L'écrivain Jean-Pierre Guéno raconte dans un livre l'histoire du Père Noël depuis ses origines. Et l'on découvre que l'homme en rouge n'a pas toujours été aussi gentil et bonhomme qu'aujourd'hui ....
Il est arrivé au Père Noël d'être une ordure ...
Le Père Noël n'a pas toujours été un rond vieillard à barbe voué aux jouets et aux enfants: descendant de Saint Nicolas, d'Odin et du Père Fouettard, il fut également un profane vendeur de sodas et de savonnettes, grivois et buveur.
"Le Père Noël a été profane avant d'être religieux et il est redevenu profane", résume Jean-Pierre Guéno, auteur du livre "Cher Père Noël", qui vient de paraître (Editions Télémaque), riche de plus de 800 illustrations puisées notamment dans les archives du musée de la Poste.
On connaît Saint Nicolas, patron des enfants, apparu en 343 avec sa mitre et sa crosse. Mais les Nordiques vénéraient aussi Odin, "déjà dans les airs", comme le Père Noël, souligne Nadine Cretin, historienne et spécialiste de ce dernier.
Odin, lui, était à cheval et avait une longue barbe blanche.
Les Celtes marquaient l'arrivée de la saison "sombre" lors de la fête de Samain, durant laquelle déjà "il fallait donner des cadeaux aux enfants, dépositaires de l'avenir", explique-t-elle. Une tradition semblable à celle d'Halloween et Noël.
Certains personnages ont d'ailleurs une image ambiguë, tout à la fois gentille et inquiétante.
Ainsi non loin de Saint Nicolas croisait-on souvent le père Fouettard ou, en Italie, la sorcière Befana, qui, disait-on, laissait aux enfants peu sages du charbon, comme en Espagne les Rois Mages.
Les années qui suivent sont encore bien tortueuses pour le ventripotent Père Noël.
En France certaines revues s'en moquent au point de le présenter aux côtés de femmes dénudées, dès 1905, et il les fréquente aussi pendant les années 1920 et 30.
Aux Etats-Unis il devient VRP: le soda Canada Dry exploite son image lorsqu'il n'est pas occupé à vendre des savons ou des stylos, des cigarettes et de l'alcool.
A partir de 1931, c'est Coca Cola qui a contribué "à sa mondialisation", notamment à son arrivée dans l'hémisphère sud, explique Nadine Cretin.
Le comble de l'instrumentalisation "ignoble", est atteint, selon Guéno, lors de la Seconde Guerre Mondiale avec le maréchal Pétain, qui propose aux enfants des Français prisonniers en Allemagne d'écrire la plus belle lettre de Noël à leur père détenu. Les gagnants ont droit à la visite du prisonnier pour Noël, avant son renvoi dans le camp !
En 1951 éclate une controverse ultime, avant sa longue destinée de grand vendeur des Trente glorieuses.
A Dijon, le 24 décembre, devant plusieurs centaines d'enfants, une effigie de 2,50 m en papier du Père Noël est brûlée devant la cathédrale: une décision du clergé qui voulait alors désigner à la vindicte publique cet "hérétique" propagateur de mensonges.
Soixante et un ans plus tard, dans une maternelle de Montargis (Loiret), début décembre, le Père Noël a bien failli trouver encore porte close: selon la directrice de l'école du Grand-Clos, il s'agissait de respecter les valeurs "laïques". Certains parents, eux, ont évoqué des "pressions de familles musulmanes". Le Père Noël a finalement pu passer.
Ce fait divers reste "désolant", car il "ignore que le Père Noël a une origine totalement païenne et pas religieuse", note Martyne Perrot, sociologue à l'Ecole des hautes études en Sciences sociales. "Noël c'est devenu une fête commerciale et des enfants qui se célèbre partout: cela commence même en Chine et au Japon..."
Voir aussi l'interview de Jean-Pierre Guéno sur le site Web Culture
Bonus : la bande-annonce du film cultissime : "Le Père Noël est une ordure" (via You tube)