20h43, jeudi 3 juillet 2014, explosion de joie, larmes, étreintes, dans la salle des assises du Gard. La présidente vient de lire la décision de la Cour : messieurs Azzimani et El Jabri, les jurés ont répondu "non" à toutes les questions. Vous êtes acquittés.
Ils se sont longuement étreints. Abdelkader Azzimani et Abdelrrahim El Jabri, après 17 années de lutte judiciaire.
Dans son arrêt, la cour d'assises a estimé que les éléments à charge étaient insuffisants pour les considérer comme auteurs ou complices de ce meurtre."C'est un poids qui tombe. Ce costume n'était pas le nôtre. J'ai toujours marché la tête haute, condamné et recondamné", a commenté Azzimani qui a failli se suicider en prison mais "veut maintenant tourner la page".
"C'est enfin la délivrance, la fin du calvaire. Je vais crier, chanter, danser, vive la vie. Mais j'ai une pensée pour la famille de la victime", a dit pour sa part El Jabri qui tenait surtout à ne pas apparaître "comme un mauvais garçon".
Azzimani, 49 ans, et El Jabri, 48 ans, qui ont toujours clamé leur innocence, sont les neuvième et dixième condamnés à obtenir un acquittement depuis 1945 au terme d'une procédure en révision.
Ils disposent de six mois pour entamer une procédure en indemnisation.
Un procès emblématique
Les parties civiles ont été divisées sur la culpabilité des accusés.
Le père Bruno Ferri et son fils Hugo ont insisté sur leur intime conviction, la culpabilité des deux hommes. "Le mécanisme de cette boucherie, c'est un milieu où l'argent compte plus que tout", a constaté Me Bruno Ferri.
Deux autres parties civiles ont en revanche penché pour la thèse de l'acquittement au bénéfice du doute. "Je ressors de ce procès sans savoir qui sont les auteurs. Au nom de l'intérêt supérieur de la justice, je préfère avoir un coupable libre qu'un innocent condamné", a renchéri Me Khadija Aoudia.
"Je n'ai pas dans ce dossier de certitude. Je me pose des questions. Je ne vous crois pas. Je crois que vous appartenez à un milieu où la violence est sous-jacente et que vous ne dites pas tout mais encore une fois c'est une impression", a repris le magistrat à l'attention des accusés, relevant encore une fois "le manque de preuve crédible" pour l'accusation. Et Didier Durand de souligner le caractère emblématique de ce procès intervenu après une décision de la cour de révision qui représente "une porte étroite" comme ce fut le cas pour Patrick Dils ou Marc Machin. "Si la cour de révision a décidé d'annuler la condamnation, c'est un signe fort", a-t-il assuré.
"Je vous demande de nous aider et de nous acquitter", avait dit El Jabri, en larmes tandis qu'Azzimani avait presque hurlé "nous sommes innocents, je vous le jure" avant que le jury ne se retire pour délibérer pendant un peu plus de quatre heures et demi.
Une lutte permanente des 2 avocats d'Azzimani et d'El Jabri
"Je suis très ému. C'était un procès historique et noble. Toutes les victoires sont belles mais celle-ci est exceptionnelle", s'est réjoui", Me Luc Abratkiewciz qui avait dans sa plaidoirie craint un "crime judiciaire en cas de condamnation".
"Enfin la vérité a triomphé. C'est l'épilogue qu'on attendait tant", a renchéri Me Jean-Marc Darrigade qui avait démonté l'enquête. "Je vous demande de mettre fin à ce calvaire. Je vous demande de nous acquitter", avait-il dit, s'adressant
à chaque juré.