Le documentaire "Fixeurs de guerre, les invisibles du reportage" a été présenté au Prix Bayeux qui se tient du 7 au 13 octobre 2024. Un film qui met en avant ces travailleurs de l'ombre en Ukraine. Des civils locaux sans qui les journalistes de guerre ne pourraient couvrir les zones de conflits.

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Avant ce fameux 24 février 2022, Oleksandra Aleksandrenko, que l'on appelle plus communément "Sasha", était professeure d'anglais dans le nord de Kiev, en Ukraine. Sa vie bascule lorsque l’armée russe envahit son pays. Une guerre d’agression comme l’Europe n’en avait pas connu depuis 1945.

Ci-dessous : l'interview de Robin Grassi, coréalisateur du documentaire "Fixeurs de guerre : les invisibles du reportage", lors de son passage à Bayeux.

Fixeur de guerre, une profession méconnue

Alors que de nombreux Ukrainiens vont sur le front et que d'autres fuient les bombardements, Sacha décide de rester sur sa terre natale avec ses trois enfants. Du jour au lendemain, elle devient fixeuse de guerre : un intermédiaire entre la population, les autorités et les médias internationaux.

Cette profession méconnue est pourtant essentielle pour les correspondants de guerre : "En tant que fixeuse, mon travail est de trouver et soumettre des personnages, des personnalités aux journalistes. J'ai de nombreuses connaissances dans différents secteurs. Je suis le lien entre les autorités ukrainiennes et les correspondants. Je dois expliquer les situations, le contexte aux différents protagonistes. J'assure aussi la sécurité des reporters", nous explique Sasha.

Quand la guerre a commencé, l'Ukrainienne âgée de 36 ans ne se voyait pas partir. Elle a fait le choix d'aider les médias :

C’était vraiment important de voir comment les choses se passaient avec mes propres yeux et de permettre aux gens à l’étranger de comprendre ce qu’il se passe dans notre pays.

Sasha

Fixeuse de guerre en Ukraine

Sasha témoigne dans le documentaire Fixeurs de guerre : les invisibles du reportage. C'est le cas de Andrii Kolesnyk et Kyrylo Sirchenko également. Eux aussi travaillent en Ukraine.

Le sixième sens des journalistes de guerre

Tous les trois ont accepté que les journalistes de l’ONG Reporters sans frontières Arnaud Froger et Robin Grassi les suivent dans leur quotidien, dans leur travail : "Reporter de guerre ça parle à tout le monde, le fixeur de guerre est un terme inconnu du grand public. On a voulu parler d'eux, car ils prennent tous les risques. Ils permettent aux journalistes d'aller sur le terrain, mais les journalistes rentrent chez eux à un moment. Les fixeurs eux ont des risques de sévices des militaires sur place, du gouvernement sur leur famille".

Les fixeurs sont des hommes et des femmes, comme Sasha, issus de la société civile. Robin Grassi le souligne : "Ils n'ont jamais fait de journalisme. Beaucoup étaient étudiants, venaient de commencer leur vie professionnelle. Ils se lancent dans cette profession pour que le monde sache ce qu'il se passe chez eux. Ils étaient comme vous, ils vivaient dans un pays où il y avait la paix majoritairement ".

Dans leur documentaire Fixeurs de guerre, les invisibles du reportage, Robin Grassi et son confrère ont choisi de suivre ces hommes et femmes de l'ombre en Ukraine, car c'est une guerre qui a lieu aux portes de la France et qui parle aux jeunes générations. Et surtout, à ce jour, c'est un conflit où les images sont encore trop rares : 

En Ukraine spécifiquement les journalistes ne pourraient pas travailler sans les fixeurs, ils ne pourraient pas aller sur les zones de fronts. Sans eux ni les journalistes, ni vous, ni nous ne pourrions avoir les informations, nous ne pourrions pas voir ces images.

Robin Grassi

Réalisateur du documentaire "Fixeurs de guerre : les invisibles du reportage"

"De véritables héros"

En tournant ce film de 27 minutes, la majeure partie du temps dans les débris qui jonchent le sol ukrainien, les réalisateurs ont voulu rendre hommage à ces civils engagés et tenter de mettre ce métier dans la lumière : "C'est plus important que jamais de visibiliser ces gens dont beaucoup ne connaissent pas l’existence. Ils n'ont aucune reconnaissance. Leur statut n'existe pas, ils n'ont pas d'assurance. Un journaliste blessé a une rédaction derrière lui, des organisations, il a le droit international. Un fixeur de guerre, lui, s'il meurt, c'est juste un civil lambda qui perd la vie et qui ne peut pas justifier de son engagement dans le journalisme", lance Robin Grassi.

Sasha est très fière de contribuer à faire parler de cette profession : "Vous savez, je n’arrive toujours pas à réaliser que je demande à mes enfants, comment a été leur journée à l’école au milieu des bombardements, mais on vit avec. J’ai peur de mourir, mais je reste là, je veux raconter ce qu'il se passe ici".

De son côté, Robin Grassi le martèle à nouveau : "Il faut reconnaître ce métier, ces gens. Les fixeurs de guerre se lèvent tous les matins, ils enchaînent les missions pour nous informer, pour nous raconter la vérité, ce qu'il se passe réellement sur le terrain. Ce qu'ils se passent chez eux, ce sont des locaux ! Et ce sont de véritables héros".

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