Le Racing Club de Lens a rendez-vous ce lundi à la Direction Nationale de Contrôle de Gestion (DNCG). Les supporters attendent depuis des semaines une annonce importante pour l'avenir du club, mais l'enjeu immédiat concerne surtout le mercato hivernal.
"Je peux vous dire aujourd'hui que, normalement, on devrait annoncer une information importante en début d'année qui assurerait la pérennité du club", avait déclaré le président du RC Lens, Gervais Martel, le 21 décembre dernier sur les ondes de France Bleu Nord. Depuis les supporters lensois attendent... et la semaine dernière, une lueur d'espoir est enfin apparue. "Lens: le club vendu, Martel devant la DNCG lundi", annonçait jeudi l'Agence France Presse. "Hafiz Mammadov, l'actionnaire majoritaire azerbaïdjanais du RC Lens (L2) a accepté de vendre le club artésien et le président lensois Gervais Martel présentera lundi le projet devant la Direction nationale de contrôle de gestion", pouvait-on lire. "Le plus important, c’est qu’Hafiz ait accepté de céder ses parts", confirmait le soir même Gervais Martel à La Voix du Nord. "Une piste azérie ? Non, on parle d’un repreneur européen. C’est un très bon deal pour le club".
L'Atletico Madrid intéressé par Lens mais...
Le lendemain, le journal L'Equipe annonçait que le club espagnol de l'Atletico Madrid pourrait être ce repreneur providentiel. Hafiz Mammadov, l'actionnaire majoritaire des Sang et Or, est aussi partenaire des Colchoneros avec sa marque "Azerbaijan, Land of Fire". Mais il n'aurait pas honoré financièrement une année complète de sponsoring, ce qui signifie en gros une ardoise de plusieurs millions d'euros. Pour honorer sa dette, l'homme d'affaires azerbaïdjanais aurait proposé comme monnaie d'échange les 99,99% d'actions qu'il détient dans RCL Holding, la société parisienne qui possède le RC Lens. Une proposition qui semble avoir suscité l'intérêt du club madrilène : ses dirigeants sont venus récemment visiter la Gaillette, visiblement très séduits par la formation lensoise. "C'est un dossier extrêmement compliqué, mais oui je vous confirme la réalité des négociations de longue date", a confirmé vendredi un responsable de l'Atletico au quotidien sportif.Au final tout semble effectivement un peu plus compliqué que prévu. Du côté du RC Lens d'ailleurs, on a rapidement démenti officieusement un quelconque rachat. Les dirigeants madrilènes eux aussi, tout en confirmant cependant leur intérêt pour le club artésien. "Le RC Lens est une équipe amie mais nous ne les achèterons pas", a répondu à la presse espagnole, Enrique Cerezo, le président de l'Atletico. "Cependant nous allons les aider du mieux que nous pouvons". "Je ne suis pas très au courant de la situation mais on m'informera sûrement", a commenté de son côté Diego Simeone, l'entraîneur madrilène, en conférence de presse. "La direction sportive déterminera ce qui convient le mieux, pour nous-mêmes et pour les gens en France."
Achat de joueurs ou partenariat financier ?
Même si on a déjà vu un club devenir le propriétaire d'un autre (le LOSC, par exemple, qui a longtemps été l'actionnaire majoritaire de Mouscron en Belgique), ce genre de montage est assez complexe juridiquement. Afin d'assurer "l'intégrité" de ses compétitions, l'UEFA se montre extrêmement vigilante sur ces pratiques, strictement encadrées. "Aucun club participant à une compétition interclubs de l’UEFA ne peut directement ou indirectement: I) détenir ou négocier des titres ou des actions de tout autre club participant à une compétition interclubs de l'UEFA; II) être membre de tout autre club participant à une compétition interclubs de l'UEFA ; III )être impliqué de quelque manière que ce soit dans la gestion,l’administration et/ou les activités sportives de tout autre club participant à une compétition interclubs de l'UEFA, ou IV) détenir un quelconque pouvoir dans la gestion, l’administration et/ou les activités sportives de tout autre club participant à une compétition interclubs de l'UEFA", est-il écrit dans le règlement."Personne ne peut être, en même temps, directement ou indirectement impliqué, de quelque manière que ce soit,dans la gestion, l’administration et/ou les activités sportives de plus d’un club participant à une compétition interclubs de l’UEFA", ajoute l'UEFA. "Aucune personne physique ou morale ne peut avoir le contrôle de ou exercer une influence sur plus d'un club participant aux compétitions interclubs de l'UEFA, un tel contrôle ou une telle influence se définissant dans le présent contexte comme: I) la détention de la majorité des droits de vote des actionnaires; II)le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance; III) le fait d'être actionnaire et de contrôler seul, en vertu d’un accord conclu avec d’autres actionnaires du club, la majorité des droits de vote des actionnaires; ou IV) le fait d'être en mesure d'exercer, de quelque manière que ce soit, une influence décisive lors de la prise des décisions du club."Lens évoluant actuellement en Ligue 2, la question d'une participation à une compétition européenne ne se pose pas vraiment dans l'immédiat, mais elle se posera forcément à l'avenir si l'Atletico compte réellement investir dans l'Artois. D'autant que le club madrilène est déjà dans le collimateur des autorités du football. Comme son voisin et rival du Real Madrid, l'Atletico a été interdit de recrutement pour l'été prochain et ce jusqu'en 2017, pour avoir enfreint la réglementation sur les transfert des joueurs mineurs. Ce qui peut l'amener à aborder le dossier lensois avec prudence. Du coup, si les dirigeants colchoneros veulent donner un coup de pouce à Lens, que peuvent-ils faire ? Vont-ils acheter un ou plusieurs joueurs lensois dès ce mercato d'hiver comme ils en ont encore la possibilité ? Un partenariat financier peut-il être mis en place, sans rachat, à la manière de ce qui existe entre le Vitesse Arnhem et Chelsea ? Les Londoniens prennent par exemple en charge une partie la masse salariale du club néerlandais qui accepte, en contrepartie, d'aligner des jeunes joueurs sous contrat avec les "Blues".
