payeur", figure également dans le texte. Une mesure satisfaisante, selon Générations Futures, qui réclamait la mise en place des contrôles. "Il va y avoir une surveillance accrue des rejets et donc un arrêt de l’accumulation des PFAS dans l’environnement. Les industriels ont déjà les techniques pour éviter ces rejets mais cela engendre un coût et ils vont être maintenant dans l’obligation de respecter la loi", explique François Veillerette, cofondateur de Générations Futures. 

Un rapport alarmant

Les ONG réclamaient une surveillance des "polluants éternels" depuis de nombreuses années. Associations et scientifiques n’ont cessé de prévenir du danger de ces molécules rejetées dans les sols, les eaux et l’atmosphère. Des substances omniprésentes dans le quotidien des Français sous forme d’emballages alimentaires, poêles antiadhésives, textiles, decosmétiques mais aussi de mousses anti-incendie, batteries, peintures, pesticides et qui présentent de nombreux risques sanitaires préoccupants parmi lesquels certains cancers, des maladies thyroïdiennes ou encore des taux élevés de cholestérol.

En préambule de son intervention au Sénat jeudi 30 mai, le rapporteur de la loi a d’ailleurs mentionné l’étude récente du Réseau européen d’action contre les pesticides (PAN Europe), dont fait partie l'ONG Générations Futures. Elle révèle notamment des niveaux alarmants en Europe d’un polluant éternel peu connu et largement non réglementé : le TFA.

Cette substance est issue de la dégradation des PFAS, utilisés en agriculture et dans l’industrie pour leur stabilité. Grâce à un échantillonnage effectué dans toute l’Europe et en Picardie par l’ONG Générations Futures, en avril 2024, les associations ont relevé des taux très élevés de ces polluants dans les eaux des zones agricoles de l’Aisne (2400 ng/l), de la Somme (1500 ng/l) et de l’Oise (1900ng/l), soit des niveaux de TFA jusqu'à quatre fois supérieurs à la limite de 500 ng/l proposée par la directive européenne sur l'eau potable. Dès la sortie de cette enquête, les associations rappelaient l’urgence d’une interdiction rapide des pesticides PFAS et une restriction générale de l'utilisation des "polluants éternels".

La Picardie est un territoire très agricole et nous sommes dans le top 10 des des taux les plus importants relevés en Europe.

Rémi Cardon, sénateur socialiste de la Somme

Pourtant, dans le texte de loi, aucune mention n'est faite des rejets de PFAS agricoles dans les eaux de surface. Une problématique qui inquiète Rémi Cardon, sénateur socialiste de la Somme, qui a participé aux débats au Sénat. "J'ai posé une question au ministre de l'agriculture concernant le plan écophyto et les PFAS. Il m'a répondu que le TFA n'était pas lié à l'agriculture. Ce qui va à l'encontre du rapport des ONG européennes. La Picardie est un territoire très agricole et nous sommes dans le top 10 des taux les plus importants relevés en Europe. Les résultats sont très inquiétants. C'est un regret de constater que cela n'a pas été pris en compte dans le texte."

Un enjeu européen

Selon l’ONG Générations futures, le texte montre la voie pour une législation européenne. En janvier 2023, cinq États membres, Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Norvège et Suède, ont proposé à la Commission européenne d’interdire tous les PFAS dans l’Union. Le texte est en cours d’examen par l’Agence européenne des produits chimiques.

Ces polluants éternels sont un enjeu majeur de ces élections européennes. Il faut tenir tête aux industriels parce que c’est une question de santé publique

Karima Delli, députée européenne, membre d’Europe Écologie les Verts

Si la France a anticipé l'interdiction universelle de ces substances à l'échelle européenne, c’est au Parlement européen que les discussions doivent se poursuivre. "Nous sommes face à un scandale sanitaire. Et la France pourrait devenir l’avant-garde à l’échelle européenne. Il faut interdire la fabrication, l’importation et l’exportation des PFAS, accentuer les contrôles et mettre tous les moyens dans la décontamination. Ce sera à la volonté du Parlement européen de le mettre à l’ordre du jour. Ce sera une bataille pour l’imposer. Ces polluants éternels sont un enjeu majeur de ces élections européennes. Il faut tenir tête aux industriels parce que c’est une question de santé publique", réagit Karima Delli, députée européenne, membre d’Europe Écologie les Verts.

Les associations, scientifiques et politiques, qui ont œuvré en faveur de cette loi, attendent que le texte soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour avancer vers une adoption définitive.

De son côté, Générations Futures poursuit ses actions. Elle a déjà effectué des prélèvements sur des œufs de poules à Villers Saint-Paul, dans l’Oise, la commune où est implantée la plateforme industrielle Chemours. D'autres analyses sont également en cours sur l’eau du robinet prélevée à Clairoix, dans l’Oise et Glisy, dans la Somme, où des taux très élevés de TFA (dégradation des PFAS) ont été relevés par l’association. Des échantillonnages dans les sols pourraient finir de confirmer la présence de ces polluants éternels en Picardie.

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