Le méga centre commercial Ikea à Fleury-sur-Orne près de Caen est-il condamné ?

Le maire Marc Lecerf lâche l'affaire. Ce soutien de la première heure estime désormais que ce projet est obsolète. Et ce n'est pas une surprise. L'heure est au déclin des centres commerciaux, et à la revitalisation des centres-villes avec des commerces à taille humaine. 

 

La crise sanitaire a achevé de le convaincre. Marc Lecerf ne veut plus d'Ikea centres, appelé autrefois Inter-Ikea. Deux noms pour un projet dont on parle depuis bientôt une décennie.

Au moment de l'ouverture du magasin de meubles en kit sur sa commune le long du périphériques sud de Caen en 2011, il se réjouissait de l'arrivée prochaine de cette surface commerciale de 30 000 m2 comprenant un hypermarché, 15 moyennes surfaces et 70 magasins. Un lac de deux mètres de profondeur s’étalant sur 3 000 m2 était également prévu à l’entrée du centre commercial. Ce temple de la consommation, pensé comme un espace de shopping et de bien-être par un cabinet d'architectes espagnols était annoncé comme la destination week-end et tablait sur 7 millions de visiteurs par an.
 


Aujourd'hui tout cela ne fait plus rêver le premier magistrat de la commune. "La crise sanitaire a été un élément déclencheur fort explique Marc Lecerf, ça a été l'occasion de nous interroger sur la manière dont nous vivons, dont nous fonctionnons, dont nous consommons. Les choses ont considérablement évolué depuis 10 ans  et il convient d'en tirer les conclusions et de se mettre autour de la table et de penser un nouveau projet pour ce territoire." 
 

Les choses ont considérablement évolué depuis 10 ans  et il convient d'en tirer les conclusions et de se mettre autour de la table

Marc Lecerf, maire de Fleury-sur-Orne

 

 

10 ans de perdu ?

L'absence de soutien de Marc Lecerf peut-il conduire Ikea a changer ses plans ? Pour l'instant Ikea France n'a pas répondu à nos sollicitations et le geant suédois court un marathon juidiciaire depuis 2014.

Ikea a remporté une première victoire en janvier dernier.  Le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande d’annulation du permis de construire porté par l’association "Hastings Saint-Nicolas" pour la qualité de la ville de Caen et le groupement régional des associations de protection de l’environnement. Ikea conserve donc son permis de construire.

Mais un autre recours a été porté par des commerçants caennais et mondevillais. La cour d’appel administrative de Nantes a annulé l’autorisation de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) en lui demandant d'argumenter sa décision de 2014. Mais Ikea Centres s’est pourvu en cassation au sujet de cet arrêt de la Cour d’appel de Nantes. C’est donc le Conseil d’Etat qui est saisi et la décision ne devrait pas tarder à tomber. 
 

Dans cette affaire, je regrette qu'il n'y ait jamais eu de véritable négociation entre Ikea et les élus de Caen et de l’agglomération. Si on avait vraiment réussi à se parler, le projet aurait sans doute été mieux adapté

Marc Lecerf, maire de Fleury-sur-Orne



Si Ikea gagne, rien ne l'empêche de construire son centre commercial en tant que tel. "Mais ne pourrait-il pas être plus modeste ?" renchérit le maire divers-gauche de Fleury-sur-Orne. "Dans cette affaire, je regrette qu'il n'y ait jamais eu de veritable négociation entre Ikea et les élus de Caen et de l'agglomeration. Il y a eu des contacts mais pas plus. Si on avait vraiment réussi à se parler, le projet aurait sans doute été mieux adapté et il n'y aurait pas eu toute ces batailles judiciaires. On a perdu 10 ans !"

 

Marc Lecerf souhaite maintenant un appel à manifestation d'intérêt pour que les entrepreneurs s'intéressent à cette friche qui est la propriété d'Ikea. "Ikea pourrait même devenir le financier dans cette affaire" se met à espèrer le maire de Fleury qui appelle tous les élus de Caen-la-mer à se mettre autour de la table pour repartir de zéro et créer des emplois. Combien ? Avec son centre commercial, le géant suédois affiche fièrement le chiffre de 700 postes créés.

Ikea peut-il s'obstiner ?

Le géant suédois le sait, en 10 ans, l'offre commerciale a été décuplée sur l'agglomération caennaise : l'administration a autorisé l'ouverture de 228 000 m2 de magasin faisant de Caen-la-Mer l'une des agglos les mieux pourvues de France.

Et puis les centres commerciaux n'ont plus la côte et cela ne date pas d'hier. En réalité, cela fait près de dix ans que les 800 et quelques centres commerciaux que l’on compte en France ont entamé un lent déclin. Leur fréquentation est en baisse, ils sont très dépendants des boutiques de vêtements, un secteur en pleine crise aujourd'hui. Ils subissent aussi l’assaut du commerce électronique et le regain des magasins de proximité vers lesquels les Français disent vouloir se tourner de plus en plus.

Est-ce la fin de ces modèles de consommation nés dans les années 70 qui ont toujours vu plus grand et plus ambitieux ? L'abandon il y a un an d'EuropaCity, cet immense complexe commercial et récréatif imaginé par le groupe Auchan au nord de Paris est un signal d'alerte. Tout comme les dernières péripéties concernant Val Tolosa. Le projet de centre commercial au sud de Toulouse qui est dans les cartons depuis 20 ans, a reçu au mois d'octobre un nouvel avis défavorable. 

  

A cela, il faut ajouter le moratoire sur la création de zones commerciales réclamé par bon nombre de parlementaires et d’élus locaux. Et la Convention citoyenne pour le climat qui a remis le sujet sur la table au début de l'été en suggérant « d’interdire toute artificialisation des terres tant que des réhabilitations ou friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles dans l’enveloppe urbaine existante ». Elle propose également de « prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace ».

Une proposition qu’a promis de reprendre Emmanuel Macron dans le projet de loi qui devrait prochainement être présenté afin de concrétiser le travail de la convention citoyenne. 
 
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