Les bars de nuit ont rouvert mais pas les discothèques ? On vous explique pourquoi

La colère gronde chez les propriétaires de boîtes de nuit. Ils pourront rouvrir en septembre alors que les bars de nuit ont déjà repris leur activité. Or, chez eux, on y fait la même chose : boire et danser. S'agit-il d'une incohérence ou d'une décision éclairée ? On vous explique tout ça.

Depuis plusieurs semaines, vous pouvez enfin sortir boire un verre entre amis ou avec vos collègues. Théoriquement, vous ne le pouvez pas mais vous êtes plusieurs à vous déhancher jusqu'à 2 ou 3 heures du matin sur les pistes de danse étroites des bars de nuit. Par contre, impossible de prolonger votre sortie jusqu'au levée du soleil

Car les boîtes de nuit, aussi appelées discothèques, ne pourront rouvrir qu'en septembre si les conditions sanitaires le permettent. C'est ce qu'a annoncé le gouvernement dans la nuit de ce vendredi 19 au samedi 20 juin, suite au Conseil de défense et de sécurité nationale. L'imcompréhension est totale du côté des propriétaires de ces établissements nocturnes. Qu'est-ce qui les différencie des bars de nuit ? Pourquoi ne peuvent-ils pas rouvrir, au même titre que ces lieux où certains dansent à plusieurs malgré les restrictions ?

Tout est une question de catégorisation...

En France, les établissements reçevant du public, les ERP, sont classés en différentes catégories. Il y a la N, celle qui inclut les restaurants, cafés, brasseries, les bars et donc, les bars de nuit. Puis il y a la P, celle qui inclut les salles de danse et les salles de jeux et donc, les boîtes de nuit.

Quand il a publié son décret du 31 mai dernier, l'Etat a choisi d'autoriser la première catégorie, la N, à rouvrir le 2 juin. Par contre, la deuxième catégorie, la P, ne peut pas reprendre son activitée. Maître Jacques-Alexandre Bouboutou, avocat spécialisé en droit public du secteur du CHR, Cafés Hôtels Restaurants, explique :
 

Il y a une négligence de la part du gouvernement d'avoir omis que certains bars oscillent entre les deux situations

Maitre Bouboutou, avocat spécialisé en droit public

Ces bars qui "oscillent entre les deux situations" sont ceux qui ont obtenu des dérogations temporaires de l'Etat pour fermer plus tard que les horaires habituels, c'est-à-dire dans la nuit. A Caen par exemple, l'arrêté préfectoral les autorise à ouvrir jusqu'à 3 heures du matin.

Qui dit fermeture tardive, dit piste de danse pour dépenser son énergie (... et éliminer l'alcool de son sang). Eux sont désormais ouverts au public qui, selon les restrictions gouvernementales, doit rester assis et limiter au maximum ses déplacements en portant un masque. Pourtant, de nombreuses images circulant sur les réseaux sociaux témoignent du non-respect de la distanciation sociale.

"De mon point de vue, cette situation instaure une inégalité de traitement qui parait difficilement justifiable" explique Maitre Bouboutou "dans les faits, ceux qui ont demandé une fermeture tardive, c'est pour permettre aux gens de danser". 

 

La plupart des bars de nuit sont des discothèques maquillées

Jean-Baptiste Jautée, patron d'une discothèque caennaise

 

 

Exclus, les patrons de discothèques se sentent comme "des pestiférés"

C'est un mot qu'emploi Jean-Baptiste Jautée, patron d'une discothèque caennaise, pour décrire la considération de l'Etat à l'égard de son corps de métier. "Des pestiférés".

D'ailleurs, mercredi dernier, le 17 juin, plusieurs patrons de discothèques se sont rassemblé devant la préfecture de la Manche à Saint-Lô. Article à lire en lien ci-dessous.

Ils ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas rouvrir leurs établissements après de nombreux mois de fermeture et le déconfinement progressif de nombreux lieux accueillant du public. Charges, loyers et manque à gagner leur ont fait perdre des centaines de milliers d'euros. Malheureusement, si la réouverture doit attendre la fin des vacances estivales, certains propriétaires vont devoir mettre la clé sous la porte. 

En France, les discothèques emploient 43 000 salariés et environ 100 000 personnes si l'on inclut les employés de sociétés extérieures. Elles réalisent un chiffre d'affaires estimé à un milliard d'euros.

Si le gouvernement refuse de nous laisser rouvrir, nous demandons une compensation financière à auteur de nos dépenses et un maintien du chômage partiel

Jean-Baptiste Jautée, patron d'une discothèque caennaise

Ce mardi 23 juin, une réunion est organisée entre tous les propriétaires de discothèques de Normandie ainsi que des représentants de syndicats. Le but : tout d'abord, faire le bilan total des pertes financières du secteur dans la région. Il s'agira également de discuter de la réponse du gouvernement à leurs revendications... annoncée pour ce lundi 22 juin au plus tard. 

Une quarantaine de député de La République En Marche soutient ces chefs d'entreprises. Christophe Blanchet, député du Calvados, a adressé un courrier au Premier ministre ce mardi 16 juin pour demander la réouverture des discothèques et un plan de sauvetage pour tout le secteur. 

De son côté, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), qui représente les 1500 discothèques françaises, menace d'attaquer cette décision au Conseil d'Etat.

Le gouvernement signe l'arrêt de mort des discothèques

Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, UMIH

Au final, les clients sont-ils plus exposés en boîte de nuit ?

D'un point-de-vue sanitaire, l'ouverture des boîtes de nuit ne serait pas souhaitable selon Olivier Véran, Ministre de la santé. En parallèle, Matignon a annoncé la réouverture ce lundi 22 juin des cinémas, centres de vacances, casinons ou salles de jeux. A partir du 11 juillet, ce sont les stades accueillant un nombre maximal de 5000 spectateurs qui pourront rouvrir. "Les sports collectifs ont pu reprendre" témoigne Jean-Baptiste Jautée, "pourtant, là aussi, il y a du contact entre les personnes". 

L'autre argument des propriétaires de discothèques : l'âge de leurs clients.

La tranche d'âge des personnes qui ont succombé du Covid-19 ne représente même pas 2% de notre clientèle !

Jean-Baptiste Jautée, patron d'une discothèque caennaise

Pourtant, la promiscuité et l'alcoolisation des clients accentuent considérablement les risques de propagation du virus. Problème, ces paramètres pris en compte dans l'interdiction fixée par le gouvernement, existent également lorsqu'il s'agit de bars de nuit.

"L'Etat considère que le risque est moins grand" explique Maitre Bouboutou, "en plus, les bars qui ont la dérogation pour fermer plus tard sont minoritaires". Un argument difficilement acceptable pour les propriétaires de discothèques :
 

Il y a des bars ouverts qui accueillent plus de monde que certaines discothèques qui elles, sont fermées.

Jean-Baptiste Jautée, patron d'une discothèque à Caen

La capacité moyenne d'accueil des discothèques en France est de 400 à 500 personnes. Seulement une quarantaine d'entre elles peut accueillir plus de 1000 clients. 

Pour résumer la problématique, Maitre Bouboutou explique : "Le gouvernement s'est heurté au fait qu'il n'y a pas de catégorie spécifique pour les bars de nuit. S'il avait dû faire une distinction, cela aurait fait émerger un changement dans les classements légaux. Cela aurait pris trop de temps". 

Il va s'en dire qu'il faut maintenir ses efforts pour limiter la propagation du virus : la Normandie vient de passer au rouge concernant la circulation du Covid-19.

 

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