En plein mois des fiertés, 4 salariés de France Télévisions créent "France.tv Pour tou.te.s ". Travailler à l'inclusion au sein du groupe mais aussi à l'égalité des droits et à la visibilité sur tous les écrans en programmes et en info, c'est l'objectif de cette association LGBT+ et Allié.e.s.
50 années se sont écoulées depuis les émeutes de Stonewall. Après une violente descente de police dans un bar de New York, le premier défilé de personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres est organisé outre Atlantique. La gaypride est née, et elle gagne le monde entier. Depuis, traditionnellement juin est le mois des marches des fiertés.
Paris, la Pride la plus spectaculaire de France
Chaque année en France aussi, de nouvelles villes accueillent la leur, comme Montluçon, dans l’Allier ou Amiens dans la Somme en 2019.Des rendez-vous tant politiques que colorés et festifs, et parmi les plus attendues aux côtés de Toronto, Vienne, Tel Aviv ou Londres, bien évidemment la marche de Paris, de loin la première de France par sa taille et son aspect spectaculaire.
C’est cette semaine emblématique avec la Pride parisienne en ligne de mire (samedi 29 juin) que chosissent 4 salarié.e.s de France télévisions pour lancer une association LGBT+ & allié.e.s: « France.tv pour tou.te.s ».
Un besoin : des salariés qui restent dans l’ombre
Cette association répond à un besoin réel. Si la nature même de l’activité du groupe audiovisuel public prédispose ses salariés à l’ouverture aux autres, à leurs différences, et à toutes les minorités, dans les faits, la culture ambiante doit être revisitée et modelée à l’aune de l’inclusion de tous les personnels.
Au sein du groupe, certains salariés gays et lesbiennes n’osent pas révéler leur homosexualité. « Les témoignages affluent en ce sens. Certain.e.s s’inventent une vie. D’autres ne disent rien. Ne parlent pas à la machine à café de leur week-end. De leur mariage. » souligne Christophe Gascard, journaliste et présentateur à France Info et co-fondateur de l’association.
« Je connais des CDD qui ne se sentent pas de l’évoquer parce que le mythe du grand reporter viril envoyé sur des théâtres d’opérations extérieures résiste encore ; ils auraient trop peur de se voir attribuer moins de contrats. Quelle qu’en pourrait être la raison officielle. Fondées ou non, l’important est de déconstruire ces impressions et de travailler sur les discours qui continuent d’entretenir les discriminations. »
Rien ne leur interdit bien sûr. Mais l’ambiance générale ne les y invite pas.
Christophe rajoute combien il est important de s'épanouir comme salarié pour être heureux dans sa vie et son travail. «Au sein de France Télévisions, il est possible de vivre sans se cacher. Je suis fier d'y travailler. Cette association est essentielle pour tous les salarié.e.s, à Paris, dans les régions ou en Outremer. "soyez comme vous êtes ; plus vous affirmerez qui vous êtes, mieux vous serez. Et nous serons là pour vous y aider"»
Soyez vomme vous êtes, nous serons là pour vous y aider
Des propos blessants, sans conscience peut-être…
Et puis comme partout, des gens franchissent la ligne blanche. Sur le ton de la plaisanterie, souvent. Mais dans certains cas, c’est le fond de leur pensée.Jean-Baptiste Marteau, un autre des fondateurs de France.tv pour tou.te.s, est encore ému à chaque fois qu’il pense au témoignage d’un jeune stagiaire plusieurs mois après les faits. « Son maître de stage a, devant témoin, évoqué son homosexualité supposée avec des propos blessants et clairement homophobes. Il n’est même pas certain que l’auteur se soit rendu compte qu’il s’agissait là d’un délit identifié par la loi. Mais ce garçon de 18 ans mettra du temps cicatriser. »
C’est pour ces outrances qui n’ont plus droit de cité que Jean-Baptiste s’engage aujourd’hui. « Je suis un visage de l’antenne et je n'ai pas de souci à titre personnel. Mais cette chance, nous ne la partageons pas toutes et tous. Je souhaite m’impliquer pour que ces cas d'homophobiene se reproduisent plus jamais à France Télévisions. Nous ne laisserons rien passer. »
Nous ne laisserons rien passer
L’association comme une continuité
Mais le mouvement pour l’égalité des droits et l’inclusion des personnes LGBT+ au sein de France.tv n’a pas débuté avec cette association. En Octobre 2016, le Groupe s’est inscrit dans cette volonté politique forte, avec la signature de la « charte d’engagement de L’autre Cercle » une association d’inclusion dans le monde de l’entreprise.Cet engagement a été salué par l’association voici peu, avec un prix pour France Télévisions, dans l’une des trois catégories « Rôles Modèles LGBT+ dirigeant.e.s » décerné à Frédérique-marie Lamouret, directrice de la stratégie numérique des réseaux France 3, co-fondatrice de "France.TV pour tou.te.s".
« Être un rôle modèle c’est d’abord être visible ; c’est envoyer le message aux autres qu’elles ou ils ne sont pas seul.e.s. C’est permettre à d’autres enfin de voir qu’il est possible de vivre en toute transparence. De fait, la multiplication des exemples fait évoluer le regard et modifie la construction de la norme. L’invisibilité des femmes est un phénomène encore structurant dans notre société. Celle des lesbiennes à fortiori avec des responsabilités l’est plus encore»
Une mission : éduquer sur toutes les antennes du service public
L’action de cette association ne s’arrêtera pas à la sphère de notre groupe. « En tant qu’éditeur de contenus qui plus est du service public, nous avons un rôle, une mission : Éduquer, » rappelle Daniel Ielli, rédacteur en chef adjoint des éditions d’information du week-end sur France3. « La diversité n’est pas seulement une question de tolérance. C’est le respect de l’altérité, de toutes les différences de l’autre, et dans le respect de la loi. Nous devons nous adresser à tous les publics et refléter l’image de la réalité, sur toutes nos antennes, dans nos programmes comme dans nos émissions d’information. »Nous étions ce matin au lancement de @FTVpride, asso #LGBT de @Francetele. Une belle initiative, importante pour la défense des personnes LGBT et leur visibilité ! pic.twitter.com/tUrgnhScgQ
— SOS homophobie (@SOShomophobie) 25 juin 2019
Des beaux arguments, dans ses programmes, sur le web,...
