Le coup d'envoi de la 40e édition du Tour de Normandie sera donné ce lundi 21 mars à Ouistreham. Après deux ans d'absence pour cause de covid, l'épreuve cycliste est de retour. Elle a déjà connu plusieurs interruptions au cours de sa longue histoire de plus de 80 ans.
1300 jours. Arnaud Anquetil a fait le compte. Avec l'annulation des éditions 2020 et 2021, l'attente fut longue pour les organisateurs du Tour de Normandie. "Il est temps que ça arrive", confesse le directeur de l'épreuve cycliste. La 40e édition édition, deux fois repoussée, débute ce lundi 21 mars, à Ouistreham. Mais cette interruption est loin d'être la première dans la longue histoire de ce grand rendez-vous cycliste, une histoire qui dure depuis plus de 80 ans.
C'est l'une des plus vieilles compétitions sportives de la région. Le premier Tour de Normandie a été organisé en 1939, juste avant la seconde guerre mondiale. Et cette première édition remporte un immense succès populaire, les spectateurs affluent en masse sur les route de la région. Et pourtant, "il y avait peu de partants, une vingtaine seulement de partants seulement et seulement quinze à l'arrivée donc on est loin des éditions actuelles et même des éditions qui vont suivre dans les années 50", raconte René Gautier, historien du sport normand.
Quand le Tour de Normandie "lance un nouveau cyclisme"
Car en raison de la guerre, la deuxième édition mettra du temps à voir le jour. 15 ans d'attente. En 1956, les coureurs retrouvent la ligne de départ et arborent pour la première fois dans le cyclisme des publicités sur leur maillot. "Pour la première fois en France, la fédération demande à ce que les coureurs puissent porter de la publicité autre que celle pour les marques de cycles, les marques de cycles étant alors en difficulté, et là on va voir apparaître des marques d'alcools, d'eaux minérales, de meubles, etc... Le Tour de Normandie lance un nouveau cyclisme." Mais le Tour de Normandie s'arrête une nouvelle fois en 1960, faute d'organisateurs, pour une nouvelle pause qui durera 20 ans.
La renaissance a lieu en 1980. Et c'est Raymond-Marcel Anquetil qui en est l'artisan. "Un soir, mon père est rentré de Flers. Il avait vu des copains. L'un d'entre eux lui avait lancé : pourquoi on ne referait pas le Tour de Normandie ? Et c'est parti comme ça", se souvient son fils, Arnaud Anquetil, qui ne croit pas au simple pari entre amis. "Il avait une idée derrière la tête. Souvent, en remontant de Paris-Nice - il était commissaire sur cette course - il en parlait à Daniel Mangeas (célèbre speaker du Tour de France) qu'il voulait relancer le Tour de Normandie et Daniel lui a dit : vas-y, lance toi !"
Et c'est un retour gagnant. Le Tour de Normandie trouve rapidement sa place dans le calendrier international ou du moins européen. "Dans les années 80, on avait pas encore la mondialisation du vélo. C'était surtout les pays de l'est qui étaient sur le terrain : les Roumains, les Tchèques, les Russes. On allait les chercher à l'aéroport de Paris, quand on les trouvait ! Par moments, ils ne nous donnaient pas toutes les informations, ils décalaient d'une journée leur vol. Des fois ils n'avaient pas le matériel, on était obligé de fournir des vélos ou des chaussures." Arnaud Anquetil se souvient d'une époque où "c'était la bricole". Tout sauf un long fleuve tranquille. "Il y a eu des hauts et des bas, faut pas rêver. Au niveau famille, il y a eu des discussions assez fortes par moments. Vouloir arrêter, continuer, mon père travaillait en même temps. Mais ça a continué."
Changement de braquet dans les années 90
Et ça fait maintenant plus de 40 ans que ça dure. Pour Arnaud Anquetil, la principale difficulté est sans doute financière. "Le travail a évolué au niveau coureur, au niveau technique et après, il faut suivre. Il y a aussi eu une volonté des coureurs d'être présent. Aujourd'hui, on a plus d'une soixantaine d'équipes qui candidatent pour venir. Au début on avait du mal à tenir un plateau. Maintenant, on n'a plus de souci." Cette année, 150 coureurs issus de 25 équipes (dont 13 équipes continentales) prendront le départ de la 40e édition du Tour de Normandie à Ouistreham. 21 nationalités sont représentées dans le peloton.
Dans les années 90, l'épreuve est devenue un tremplin pour les jeunes coureurs. Les équipes professionnelles ont commencé à y envoyer leurs espoirs pour qu'ils s'aguerrissent. "En 2002, il y avait Filippo Pozzato qui a gagné quatre étapes sur sept et le général a été remporté Jérôme Pineau. C'est tout dit : les coureurs de nioveau étaient déjà sur le terrain", rappelle Arnaud Anquetil. Parmi les jeunes talents révélés par le Tour de Normandie, on pourra également citer Thor Hushovd, vainqueur en 2001. Par la suite, le Norvégien remportera le maillot vert sur la Grande Boucle en 2005 et 2009 avant d'être sacré champion du monde de cyclisme sur route l'année suivante en Australie.
"Ça endurcit un coureur"
Depuis une dizaine d'années, les équipes professionnelles se font un peu plus rares sur les routes de la région. Pour autant, des coureurs confirmés répondent toujours présents. Ainsi, en 2017, c'est le Normand Anthony Delaplace qui est monté sur la première marche du podium. "C'est un des meilleurs souvenirs de ma carrière. C'est une course de classe, 2, la deuxième division chez les professionnels. Mais comme on dit toujours : il n'y a pas de petite victoire", explique le coureur manchois. "Le Tour de Normandie et le Tour de Bretagne, on appelle ces deux courses là les révélateurs de talents et ce n'est pas pour rien. Bon, moi j'avais près de 30 ans quand je l'ai gagné", rigole Anthony Delaplace, "Mais tous les ans, il y a des jeunes de 18-19 ans qui se révèlent sur le Tour de Normandie. Ce n'est pas du tout une petite course. Pour un jeune, c'est un passage obligatoire dans une progression. Une course d'une semaine quand on est néopro ou même encore amateur, c'est ce qui fait progresser, ça endurcit un coureur."
S'ils arrivent jusqu'au bout, à Caen, les coureurs auront parcouru 1152 kilomètres à l'issue des sept étapes (148 km pour la plus courte, 187 pour la plus longue) jalonnant un parcours conçu il y a déjà un bon moment. "On a gardé le tracé d'il y a trois ans, les villes étapes ont continué à nous soutenir", indique Arnaud Anquetil. Outre "voir du pays", les coureurs vont se confronter à une diversité de parcours: du plat mais aussi des côtes difficiles, notamment sur les deuxièmes (Le Neubourg-Forges les Eaux) et troisièmes étapes (Nonancourt-Elbeuf sur Seine) dans l'Eure et la Seine-Maritime. Clin d'œil à cette édition anniversaire, la sixième étape partira et arrivera à Carentan. Les coureurs passeront notamment par les plages du Débarquement et Sainte-Mère-Eglise.
Les sept étapes du Tour de Normandie 2022
- Ouistreham - Vimoutiers : 148 km
- Le Neubourg - Forges-les-Eaux : 187 km
- Nonancourt - Elbeuf-sur-Seine : 181 km
- Gacé - Argentan : 160 km
- Les Monts d'Aunay - Bagnoles-de-l'Orne : 156 km
- Carentan - Carentan : 176 km
- Ducey - Caen : 142 km