Le dessinateur américain livre une seconde adaptation cinématographique de sa série "Sin City", une relecture du roman noir qui lui est cher. Le film est présenté ce samedi lors de la soirée de clôture du festival du cinéma américain.
Frank Miller est un monument de la bande-dessinée américaine. A la fin des années 70 début 80, il a donné un nouveau souffle au 9e art, tant du point de vue graphique que narratif. Il s'est d'abord attaqué aux super-héros (Batman, Daredevil, Wolverine), avant de réaliser des projets plus personnels comme Hardboiled ou la série de romans graphiques Sin City. Cette dernière se voit adaptée pour la seconde fois au cinéma par Frank Miller et Robert Rodriguez. "Sin City: j'ai tué pour elle" sort en salle le 17 septembre prochain. Il est présenté ce samedi lors de la soirée de clôture du festival du cinéma américain.
Retour à Sin City, cette ville rongée par le vice, la violence et le désespoir née de l'imagination de Frank Miller au début des années 90. "J'ai grandi avec les comic-books. Dés l'âge de 6 ans, je me suis plongé dans leur lecture. A 15 ans, j'ai découvert les filles et ça a tout changé. Les personnages des BD que je lisais étaient principalement des hommes en collant. Je n'arrivais plus à m'attacher à eux. Je me suis alors intéressé aux romans noirs, comme ceux de Mickey Spillane. C'est devenu mon obsession. Plus tard, je suis monté à New-York pour présenter mes premières histoires aux éditeurs. Or, ceux-ci voulaient des hommes en collant. Avec Sin City, j'ai enfin réussi à faire ce que je voulais."
"Je voulais des femmes très belles et très puissantes"
Le dessinateur américain a insufflé une certaine noirceur aux super-héros aseptisés puis revisité l'univers du roman noir, mais il n'entend pas pour autant viser le réalisme. "Je suis un dessinateur, pas un illustrateur. Quand on est dessinateur de BD, on a tendance à avoir envie de dessiner ce qu'on a VRAIMENT envie de dessiner. On sait qu'on va passer des heures sur une histoire, sur des personnages. Dans Sin City, je voulais que les femmes soient très belles et très puissantes, que les hommes soient des gros durs".
Si les personnages de Frank Miller sont forts, ils sont également bien souvent seuls. "J'aime cette mythologie du loup solitaire, de l'Odyssée d'Homère aux films de Clint Eastwood, qui accomplit ses tâches seuls. Les grandes décisions, dans la vie comme dans les mythes, sont toujours prises dans la solitude". Ne surtout pas y voir selon lui un point de vue sur la société. "J'écris des récits imaginaires, je fais des bande-dessinées. Ce n'est pas mon rôle de commenter le monde tel qu'il existe". Une affirmation à nuancer toutefois au regard de certaines de ses prises de positions (l'homme est politiquement plutôt conservateur) qui lui ont valu l'inimité de quelques confrères (Alan Moore, l'auteur des Watchmen, par exemple)
Juste comme un pas de côté
Si Frank Miller aura attendu près de 30 ans avant de passer derrière la caméra (en 2005 pour le premier Sin City), l'envie l'a toujours titillé. "Dans la plupart des histoires que j'ai racontées, je me suis souvent rendu compte qu'elles se prêteraient bien à l'animation". Sin City conserve toutefois des prises de vue réelle. "Ce mélange était la meilleure façon de raconter cette histoire", selon le réalisateur. Dont le premier amour reste la bande-dessinée: "Certaines histoires sont mieux racontées en bande-dessinée. Certains romans graphiques sont parfaits en tant que tels et doivent rester des BD".
Pour le dessinateur américain, ce passage au cinéma est plus une question de continuation que de rupture. "Les BD et les films sont des médiums très proches les uns des autres. Quand je réalise un film, ce n'est pas comme si je sortais de la BD, c'est juste comme un pas de côté. Les deux arts sont très proches dans l'état d'esprit et la manière de travailler".
Certains lecteurs peuvent parfois avoir l'impression de retrouver, plan pour plan, l'oeuvre originelle sur grand écran, Frank Miller est catégorique: "Il s'agit d'un storyboard spécifique. Avec Robert Rodriguez (co-réalisateur), nous nous sommes très peu appuyés sur la BD pour faire notre découpage".