L'un des grands maîtres du cinéma d'action, le réalisateur de "Piège de cristal" et "Predator" donnait ce samedi une masterclass. Questions alambiquées et réponses confuses, la leçon s'est avérée décevante.
L'an dernier, la masterclass avait été annulée. Steven Soderbergh, venu présenter en ouverture son film "Ma vie avec Liberace", s'était désisté à la dernière minute. Les cinéphiles attendaient donc de pied ferme le retour de ce rendez-vous et ce d'autant plus que l'affiche était alléchante. Comme "professeur", rien de moins que l'un des grands maîtres du cinéma d'action, John Mc Tiernan, le réalisateur, entre autres, de "Piège de cristal", "Predator" ou "A la poursuite d'Octobre rouge". Il y avait donc du monde ce samedi dans le petit amphithéâtre Lexington. Le président du jury, Costa Gavras, avait fait le déplacement.
Un plan à un demi-million de dollars
Cette masterclass a débuté par la séquence d'ouverture d' "Octobre rouge", véritable leçon de mise en scène, alliant simplicité et efficacité, dans une économie de mots mais pas de moyens. Le film s'ouvre sur des gros plans, le visage de Sean Connery et des bateaux en mer, puis la caméra s'éloigne et découvre le fameux sous-marin. "Cette séquence a coûté une fortune. A l'époque, l'image de synthèse n'était pas aussi réaliste. Pour moi, le film ne pouvait être pris au sérieux que si on croyait à l'existence du sous-marin. Il a donc fallu en construire une réplique. Moi-même, j'en ai des frissons quand je repense à ce tournage. J'étais à bord de l'hélicoptère pour le plan large final qui a coûté un demi million de dollars".
Si John Mc Tiernan, alors auréolé des succès de "Predator" et "Piège de cristal", a pu obtenir ce qu'il voulait, il n'en sera pas toujours ainsi par la suite. Le réalisateur a souvent été en conflit avec ses producteurs. L'un de ces conflits le mènera même devant les tribunaux.
Un dialogue de sourds
L'intervieweur s'engage alors sur un terrain plus théorique. Les questions sont alambiquées, souvent reformulées comme pour développer les thèses de son auteur. Or, le cinéaste ne semble pas disposé à s'aventurer sur ce terrain et, parfois, ne saisit pas le sens du propos de son interlocuteur. Une certaine confusion s'installe. Et l'échange se transforme peu à peu en dialogue de sourds. John Mc Tiernan revendique une approche de son art relevant de l'intuition, de l'instinct.
Reconnu pour sa gestion de l'espace, notamment dans Piège de cristal, le réalisateur confie être "dépassé par toutes les théories qu'on transmet aux apprentis cinéastes sur le placement de la caméra. Si vous filmez une conversation autour d'une table, c'est très simple: vous mettez la caméra autour de la table. Ce qu'on vise, c'est faire adhérer le spectateur au point de vue du personnage".
Celui qui fit appel à un monteur, fils de musicien, pour assembler les plans en mouvement de "Piège de cristal", explique qu'il "pense aux films comme à de la musique, il y a une idée de justesse, quelque chose dont la logique est de l'ordre du ressenti, de l'intuition, alors que c'est plus rigide dans l'écrit".
"Un cinéma où les mots ont peu de choses à dire"
Parmi les extraits diffusés lors de cette masterclass, outre l'ouverture d'"Octobre rouge", le public a pu revoir l'affrontement final de "Predator" ou la scène du casse d' "Une journée en enfer" (Die Hard 3), trois séquences qui s'illustrent notamment pas leur économie de dialogue. Pour John Mc Tiernan, qui a fait des études de théâtre à la Juilliard School avant de bifurquer vers le 7e art, "le cinéma auquel je tiens est un cinéma où les mots ont peu de chose à dire" et d'ajouter: "J'aspire à un cinéma qui arriverait à se libérer de l'écrit".
Plutôt que d'amener le réalisateur à théoriser son travail, on aurait préféré voir l'intervieweur encourager le maître du cinéma d'action à dévoiler d'avantage ses secrets de fabrication et ses souvenirs de tournage, comme lorsqu'il est revenu sur la conception du final de Predator. A l'origine, l'affrontement devait se dérouler dans le vaisseau de l'extraterrestre. Mais celui-ci n'était pas prêt à temps et Arnold Schwarzenneger, pris par d'autres engagements, allait devoir quitter le tournage. Le cinéaste a réécrit cette séquence finale en une nuit. Une nuit, c'est aussi le temps qu'il aura fallu pour la tourner à un rythme d'enfer.