"Le Racing Club de Lens est un club en excellente santé !". C'est ce que proclame Gervais Martel, le président lensois, depuis son dernier passage, vendredi, devant la DNCG, le gendarme financier du foot français. Pourtant plusieurs éléments - y compris dans son argumentaire - posent question.
Il faut reconnaître à Gervais Martel sa persévérance devant les difficultés que traverse cette saison le RC Lens. Mais n'en fait-il pas aujourd'hui un peu trop pour tenter de rassurer ses supporters ? Samedi, au lendemain d'une énième convocation devant la DNCG, le gendarme financier du football français, le président lensois l'affirmait haut et fort en conférence de presse : "Mis à part la difficulté concernant le fait de ne pas avoir pu renforcer notre équipe, le Racing club de Lens est un club en excellente santé !". Alors qu'on ne sait toujours pas si Hafiz Mammadov, le propriétaire des Sang et Or, sera capable de verser - même de façon fractionnée - les 14 millions d'euros qu'il s'était engagé à injecter ce mois-ci, ces propos étonnent. D'autant que l'argumentaire développé par Gervais Martel n'est pas des plus convaincants.
Pas ou peu de dettes ?
En novembre dernier, Gervais Martel assurait que le RC Lens "n'a pas de dettes". La semaine dernière, il s'est fait un peu plus précis, reconnaissant "3 millions de dettes, et pas un euro de plus". Si on s'en tient à ces chiffres, il ne s'agit pas effectivement d'un endettement très lourd à supporter pour un club de foot évoluant en Ligue 1. "Cette dette vient d'un refinancement que nous avons fait sur le centre de formation de La Gaillette lors de la première descente en 2008". Une explication confirmée par Luc Dayan, l'ex-président du RC Lens.En septembre dernier, dans une interview donnée à La Voix du Nord, ce même Luc Dayan, évoquait lui aussi une situation financière assainie. "Il faut bien comprendre que la situation du Racing est cent fois meilleure qu’il y a deux ans. Le Crédit Agricole avait pris un club endetté. L’actionnaire a ensuite couvert l’année de L2 avec les 20 M€ et l’équipe est montée. (...) Le club n’avait plus de dettes".
L'endettement du RC Lens ne tient pas compte non plus des 11 millions d'euros que le RC Lens est censé rembourser au Conseil Régional pour les travaux de rénovation du stade Bollaert-Delelis. Et pour cause : ce prêt - contracté par la région auprès du Crédit Agricole, à un taux d'intérêt préférentiel - ne sera pas remboursé de façon classique - sous forme de paiements échelonnés - mais par... le non-versement des subventions que le Conseil Régional accordait jusqu'ici au RC Lens au titre du droit à l'image (soit 400 000 à 500 000 euros par an). Le tout à compter de 2017.
75 millions d'euros de fonds propres ?
Samedi dernier, Gervais Martel a développé un autre argument qui en a étonné plus d'un. "Lens bénéficie d'un bail emphytéotique qui en fait le propriétaire de Bollaert-Delelis jusqu'en 2052", a-t-il affirmé. "Et donc, tous les travaux qui ont été effectués, moins ceux réglés par le club – ce qui fait 60 millions d'euros – seront dans les fonds propres du Racing club de Lens au 1er août 2015. Voilà donc un club qui va se retrouver avec 75 millions de fonds propres, avec la propriété de son stade, bientôt rénové, avec un centre de formation possédant la qualité qu'on lui connaît."Ces propos ont fait sourire les connaisseurs du dossier. Car ce bail emphytéotique ne donne absolument pas au RC Lens, entreprise privée, la propriété de Bollaert-Delelis. Rappelons que le stade appartient à la ville de Lens et que les travaux de rénovation actuellement en cours ont été pris en charge par l'état et les collectivités locales (région, département, communauté d'agglomération), donc in fine par les contribuables. Juridiquement, le bail empythéotique conclu jusqu'en 2052 donne au RC Lens le plein usage des installations jusqu'à cette date. Mais le club ne peut pas vendre, ni hypothéquer le stade. Contrairement à ce qu'affirme Gervais Martel, le Stade Bollaert-Delelis ne peut donc pas être considéré comme un actif à part entière.
Au-delà du principe, le chiffre même de 75 millions d'euros, avancé par Gervais Martel, est fantaisiste. Pour obtenir cette somme, le président lensois a tout simplement additionné approximativement les 14 millions promis par son actionnaire, Hafiz Mammadov, et les 70 millions qu'ont coûté à la collectivité (et non au RC Lens) les travaux de rénovation du Stade Bollaert-Delelis, desquels il a déduit les 11 millions (arrondis à 10) que le club est censé rembourser, en théorie, à la Région. Dans sa démonstration, Gervais Martel semble oublier par ailleurs que ce n'est pas parce qu'on dépense 60 ou 70 millions dans un bien immobilier qu'il en vaut nécessairement 60 ou 70 millions à la fin. Ce n'est pas parce que vous allez dépenser 200 000 euros dans la construction d'une maison que vous parviendrez à la vendre 200 000 euros. C'est le marché qui en décide.
Le RC Lens snobé par les banques ?
Si Gervais Martel en est réduit à développer de tels arguments pour tenter de rassurer, faut-il du coup véritablement s'inquiéter sur la situation du RC Lens ? Dimanche, le JDD a révélé qu'aucune banque ne voulait travailler avec les Sang et Or et leur "voisin" nordiste de Valenciennes (rétrogradé en National, à titre conservatoire, par la DNCG en décembre). Les deux clubs ont dû "saisir la Banque de France pour une demande de droit au compte, procédure utilisée par les sociétés ou les particuliers surendettées et refusés comme client par une banque", explique l'hebdomadaire. "La Banque centrale désigne alors d'office un établissement, qui se doit de leur ouvrir un compte, mais avec des services de base et sans découvert autorisé".D'après le JDD, la banque désignée pour travailler avec Lens a refusé de fournir des terminaux de paiement électronique, pour enregistrer les paiements par carte. "C'est fou d'en arriver là", a reconnu Gervais Martel dans les colonnes du journal, tout en assurant que cela ne le gênait pas dans la gestion quotidienne du club. En tout cas, si le RC Lens est aujourd'hui "en excellente santé", comme le prétend son président, les banques, elles, semblent moins convaincues...