C'est un Caennais, Thierry Lepaon, qui va prendre la tête de la CGT dans quelques jours. Il a travaillé pendant 20 ans à l'usine Moulinex de Cormelles-le-Royal (Calvados).
Thierry Lepaon, 53 ans, qui sera adoubé au congrès de Toulouse (du 18 au 22 mars prochain) à la tête de la CGT, est un ancien chaudronnier, militant de terrain, qui s'est fait connaître dans la lutte pour la défense de Moulinex.Né à Caen le 31 janvier 1960, ce Normand, fier de son terroir, a été aussi secrétaire général du comité régional CGT de Normandie.
Ses vies professionnelles et syndicales ont démarré en même temps et très jeune: à 17 ans, en 1977, il entre comme soudeur chez Caterpillar, près de Caen.
Une semaine après, il adhère à la CGT. Deux ans plus tard, il est licencié pour activité syndicale, mésaventure qu'il connaîtra de nouveau à Spie- Batignolles, d'où il est renvoyé en 1981.
En 1983, il est embauché à l'usine Moulinex de Cormelles-le-Royal (Calvados), où il reste près de 20 ans.
C'est comme délégué CGT que M. Lepaon a mené son combat majeur lorsqu'en 2001 le groupe électroménager a déposé son bilan.
L'entreprise est reprise par son concurrent Seb.
Au total 3.300 des 5.600 salariés sont restés sur le carreau. Il s'est battu pour les reclassements, mais après la fermeture, il a vite "oublié" les infortunés, selon de vives critiques adressées par d'ex-salariés et d'autres syndicalistes.
"Astucieux et fin politique"
A partir de 2001, Thierry Lepaon est happé par l'appareil cégétiste.
Négociateur en 2008 sur la formation professionnelle, il prend à coeur le combat contre l'illettrisme.
Deux ans plus tard, il prend la présidence du groupe CGT au Cese. Ses pairs le trouvent "ouvert", "à la recherche de consensus", "d'un abord sympathique".
La souplesse de son caractère lui sera d'une grande utilité pour ressouder une centrale blessée par la crise de succession. "Ce que vous appelez la crise est largement passé, maintenant notre organisation est complètement rassemblée", assure-t-il à l'AFP.
Dans son prochain exécutif, il entend regrouper les anciens rivaux.
"Il n'a pas une grande expérience de l'appareil de la CGT, mais il est astucieux et fin politique, il saura s'adapter", relève un observateur.
Une carte du PCF, comme Thibault
On le dit aussi homme de réseaux, la presse a fait allusion à une proximité supposée avec les "frères" maçons, ce qu'il a toujours nié. "Je ne suis pas franc-maçon,
je ne l'ai jamais été et je ne le serai jamais", a-t-il affirmé à l'AFP. "C'est une espèce de fantasme. Dès qu'on est membre du Cese, on est franc-maçon!".
"Arrivé à la présidence du groupe CGT au Cese, j'ai lu une dizaine de livres sur la franc-maçonnerie pour comprendre comment ça marchait" parce que "quand on préside un groupe dans une instance comme celle-ci, il faut savoir comment les réseaux fonctionnent", raconte-t-il.
A l'instar d'autres dirigeants cégétistes, dont Bernard Thibault, M. Lepaon a sa carte du PCF. "J'ai un rapport affectif profond avec ce parti qui date de ma jeunesse", confie-t-il. Mais "je ne signe jamais d'appel à voter et je ne participe pas aux instances de direction" de ce parti.
En février dernier, on l'a vu au congrès du Parti communiste à Saint-Denis. "Il m'a toujours paru naturel de répondre présent à l'invitation de partis de gauche", dit-il.
Il est aussi fin connaisseur des réseaux et partisan de la ligne réformiste engagée par Bernard Thibault.
Membre de la commission exécutive (direction) de la centrale, il présidait le groupe CGT au Conseil économique, social et environnemental (Cese), avant d'être élu en novembre 2012 par le comité confédéral national (CCN, parlement de la CGT) prochain secrétaire général, à l'unanimité moins deux abstentions.
Un candidat "par défaut"
Pour prendre la tête du premier syndicat français, l'ex-ouvrier est apparu comme le candidat "par défaut": il n'était pas le premier choix de Bernard Thibault, qui privilégiait l'accession d'une femme à la tête de la CGT.
Son atout --fruit d'une "tactique" ont dit certains-- était d'être resté à l'écart des querelles intestines qui ont déchiré la centrale. "Je n'ai jamais été candidat à rien" et "j'accepte les responsabilités qui me sont confiées", dit-il à l'AFP.
Il se réclame de la continuité avec son prédécesseur: "Ne vous attendez pas à un changement majeur, il n'y aura pas de coup de balancier", assure-t-il.