Pourquoi cette décision ? Comment réagit le rectorat ? Et le lycée ?
45 300 € de subventions suspendues. Elles devaient servir à la rénovation de la toiture et à l'achat d'ordinateurs pour le lycée Averroès, premier établissement privé musulman créé en France.
La suspension a été annoncée par Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France. « La Région, à ma demande, a bloqué le financement des investissements du lycée privé musulman sous contrat Averroès de Lille. Il y a un audit qui a été fait par l'Education nationale, je n'arrive pas à en avoir les résultats», indiquait-on ce lundi matin dans l’entourage du président de Région.
En plein débat sur le voile et la radicalisation, la décision n'est pas passée inaperçue et fait polémique. Makhlouf Mamèche, directeur financier du lycée accuse même Xavier Bertrand d’"instrumentalisation du lycée pour des ambitions politiques".
La Région @hautsdefrance a bloqué le financement des investissements au lycée Averroès.
— Xavier Bertrand (@xavierbertrand) October 13, 2019
L’Education Nationale a lancé un audit, et malgré mes multiples demandes, je n’ai pas les résultats de cet audit. #SansDétours pic.twitter.com/vgBNqHo4Aw
Pourquoi Xavier Bertrand a pris cette décision ?
Le président (Divers droite) de la région Hauts-de-France se fonde notamment sur les révélations du livre "Qatar papers" de Christian Chesnot et Georges Malbrunot en avril dernier. Le journaliste y évoque un financement direct du lycée par le Qatar à hauteur de 3 millions d'euros. Un montant contesté par le lycée qui parle d'"un petit million d'euros".
Une information qui, selon l'entourage de Xavier Bertrand, a déclenché une série de questions sur l'établissement : est-il bien suivi ? Respecte-t-il le contrat avec l'Etat ? Le recteur a été saisi de ces questions. Le ministre Jean-Michel Blanquer aussi. Mais le Conseil régional affirme n'avoir eu aucun retour. "Je n'ai toujours pas de réponse. Pour l'instant, j'ai donc bloqué les subventions. J'en ai marre de ne pas avoir de réponse", explique Xavier Bertrand.
"Nous ne sommes ni procureur, ni juge mais on manque d'information", précise Xavier Taquet, directeur de cabinet du président de région.
Que répond le rectorat ?
L'affaire embarrasse dans l'Education nationale. Le lycée Averroès, premier lycée privé musulman créé en France (2003), est réputé pour son taux de réussite au bac mais aussi régulièrement au coeur de polémiques. En février 2015, l' un des professeurs, enseignant en philosophie publie une tribune dans Libération. Il y accuse la direction du lycée de propager une conception de l'islam qui n'est autre que l'islamisme et démissionne avec fracas. Le lycée le poursuit pour diffamation. Le professeur condamné en première instance sera relaxé par la cour de cassation.
Suite à cette affaire, le rectorat de Lille lance une mission d'inspection. Cette mission conclut que les termes du contrat avec l'Etat sont "globalement respectés, mais qu’il convient néanmoins, sur certains points, de clarifier le statut et la place du religieux dans l’établissement " en dissociant notamment "plus clairement les instances de l’Association Averroès de celles de l’établissement ".
Depuis, le lycée est régulièrement contrôlé comme tous les lycées privés sous contrat. Le recteur affirme qu'il va justement très rapidement envoyer (dès cette semaine ?) au Conseil régional, les conclusions des inspections. "Aucune anomalie n'a été relevée", indique-t-il. Le lycée reste financé à 80% par l'Etat, comme tous les lycées sous contrat. Le litige ne concerne qu'une subvention complémentaire.
"S'ils ne sont pas hors-la-loi, on redonnera évidemment la subvention", précise le Conseil régional. Fin de la polémique très bientôt ?
Comment réagit le lycée Averroès ?
"On a été surpris par cette annonce publique pour une affaire qui ne concerne qu'un petit lycée des Hauts-de-France. Faire de ce dossier un dossier national, c'est surprenant. Xavier Bertrand est venu chez nous en 2015. On n'a jamais eu de problèmes...".
Makhlouf Mamèche, directeur financier du lycée juge la décision incompréhensible et suspecte à demi-mots une décision politique, dans un contexte où la question de l'islam, l'islamisme, la laïcité ou la radicalisation ont été remis dans le débat par le président Macron lui-même.
"Il prive 450 élèves, 450 futurs citoyens, 450 Français de leurs droits, de subventions qui sont destinées à un lycée qui est sous contrat d'assocation avec l'Etat." Concernant "Qatar papers", il affirme également qu'il n'est pas interdit de recevoir de l'argent de l'étranger.
L'association Averroès dirigée par le recteur de la mosquée de Lille Sud, également président des Musulmans de France, est connue pour ses liens avec l'organisation des Frères Musulmans.