A la DNCG pour pouvoir recruter
Pour Gervais Martel et le RC Lens, l'enjeu immédiat de ce rendez-vous à la DNCG est de pouvoir recruter, avant la clôture du mercato d'hiver le 1er février. "J'ai besoin de renfort !", a clairement signifié le coach lensois, Antoine Kombouaré, la semaine dernière. "J'attends que le mercato se termine, avec au moins un renfort." Pour un club comme Lens qui joue la montée en Ligue 1, ça a clairement son importance. Mais il faudra convaincre le gendarme financier qui, pour le moment, a refusé de donner son feu vert. En juin, la DNCG a validé le budget prévisionnel des Sang et Or en leur imposant un encadrement de masse salariale et une interdiction de recruter "à titre onéreux", contraignant les dirigeants à ne faire venir, l'été dernier, que des joueurs en prêt ou libres de tout contrat. Mais à mi-parcours, le RC Lens semble être déjà sorti des clous budgétaires. "A ma connaissance, le club, sous réserve qu'il ne vende pas de joueurs avant le 31 janvier, a des besoins de trésorerie d'ici la fin de la saison supérieurs à 5 millions d'euros", a récemment déclaré à L'Equipe, Luc Dayan, ancien président du RCL qui accompagne l'homme d'affaires belge Grégory Maquet, président de Century 21 Bénélux, dans son projet de rachat du club.Pour l'instant, le seul départ enregistré est celui de Christian Bekamanga, qui était prêté par Troyes et qui évolue désormais sous le maillot de Metz. Il ne s'agit donc pas d'une vente et au regard des besoins financiers du club, cela ne suffira pas à alléger suffisamment les finances pour être autorisé à recruter. Selon La Voix du Nord, Stéphane Besle pourrait donc lui aussi faire ses bagages. Mais là encore, l'économie réalisée sera minime. S'il veut offrir à son entraîneur la recrue qu'il désire, Gervais Martel devra donc apporter une véritable garantie financière ce lundi à la DNCG. L'Atletico Madrid ou l'un des ses dirigeants en fourniront-ils une ? Ce qui est certain, c'est que cette garantie ne viendra pas de Grégory Maquet dont l'offre de rachat est en suspens, Hafiz Mammadov n'ayant pas souhaité donner suite à ses demandes de rendez-vous. L'homme d'affaires belge, vu en tribunes samedi dernier à Bollaert-Delelis aux côtés de Gervais Martel, ne semble pas lâcher l'affaire mais ne peut pas servir de caution auprès de la DNCG tant que rien ne se concrétise. Son conseiller, Luc Dayan, appelait d'ailleurs la DNCG à prendre ses responsabilités. "Le plus étonnant, c'est la position des instances", avait-il souligné dans son interview à L'Equipe. "M.Mammadov avait pris des engagements qui n'ont pas été tenus et ne donne, depuis, aucun signe de vie juridique, financier ou managérial et ce depuis plus d'un an ! Il serait donc utile qu'une position claire de la DNCG intervienne après fin janvier". "Il ne s'agit pas de mettre la pression sur Gervais qui n'est pas dans une position facile, qui fait ce qu'il peut et doit gérer au jour le jour", nous a-t-il répété ce lundi matin. "C'est sur Mammadov qu'il faut mettre la pression pour qu'il accepte enfin de bouger".
Si Gervais Martel se présente ce lundi devant la DNCG sans aucune garantie financière concrète, il ne lui restera alors qu'une seule option pour convaincre le gendarme financier : vendre avant le 1er février un de ses jeunes joueurs les plus côtés (Cyprien, Bourigeaud, Gbamin, Moore...). C'est ce qu'il avait déjà fait, la saison dernière, en cédant au dernier moment Dimitri Cavaré au Stade Rennais pour environ 3 millions d'euros. Le président lensois avait même obtenu la possibilité de le garder 6 mois en prêt pour ne pas affaiblir son effectif. Mais la DNCG ne l'avait pas autorisé pour autant à recruter de nouveaux joueurs.