Comme chaque année, es proches des 11 salariés de la DCN tués dans l'attentat du 8 mai 2002 se sont serrés devant la stèle érigée près du Redoutable. Dans un message lu au cours de la cérémonie, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve estime que la vérité est "un devoir moral pour l'Etat"
Ils ont déposé quelques fleurs au pied du monument de granit dans lequel sont gravés les noms des onze victimes. Ils étaient ouvriers, techniciens, ils travaillaient pour la Direction des Constructions Navales de Cherbourg sur le chantier d'assemblage du troisième sous-marin Agosta vendu par la France au Pakistan. Ce matin du 8 mai 2002, comme tous les jours, ils étaient montés à bord d'un bus venus les chercher à leur hôtel pour les conduire vers l'arsenal de Karachi. A 7h45 heure locale, le véhicule est soufflé par une violente explosion. L'attentat fait 14 morts, dont 11 français de la DCN, ainsi que 12 blessés.
Depuis, les familles des victimes n'ont eu de cesse que de réclamer la vérité, la lumière. Dans un message lu au cours de la cérémonie, l'ancien député-maire Bernard Cazeneuve s'est excusé de ne pas pouvoir être présent à cette cérémonie : "Dans le silence de ce lieu, face à l’immensité de la mer, à proximité du « Redoutable » qui raconte les prouesses des ouvriers de l’Arsenal, je suis en profonde communion avec vous". Mais depuis Bruxelles où il est retenu, le ministre de l'intérieur réitère son souhait de voir cette affaire élucidée : "Vous cherchez à comprendre le sens de ce crime, non pas dans un esprit de vengeance au dessus duquel le chagrin vous place à jamais, mais dans une démarche de justice, pour garantir votre droit le plus élémentaire, le droit à la vérité".
Cette cérémonie intervient justement quelques heures après que le parquet de Paris s'est prononcé pour le renvoi devant un tribunal correctionnel des principaux protagonistes présumés du volet financier de cette affaire (lire ici : Attentat de Karachi : vers un procès en correctionnel). La justice soupçonne des détournements d'argent sur des contrats d'armement destinés à un financement politique occulte de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995. Après son élection, Jacques Chirac aurait suspendu le versement de rétrocommissions à des intermédiaires. L'attentat pourrait avoir été commandité afin de punir la France.
En 2011, Bernard Cazeneuve avait publié un livre : Karachi, l'enquête impossible. Celui qui était alors député-maire socialiste de Cherbourg venait d'être rapporteur d'une mission d'information parlementaire sur cet attentat. Dans son ouvrage, il racontait l'amnésie de certains témoins, et les obstacles dressés sur la route empruntée par la justice : "pendant les six mois d'enquête parlementaire, les témoignages recueillis facilitèrent l'analyse fine des multiples processus d'occultation de la vérité, dont la nature humaine était capable".
Aujourd'hui, le même Bernard Cazeneuve est ministre de l'intérieur, mais il affirme que sa détermination est intacte : "Il y a deux ans, je vous avais déjà dit qu’établir les responsabilités de cet attentat était un devoir moral pour l’Etat. Je le répète aujourd’hui, la lumière doit être faite sur ces événements qui ont vu mourir les vôtres alors qu’ils accompagnaient une mission pour le compte de l’Etat français".