Au deuxième jour du procès de Sylvain Jouanneau, les témoignages de son ex-compagne et de l'expert-psychiatre dévoilent un portrait glaçant du père de Mathis.
Au deuxième jour d'audience, le procès de Sylvain Jouanneau a déjà pris beaucoup de retard, près d'une demi-journée sur le planning initial. L'homme se perd facilement dans des disgressions, sans livrer les informations attendues, et la partie civile décortique le moindre détail.
Ce mardi matin, c'est au tour de Nathalie Barré de témoigner. Ses premiers mots concernent son petit garçon disparu: "Je voudrais parler de Mathis. On n'a pas encore parlé de lui, de ses souffrances. C'est un enfant sensible qui aimait son père malgré le souffrances mentales qu'il lui infligeait". La mère fait notamment allusion à une punition infligée par Sylvain Jouanneau où l'enfant a dû tout un week-end recopier des lignes suite à un pipi au lit. Ces "souffrances mentales" justifiaient pour Nathalie Barré qu'elle encadre strictement le droit de garde du père.
Nathalie Baré est également revenu sur son histoire avec Sylvain Jouanneau. Elle raconte avoir été très amoureuse. Quand leur relation s'est dégradée, elle explique avoir voulu sauver de nombreuses fois son couple. Finalement elle décidera de partir avec son fils. Sylvain Jouanneau lui demande alors de signer un "protocole d'accord" qui doit rester confidentiel. Cet accord indique qu'il accepte qu'elle parte avec leur fils mais qu'en contre-partie il ne versera pas un centime de pension alimentaire. Cet accord, Nathalie Barré le divulguera ultérieurement à son avocate ce qui provoquera la fureur de Sylvain Jouanneau, désormais contraint de payer.
"Dis mois ce que tu as fait de Mathis ?"
La veille, Sylvain Jouanneau est resté sourd à l'appel de sa propre mère l'enjoignant de parler. Ce mardi matin, c'est Nathalie Barré, en larmes, qui l'interpelle: "Dis mois ce que tu as fait de Mathis ? Où il est ? Avec qui ?". Pour seule réponse, le père du petit garçon détourne le regard, une attitude fuyante qui tranche avec son entrée le poing levé dans la salle d'audience un peu plus tôt dans la matinée.L'ex-compagne de Sylvain Jouanneau, Emmanuelle Lecerf, était également appelée à témoigner. C'est elle qui lui ordonne de faire demi-tour lors de sa première tentative d'enlèvement en janvier 2011. Quelques mois plus tard, pendant sa fuite, Sylvain Jouanneau lui envoie une lettre. Il lui demande de réclamer à Nathalie Barré les 13 312 euros de pension alimentaire qu'il lui a versés et de le retrouver.
Menaces de mort
Emmanuelle Lecerf a témoigné ce mardi matin par visioconférence. "J'ai peur que les complices de Jouanneau soient dans la salle d'audience à Caen et qu'ils me voient, je me sens surveillée". Elle explique notamment avoir reçu des menaces de mort la concernant ainsi que sa famille si elle parlait de cette première tentative d'enlèvement.Toute aussi glaçante, l'expertise rendue ce mardi matin par le Docteur Daniel Zagury. Si le psychiatre estime que Sylvain Jouanneau n'est pas atteint de maladie mentale, il décèle chez l'accusé de forts troubles de la personnalité autour de l'angoisse et de l'abandon, des troubles susceptibles d'altérer son discernement. Le médecin évoque "une organisation psychique rigide", une personnalité fonctionnant sur le principe du "tout ou rien". Selon lui, l'hypothèse "hélas la plus probable" est que Sylvain Jouanneau a tué son fils. Les spécialistes parlent de syndrome de Médée: un parent tue l'enfant pour unir l'autre parent.
Pour le Dr Daniel Zagury, Sylvain Jouanneau pourrait avoir refoulé cet acte. "Il l'a peut-être gommé de sa propre mémoire, en s'auto illusionnant sur le maintien en vie de son enfant". Ce qui expliquerait sa défense devant les enquêteurs et la cour d'assises, une défense dans laquelle, selon cette hypothèse, il pourrait s'enfermer jusqu'à la fin de ses jours.
Reportage de Franck Bodereau et Jean-Michel Guillaud
Intervenants:
- Nathalie Barré, mère de Mathis
- Maître Véronique Demillière, avocate de Sylvain Jouanneau
- Maître Louis Balling, avocat d'Emmanuelle Lecerf