Anton Corbijn: "le métier d'espion, c'est autre chose que James Bond ou Jason Bourne"

Le réalisateur hollandais présentait à Deauville ce samedi en compétition son troisième film, "Un homme très recherché", une adaptation de John Le Carré et l'un des derniers rôles de Philip Seymour Hoffman

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Après la soirée d'ouverture, place ce samedi à la compétition. Si le premier film présenté ce matin, "A girl walks home alone at night", un film de vampires de la cinéaste iranienne Ana Lily Amirpour, a pu désarçonné certains spectateurs, le second long métrage de la compétition a d'avantage remporté l'adhésion du public. "Un homme très recherché", est la troisième réalisation d'Anton Corbijn.

Sur scène, le metteur en scène néerlandais s'est déclaré "heureux qu'on me prenne au sérieux, moi qu'on a longtemps considéré comme un photographe musical...que je ne suis pas". L'homme s'est fait connaître dans les années 80-90 par ses collaborations avec des groupes comme U2 ou Depeche Mode. Son premier film, "Control", était du reste en lien avec l'univers musical puisqu'il relatait la vie de Ian Curtis, le leader de Joy Division.

Un pion dans un jeu qui le dépasse

Pour sa troisième réalisation, Anton Corbijn s'est attaqué au film d'espionnage en adaptant un roman de John Le Carré. L'histoire se passe à Hambourg, 10 ans après le 11 septembre 2001. Günther Bachmann, incarné par Philip Seymour Hoffman, dirige une cellule anti-terroriste. Un immigré d'origine ruisso-tchétchène arrive de façon clandestine dans la ville. Il est activement recherché par les différentes agences d'espionnage. Mais il n'est peut-être qu'un pion dans un jeu qui le dépasse.



Le film se révèle passionnant sans verser dans le spectaculaire. L'approche du métier d'espion est quasi-documentaire. Anton Corbijn a expliqué ce samedi avoir rencontré quelques personnes travaillant dans les services secrets, durant la préparation du film. Mais il s'est surtout appuyé sur ce que lui a raconté John Le Carré, auteur du roman originel et producteur exécutif. "James Bond, Jason Bourne, c'est généralement ce qu'attendent les gens d'un film d'espionnage. Mais le métier d'espion, c'est autre chose, c'est un métier très terre-à-terre, souvent les gens se posent quelque part et attendent. Il a fallu inscrire le film dans ce rythme là".

Point de fusillade tonitruante mais une description minutieuse des rapports humains entre les différents protagonistes. "Les liens affectifs qui se nouent entre les indics et les agents sont primordiaux. La confiance ne peut s'établir que dans ces rapports là".

"L'humanité arrive à l'automne de son existence"

Mais la confiance peut être trahie et l'espionnage est aussi l'art de la manipulation. Le réalisateur le reconnaît, son film est empreint d'un certain pessimisme. "Je voulais absolument tourner le film en automne, car je considère que l'humanité arrive à l'automne de son existence". C'est, de l'aveu même du metteur en scène, cette conception du monde qui l'a amené à s'investir dans la réalisation de ce film. Au travers d' "Un homme très recherché", Anton Corbijn a souhaité "montrer notre tendance aux jugements hâtifs, à classer les individus dans des catégories" et ce dans un contexte bien particulier, celui de l'après 11 septembre 2001. "Mais je continue à croire que l'homme est bon, sinon à quoi bon continuer".


Avec Philip Seymour Hoffman, "on avait décidé de retravailler ensemble"

Si la confiance est au centre du film, elle est aussi ce qui a cimenté les rapports entre le metteur en scène et son comédien principal, Philip Seymour Hoffman, disparu en début d'année. Sur la scène du CID, en préambule de la projection, Anton Corbijn a déclaré que cette collaboration était l'une des trois raisons qui l'avait poussé à faire ce film. "J'ai apprécié chaque jour de tournage avec lui, j'ai apprécié le savoir-faire et la vérité qu'il a apporté au rôle. J'aime laisser une marge d'interprétation aux comédiens. Certes, cela a donné lieu à des discussions intenses mais on est très vite arrivé à une entente, à tel point qu'on avait décidé de retravailler ensemble".

La confiance, enfin, c'est celle que le metteur en scène hollandais a acquise quant à son travail. "Quand j'ai réalisé Control (son premier film), je me suis dit que je ferais trois films et que je verrais après. Là, j'ai pris conscience que j'aime ça, j'ai vraiment envie de persévérer dans ce métier et d'ailleurs, je présenterai un autre film l'an prochain". Celui "qu'on a considéré longtemps comme un photographe musical" est désormais un cinéaste qui s'assume.

Voir aussi la chronique quotidienne de l'équipe de LOCB (avec Jacques Perrotte et Sabine Daniel)

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