Près de 300 agriculteurs normands ont pris part à la manifestation organisée devant le siège de la commission européenne. Les agriculteurs espéraient rassembler quelque 5.000 protestataires. Selon la police locale, ils étaient à peine plus de 2.000 à la mi-journée.
Lancers d'oeufs, concert de klaxons et de sirènes, et surtout des cortèges de tracteurs au pied des institutions européennes à Bruxelles : les agriculteurs ont débarqué par milliers lundi dans la capitale belge pour crier leur colère aux chefs de l'UE et les exhorter à trouver une issue à la crise qu'ils traversent depuis des mois. Des centaines de tracteurs ont rapidement bloqué les rues du quartier Schuman où siègent les institutions européennes. Parmi les manifestants, quelques centaines d'agriculteurs avaient fait le déplacement à bord d'autocars affrétés dans les cinq départements normands, certains par la FNSEA, le syndicat majoritaire, d'autres par la Coordination rurale ou l'APLI.
Ils avait tous pour objectif de se faire entendre des responsables de la Commission et des ministres européens de l'Agriculture, qui tiennent ce jour un conseil exceptionnel sur la crise, que la France avait réclamée en juillet. Depuis le début de la matinée, les transports publics ne s'aventurent plus dans le quartier. Depuis plusieurs jours, la police belge avait "demandé avec insistance d'éviter Bruxelles en voiture". Le ministre français de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, s'est d'ailleurs trouvé bloqué dans les embouteillages.
pratiquement ininterrompu.
Un vache en plastique bleu et frappée des étoiles jaunes du drapeau européen, grandeur nature, est amenée à plusieurs mètres du sol, la corde au cou, à quelques dizaines de mètres du lieu de la réunion. "Je suis Eleveur", indiquait une pancarte portée par un jeune manifestant, en écho aux "Je suis Charlie" qui avaient fleuri après les attentats de Paris en janvier. Soudain, des manifestants improvisent une catapulte avec une louche en plastique et lancent des oeufs en direction des policiers, pendant que les jets de pétards redoublent d'intensité.
"Tous dans le même pétrin"
Rémy Hulin, un éleveur à la retraite, est venu du Calvados (ouest de la France) avec une potence suspendant un mannequin habillé d'une salopette d'agriculteur. "Il y a des centaines de suicidés dans l'élevage, c'est le résultat d'une politique agricole désastreuse". "Tous les matins, on se lève et on perd de l'argent à traire nos vaches", renchérit Jacky, un autre agriculteur venu lui aussi du Calvados avec près de 100 membres de la Confédération rurale.Il faut "trouver des solutions à la grave crise économique qui frappe actuellement le secteur. Les agriculteurs sont obligés de produire à perte", a reconnu le ministre luxembourgeois de l'Agriculture, Fernand Etgen, dont le pays assure la présidence semestrielle de l'UE. L'ambition de cette réunion est d'"élaborer ensemble un programme de mesures à court terme et à moyen terme qui puissent donner de nouvelles perspectives à nos agriculteurs".
Mais les manifestants apparaissent divisés sur la manière de sortir de la crise. Illustration dans le cortège des manifestants normands : si les militants de la FNSEA réclament "des prix" tout en dénonçant le "poids des charges", leurs collègues de la coordination rurale ou de l'APLI ont plutôt l'impression d'être embarqués dans un système qui mène l'agriculture "dans le mur" et qu'il faudra tôt ou tard "réguler" les marchés. Certains plaident même, à mots couverts, pour le rétablissement des quotas laitiers qui viennent d'être supprimés.
Un seul point fait l'unanimité dans les rangs, en regardant défiler les collègues venus du sud, du nord, de l'Est de l'UE, et même de l'opulente Allemagne : "la crise est européenne. On est tous dans le même pétrin !".
Reportage à Bruxelles d'Hélène Jacques et Cyril Duponchel :
Intervenants : Jean Beck, producteur de lait à Saint-Pierre du Mont (Calvados); Sébastien Amand, président FDSEA 50; Yannick Babin, coordination rurale de la Manche; Agnès Lemarié, APLI 14.