Les producteurs de lait normands se rebiffent contre Lactalis avant l'expiration des quotas

Des producteurs de lait normands ont lancé une action groupée en justice contre le géant Lactalis pour défendre leur revenu, dont ils craignent l'effondrement avec la fin programmée des quotas européens le 31 mars.

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Les 500 producteurs de l'Organisation de producteurs (OP) Normandie Centre (220 millions de litres de lait potentiels) viennent d'approuver le déclenchement d'une action de groupe en justice, estimant que la rémunération offerte par Lactalis leur a fait perdre "8.000 euros par ferme" en 2014, selon Thierry Roquefeuil, président de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). "A trois mois de la fin des quotas c'est un signal fort aux entreprises qui seraient tentées de ne pas respecter leurs contrats" avec les producteurs, a-t-il prévenu.

Contacté par l'AFP, le groupe Lactalis, qui détient notamment les marques Lactel, Président et Roquefort Société, n'a pas souhaité s'exprimer à ce stade.

L'action de groupe, une mesure inscrite dans la nouvelle Loi d'avenir agricole promulguée le 14 octobre à la demande expresse de la FNPL, permet à une organisation de producteurs et à elle seule de dénoncer la non-application du contrat qui la lie à une entreprise de collecte, en l'occurrence Lactalis.

La FNPL de son côté mènera en soutien "une procédure d'intervention volontaire" qui s'apparente à une constitution de partie civile pour avoir accès au dossier avec, en fond de scène, l'abandon du système des quotas qui plafonnait depuis 1986 la production laitière européenne et fait craindre un véritable "bouleversement" selon les producteurs.


"L'opacité avec laquelle le prix du lait est déterminé"


Le système de contractualisation entre les producteurs de lait et leur acheteur permet de garantir les prix et les volumes aux producteurs et donc leur revenu. Il a été conçu comme un pare-feu visant à les protéger des turbulences post-quotas. "Mais le fond du problème depuis la mise en place des contrats est l'opacité avec laquelle le prix du lait est déterminé et c'est ce qui motive aujourd'hui l'action de groupe", explique André Bonnard, le trésorier de la fédération.

 

Selon la FNPL, les prix du lait ont augmenté de 20,4% (Sodiaal) à plus de 27% (Triballat), s'établissant entre 360 et 371 euros les 1.000 litres. Mais à partir d'avril-mai, poursuit M. Bonnard, le prix payé par Lactalis a stagné alors qu'il continuait de monter sur le marché - même s'il baissait en prix au consommateur au nom de la "guerre des prix" entre les enseignes de grande distribution.

L'an passé, la FNPL s'était immiscée dans les négociations avec la grande distribution et avait réussi à se faire entendre. Aujourd'hui elle se tourne vers les collecteurs: "On veut dire que ça suffit", martèle le trésorier, prévenant que d'autres pourraient suivre: "Il n'y a pas de raison que ça s'arrête à Lactalis" citant l'entreprise Bongrain qui pourrait être la prochaine visée. "On ira devant les tribunaux si les organisations de producteurs le décident, même s'il est difficile pour des producteurs d'assigner en justice leur unique client", a relevé M. Roquefeuil. "L'objectif est que le prix du lait soit proche de celui de nos collègues des autres pays européens".

Pour la FNPL, cette nouvelle forme de contestation marque aussi un virage de l'action syndicale, prenant le relais des contestations musclées qui conduisaient par le passé les producteurs à déverser leur lait sur les routes, a-t-il admis. D'autant que l'absence de politique communautaire en relais du système des quotas qui protégeait la production de lait en Europe depuis 1986 inquiète les éleveurs.

"Si la production de lait augmente de 10% et la consommation de 2% seulement, on fait comment?" demande Thierry Roquefeuil, alors que la nouvelle Commission de Bruxelles s'en remet au seul marché. "Quand toutes les autres zones de production au monde, les Etats-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont une politique laitière, on ne peut pas s'en passer", insiste-t-il. "On n'est pas prêts à sacrifier la moitié des producteurs français sur l'autel de la non-politique européenne".
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