Le gouvernement de Michel Barnier a réclamé, jeudi 10 octobre, 5 milliards d'euros de baisse des dépenses aux collectivités territoriales. Au lendemain de l'annonce, les élus des collectivités mises à contribution dénoncent une "ponction" qui nuira aux services publics et aux investissements.
Douche froide chez les élus locaux. Le gouvernement de Michel Barnier a réclamé, jeudi 10 octobre, 5 milliards d'euros de baisse des dépenses aux collectivités territoriales. Les régions, départements, agglomérations et communes participeront ainsi pour 8,3% des 60 milliards d'euros d'économies voulues par le gouvernement dans son budget 2025.
"Le réveil est difficile ce matin", a confié Aristide Olivier, le maire (divers droite) de Caen (Calvados), vendredi 11 octobre sur France Bleu. L'effort de 5 milliards, qui représente 2% des dépenses annuelles des collectivités territoriales du pays, passera par une baisse des dotations et des aides à l'investissement de l'État.
La commune de Caen, par exemple, devrait perdre 2,5 millions d'euros en trésorerie, soit 1,1% de son budget. Son maire promet que le niveau de services publics restera le même, mais n'exclut pas de reporter d'un an certains investissements, sans préciser lesquels. "Je ne suis pas contre un effort qui soit partagé collectivement, quand on voit la situation budgétaire du pays. En revanche, ce qui est demandé à la ville de Caen est de mon point de vue disproportionné par rapport à d'autres collectivités", argue Aristide Olivier.
Coup de rabot sur les services
Toutes les catégories de collectivités sont concernées. La Région Normandie devrait subir une réduction des dépenses de 30,1 millions d'euros (soit une baisse de 1,2% par rapport à 2024), s'ajoutant aux économies réclamées aux villes, intercommunalités et conseils départementaux. Pour ces derniers, le coup de rabot s'élève à 14,9 millions dans le Calvados (-1,7%), 11,3 millions dans la Manche (-1,8%), 7,1 millions dans l'Orne (-1,5%), 31,3 millions d'euros en Seine-Maritime (-1,4%) et 11,4 millions dans l'Eure (-1,1%).
Et les premiers effets se font sentir. Le président de la Région Normandie, Hervé Morin, a d'ores et déjà annoncé la suppression du forum Normandie pour la paix, dont la dernière édition s'est tenue les 26 et 27 septembre à Caen.
Au lendemain de l'annonce de projet de loi de finance du pays, le même son de cloche résonne dans plusieurs collectivités. "Ça veut dire potentiellement moins de services publics, des économies sur certains postes ou de la suppression de services publics", évoque Charly Varin, maire (Nouvelle énergie) de Percy-en-Normandie (Manche) et président de l'Association des maires du département la Manche. "On va s'interroger sur le nombre d'agents aux services techniques. Est-ce qu'on nettoie la voirie toutes les semaines ou est-ce qu'on décale à tous les quinze jours ?", questionne celui qui est aussi président de Villedieu Intercom.
Bataille parlementaire
Le projet de loi prévoit que les collectivités dont le budget est inférieur à 40 millions d'euros, comme l'agglomération de Lisieux, soient épargnées par le coup de rabot. Celles mises à contribution espèrent alors un rééquilibrage. "J'aimerais que l'effort soit vraiment bien mieux réparti à l'échelle nationale et j'espère qu'on arrivera à faire bouger le montant global", affirme le maire de Caen. Le projet de loi de finances fixant le budget 2025 est examiné au parlement à partir de ce vendredi.
"Les collectivités que nous sommes allons mobiliser nos parlementaires, prévient Charly Varin. Non pas pour ne pas participer à l'effort, mais pour qu'on ait des dispositifs cousus main, puisque la situation des collectivités n'est absolument pas la même de l'une à l'autre. Il faut qu'on arrive à faire quelque chose de plus équitable", réclame l'élu.
Colère des élus locaux
La pilule passe d'autant plus mal que la baisse des budgets semble "inédite" aux élus locaux, par sa taille et son aspect soudain. "Ponctionner de la trésorerie, comme ça dans les collectivités, c'est comme pour un ménage à qui on dirait : il va falloir vous passer de 300 euros tous les mois. Comment vous réagissez ?", demande Charly Varin, le maire de Percy-en-Normandie. "La confiance (...) continue malheureusement à faire défaut dans notre relation avec l’État central. Pourtant le plus mal placé au vu de son bilan, il s’érige chaque jour davantage en donneur de leçons", assène l'association des maires de l'Orne dans un communiqué.
"Cette ponction ne fera que fragiliser la capacité d’investissement des collectivités qui, avec les entreprises, sont les deux grands investisseurs de notre pays", avance Sébastien Martin, le président (divers droite) de l'association Intercommunalités de France.
Christophe de Balorre, le président (LR) du Conseil départemental de l'Orne, est plus incisif encore : "Ne nous laissons pas déborder par une évolution sociétale orchestrée par une armée de bien-pensants qui veulent nous expliquer la vie", a-t-il lancé, jeudi 10 octobre, lors de l'assemblée des maires de son département qui avait lieu – ironie du calendrier – le jour de la présentation du budget par le ministre de l'Économie.