Sur ces sujets, le service public n’a pas rougir. En prise direct avec le monde, France.tv peut, et à juste titre, se targuer de rendre compte de l’évolution de la société. "Plus belle la vie" a été l’un des premiers programmes à insérer un Gay dans son scénario, de manière structurante. Sans le faire mourir au bout de 10 minutes... Ou le laisser célibataire et forcément malheureux.Le renouvellement du label diversité accordé en 2019, qui salue la lutte contre toutes les discriminations sur la base du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de l’origine est aussi la preuve de l’importance que revêtent ces thématiques dans la politique de la maison FTV.
En témoigne l'intérêt portée par Delphine Ernotte-Cunci lors du lancement de l'association. La Présidente de France Télévisions a passé beaucoup de temps à échanger avec les fondateurs de "France.tv pour tou.te.s" convaincue du rôle essentiel des plateformes numériques et linéaires dans l'évolution nécessaire de la société. Auprès des adultes mais aussi des jeunes. Le succès de la série web Skam en est un des marqueurs.
Cette volonté d’aller à la rencontre de ces femmes et ces hommes, de donner la parole à tous les publics a également été traduite l’été dernier. « France Télévisions était partenaire des Gay Games, un évenement mondial qui se déroule tous les 4 ans. Il repose sur l'ouverture à toutes et tous, et opére comme un véritable outil d’inclusion » ajoute F-m Lamouret. « France 3 a obtenu l'exclusivité de la cérémonie d'ouverture en France et dans le monde. »
Pour couvrir cette manifestation internationale une petite équipe composée sur la base du volontariat de LGBT et d’allié.e.s. a été constituée.
« Ensemble nous avons décidé notamment de rédiger tous les jours et à tour de rôle, un billet dans un article blog. Un exercice éditorial qui raconte autant l'événement que le regard que nous journalistes, portons dessus. Cet engagement, à la fois personnel et collectif pour raconter ce que nous entendions et voyions tous les jours, a soudé le groupe dans un objectif réellement collégial et pédagogique. Il a très apprécié par une écrasante majorité de lecteurs. Parmi les participant.e.s ou non, homos ou hétéros. »
Donner la parole, raconter les épreuves des uns et des autres, la manière dont ils et elles les ont dépassées, c'est aussi les rapprocher des internautes et favoriser l'identification des lectrices et lecteurs. « N'oublions pas que la norme est culturelle. Et la culture c'est de l'éducation.»
Du chemin à faire encore
Des enquêtes, des dossiers sont régulièrement réalisés sur les sujets LGBT+. Mais il reste du chemin à parcourir. Le plus souvent, dans les journaux télévisés, on parle des lesbiennes et des gays, seulement lorsqu’ils sont victimes. Et rarement en situation de vie quotidienne. Les stéréotypes ont la vie dure.« Si les personnes LGBT+ aspirent à être visibles, le corollaire c’est de leur donner la parole aussi » continue Daniel Ielli. « Nous devons être capable de traiter tous les sujets aussi avec des personnages lgbt+, sans qu'il soit besoin de souligner qu'ils le sont.»
A l’aune du projet de loi sur la bio-ethique avec sa partie PMA, la vigilance sera de mise pour ne pas retomber dans les travers connus en 2013 lors de la discussion sur le mariage ouvert aux personnes de même sexe. « Au lendemain de la déclaration de politique générale du Premier Ministre, la parentalité est évoquée sur une de nos antennes. Sur le plateau, un invité qui dans le cours de son intervention évoque la répartition du rôle « du papa et de la maman ». En face, pas de contre-point, pas d’avis contradictoires dans la même unité de temps, qui permettent aux téléspectateurs de se forger une opinion argumentée. »
La loi ouvrant le mariage et l'adoption aux personnes de même sexe est adoptée le 23 avril 2013. Il a fallu 136 heures de débats difficiles, des manifestations dans la rue, des opposants avec des outrances de langage qui laisseront des traces parmi la communauté LGBT+.
Des parrains et marraines expérimenté.e.s
Pour ce lancement officiel, des associations "Sos homophonie", "Stop Homophobie", "le Refuge", mais aussi des réseaux d’entreprises comme la BNP, Accenture, Flag (police-gendarmerie)… se sont impliqués pour accompagner la petite nouvelle. Un parrainage logique quand l'on connait leur expertise basée sur leur expérience et leur antériorité. Dans ce domaine, IBM, fait figure de grande soeur, à la pointe de tous les combats à toutes les époques depuis l'entre deux guerres mondiales. Depuis 1935 et l’égalité salariale jusqu’à 2002 avec l’intégration du T pour Transgenre au LGB introduit en 1983.
Cette présence assure d'être vu au coeur du hall d'entrée est le premier pas de la visibilité recherchée. « Plus les sociétés engagées seront nombreuses plus l’inclusion deviendra la norme. Quand les droits des minorités progressent c’est toute la société qui avance.»