Six ex-salariés Jeannette étaient assignés pour occupation des locaux de l'usine à Caen. Le propriétaire des lieux demandait l'expulsion et 128.522 euros de dédommagement. La SCI la Madeleine est déboutée.
"Merci madame" la juge, "merci à la justice", "merci les journalistes", ont lancé, avant d'applaudir, la quinzaine d'ex-Jeannette présents à l'énoncé du jugement, les yeux rougis par l'émotion. a justice a débouté jeudi le propriétaire des murs de l'ex-usine Jeannette à Caen qui réclamait 128.500 euros à des salariés licenciés par la biscuiterie liquidée, pour l'occupation du site pendant près d'un an. Six ex-salariés de l'usine liquidée fin 2013, l'union locale CGT et le liquidateur de l'entreprise étaient assignés.
L'occupation des Jeannette
Une vingtaine des 37 salariés que comptait l'entreprise fin 2013 ont occupé entre février 2014 et janvier 2015 leur usine dans l'espoir que l'entreprise renaisse de ses cendres. Ils ont même relancé la production ponctuellement et vendu leurs gâteaux avec un vif succès auprès du public. Le juge des référés Marie-Christine Leprince-Nicolay est allé sur place lors de l'audience le 29 janvier et elle a constaté que le site n'était plus occupé. En outre, les salariés se sont alors engagés à ne plus occuper le site. Dans sa décision, la juge estime qu'il "existe une contestation sérieuse à fixer" une "indemnisation" pour un "bien présentant un état de délabrement avancé et auquel l'accès aurait dû être interdit". "C'est un poids de moins sur nos épaules. On espère donner des idées à d'autres salariés pour qu'ils ne baissent pas les bras", a réagi un des ex-Jeannette assignés interrogé par des journalistes.
L'avenir des Jeannette
"Vive Jeannette", a lancé une autre. Les "Jeannette" ont convaincu un industriel de racheter la marque. Mais ce nouveau propriétaire cherche encore un local, à Caen, pour relancer la production et des fonds supplémentaires malgré le succès d'une opération de financement participatif. Il parle d'embaucher trois ou quatre personnes au démarrage, puis une quinzaine d'ici plusieurs mois."La morale exigeait une telle décision", a ajouté l'avocate des salariés Me Élise Brand qui lors de l'audience avait indiqué que les ex-Jeannette, âgés de plus de 50 ans, vivaient avec, pour "seule perspective d'emploi, quelques heures de ménage". "Le droit de propriété absolu, c'était il y a 40 ans (...) Aujourd'hui on ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas 5 millions de chômeurs en France", toutes catégorie, A à D, confondues, avait-elle aussi plaidé. Une autre entreprise liquidée de l'agglomération de Caen a été occupée, de novembre à janvier: la société de peintures Lainé qui comptait, selon la CGT, 84 salariés.
Reportage Franck Bodereau et Arnaud Chorin
Eric Voisin: assigné
Elise Brand: avocate des assignés
Franck Mérouze: secrétaire union locale CGT de Caen