Camille Charvet-Kahn est l'une de ces figures mal connues de notre histoire contemporaine. Résistante, elle est dénoncée en tant que juive et enfermée à Drancy, où elle tente de faire la classe aux enfants pour oublier l'horreur.
France 3 Franche-Comté et dans la Boucle productions mettent en lumière les femmes illustres de Besançon et de ses environs dans la série Besançon la Féminine. Certains noms sont plus évocateurs que d'autres, mais toutes ces femmes ont une histoire, que nous conte Dan Nicolle. Un voyage sur les traces de dix femmes exemplaires qui ont marqué la capitale du Doubs.
Texte d’Alexandre Perret-Gentil (Dans la Boucle productions)
Camille Charvet-Kahn, humaniste jusqu'au bout de sa vie
Pendant longtemps, les élèves du lycée Pasteur de Besançon ont à peine prêté attention à une petite plaque de P.V.C. noire, fichée sur les hauteurs d'un couloir desservant les salles de Sciences Physiques. Sur celle-ci figurait en fines lettres dorées l'inscription suivante : "Dans cette salle a enseigné, du 1er octobre 1918 au 14 juillet 1939, Madame Camille Charvet, Professeur agrégée de Sciences Physiques et Naturelles. Née à Besançon en 1881, arrêtée par la Gestapo le 25 février 1943 morte en déportation au camp d'AUSCHWITZ le _ _ _ _ _ _ _ _ 1945 ". Si l'hommage est nécessaire, il est encore modeste au regard du destin et de la personnalité de Camille Charvet.
Un engagement pour la justice sociale
Par bien des aspects, découvrir sa vie, c'est se confronter au parcours héroïque d'une personnalité vouée au bien commun et animée d'une passion sans taches pour l'humanisme et ses vertus. Avec Camille Charvet, c'est toute une époque qui semble reprendre vie, l'espoir d'un âge qui se fracassera sur la défaite de 1940 et ses funestes conséquences. Si elle naît dans une famille juive, la petite Camille se détermine surtout par sa passion pour la connaissance et une exceptionnelle intelligence.
Issue d'un milieu modeste, elle réussit aisément le concours d'entrée à l'École normale Supérieure : dès lors s'ouvre pour elle la voie royale de l'enseignement, et une vie de reconnaissance et d'engagement. Outrée par la bêtise antisémite, l'injustice sociale et les vociférations des ennemis de la République, cette jeune et brillante enseignante du Secondaire sera de tous les combats progressistes de son temps. Aux côtés du Capitaine Dreyfus, durant l'Affaire, engagée pour la Libre Pensée, elle est également une militante syndicale et politique de premier ordre. Au sein de la SFIO, futur Parti Socialiste, elle rédige des articles remarqués.
Républicaine investie, mais dénoncée et raflée par la Gestapo
Si la Guerre n'était venue la faucher trop tôt, il est probable que ce serait offert à elle un destin politique de premier ordre. Franc-Maçonne attachée à la cause des femmes, elle devient l'un des piliers du Droit Humain, la grande obédience mixte d'avant-guerre. Référente, les autorités nationales la consultent. Mais vient bientôt la guerre et la défaite. Née juive, c'est d'abord en républicaine de gauche que Camille Charvet-Khan s'engage contre l'occupant et ses supplétifs français. Devenue un des rouages essentiels de la Résistance locale, elle est dénoncée en tant que juive et raflée par la Gestapo.
D'abord enfermée à Drancy, où elle tente de faire la classe aux enfants pour oublier un peu l'horreur qui vient, elle est déportée à Auschwitz, où la machine de mort nazie l'engloutit à une date indéterminée, probablement en septembre 1943. Morte pour la France, déportée-résistante, Camille Charvet-Kahn est l'une de ces figures mal connues de notre histoire contemporaine, qui subit l'injustice d'un relatif anonymat après celle d'une mort précoce. Son exemple est pourtant immense, et laisse songeur sur ce qu'aurait pu être la France sans la génération sacrifiée de 39/45.
En apprendre plus sur Besançon
Les 10 épisodes de la série Besançon la Féminine sont disponibles en intégralité sur France.tv.
Et si vous souhaitez en apprendre plus sur la capitale du Doubs, nous vous conseillons les séries Besançon la Mystérieuse et Besançon la Romanesque.