La Belgique aura dans quelques jours un gouvernement marqué à droite, après l'accord de coalition intervenu mardi entre quatre partis, dont les indépendantistes flamands et le parti libéral francophone qui propulse son jeune président, Charles Michel, au poste de Premier ministre.
"Nous avons conclu un accord de gouvernement", a déclaré à la presse M. Michel, en sortant d'une ultime séance de négociations marathon de 28 heures, un peu plus de quatre mois après les législatives.Le royaume évite ainsi une nouvelle crise politique, comme celle survenue après le scrutin de 2010, lorsqu'il avait fallu un an et demi pour aboutir à un gouvernement.
La coalition, dite "suédoise" en raison de la couleur des partis qui la forment, est totalement inédite dans l'histoire du pays. Elle sera composée de trois partis flamands, dont les nationalistes de la Nouvelle alliance flamande (N-VA), le grand vainqueur des élections du 25 mai, qui entrent pour la première fois dans un gouvernement fédéral.
Il comprendra également les chrétiens-démocrates flamands du CD&V --qui ont préféré obtenir le poste de commissaire européen pour l'une des leurs, Marianne Thyssen, plutôt que celui de Premier ministre-- et les libéraux flamands de l'Open VLD.
Côté francophone, il n'y aura qu'un seul parti, le Mouvement Réformateur (libéral) de Charles Michel.
"L'ensemble des partenaires a proposé que j'exerce la responsabilité de Premier ministre, je prendrai mes responsabilités (...) et l'équipe de gouvernement complète aura l'occasion de prêter serment dans les prochains jours devant le roi", a déclaré le fils de l'ancien commissaire européen et chef de la diplomatie belge Louis Michel à la télévision privée RTL-TVI.
Le MR, qui n'avait recueilli qu'un quart des voix de l'électorat francophone, devrait obtenir sept portefeuilles ministériels, soit autant que l'ensemble des
partis flamands, le gouvernement devant en Belgique compter autant de représentants des deux communautés.
Le nouveau gouvernement devrait être en fonction d'ici à la rentrée parlementaire, le 14 octobre. La Belgique devrait donc pouvoir présenter
son budget à la Commission européenne le 15 octobre. L'accord prévoit "un cadre budgétaire qui amène le budget de la Belgique à l'équilibre en 2018", a expliqué M. Michel.
Syndicats "consternés"
Le programme du gouvernement sera détaillé dans les prochains jours, avant d'être présenté au Parlement mardi. Mais le futur Premier ministre a déjà annoncé que l'âge légal du départ à la retraite, actuellement fixé à 65 ans, sera progressivement reculé. Il passera à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030, mais avec des exceptions pour ceux qui ont des métiers pénibles ou on commencé leur carrière à 18 ans."C'est une question de responsabilité", a justifié le futur Premier ministre, en pointant le vieillissement de la population.
Les salaires devraient par ailleurs augmenter moins vite que l'inflation l'an prochain et les chômeurs devront effectuer des travaux d'intérêt général, a précisé Charles Michel, en ajoutant qu'il y aurait également des "mesures fortes de solidarité".
"C'est un gouvernement de compétitivité, de pouvoir d'achat et de redressement économique", a commenté le chef de la N-VA, Bart De Wever, qui ne devrait pas intégrer l'équipe gouvernementale pour rester maire d'Anvers (nord). Il a souligné que les dépenses de l'Etat seraient réduites de 8 milliards d'euros sur la législature et que les charges des entreprises seraient allégées de 3,5 milliards.
Bête noire de nombreux francophones, M. De Wever, qui avait remporté un tiers des voix en Flandre, a accepté de mettre de côté au cours des cinq prochaines années les revendications "communautaires" de la N-VA, un parti qui prône la disparition à terme de la Belgique et l'indépendance de la Flandre.
Pour le parti nationaliste, proche des milieux patronaux, le rejet dans l'opposition après 26 ans au pouvoir du Parti socialiste francophone est une victoire qui compense l'absence de nouvelle réforme de l'Etat dans les prochaines années.
Si les tensions entre flamands et francophones devraient être apaisées, du moins temporairement, la contestation contre ce gouvernement qualifié "d'ultra-droite" par le Premier ministre sortant, le socialiste Elio Di Rupo, risque de venir des syndicats, qui se sont dits "consternés" par des mesures "plus graves encore que prévu".