Comment le sport aide les victimes de violences sexuelles à retrouver confiance

A Hérouville-Saint-Clair, dans le Calvados, se déroulent des ateliers thérapeutiques de groupe. Des victimes de violences sexuelles ou conjugales participent à des séances d'escrime. Dix rendez-vous dans l'année, très encadrés, pour retrouver confiance en soi. Certaines d'entre-elles ont pu participer également à des ateliers de Kickboxing.

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"Je suis plus confiante dans la vie de tous les jours et franchement, ces ateliers m'aident beaucoup dans ma guérison". Cindy a déjà participé à quatre séances d'escrime thérapeutique. A 39 ans, cette maman, infirmière en Ehpad, tente de se reconstruire après avoir subi des violences sexuelles dans son enfance. Elle a entamé une thérapie depuis sept ans et s'est lancé dans cette démarche avec quelques appréhensions.

"J'était très contente que ca puisse exister. J'ai tout de suite été très emballée parce que j'avais très envie d'avancer. Mon corps posait problème et donc fatalement la tête aussi. Travailler en groupe m'inquiétait aussi. Je laissais beaucoup de distance avec les autres au début des séances d'escrime et finalement les choses ont évolués dans le bon sens", explique Cindy.

Aujourd'hui je suis plus à l'aise, je me sens moins angoissé par l'approche d'une personne dans la pratique du sport mais aussi dans la vie de tous les jours.

Cindy

Une participante aux ateliers thérapeutiques d'escrime.

Ces ateliers thérapeutiques se déroulent dans un endroit tenu secret sur la commune d'Hérouville-Saint-Clair, dans l'agglomération caennaise. La ville met à disposition de l'association  "Stop aux Violences Sexuelles 14 ( SVS-14)", une salle de sport. Dix fois par an, la plateforme calvadosienne y organise ces ateliers où les victimes de violences sexuelles et conjugales apprennent à pratiquer l'escrime, mais aussi et surtout à reprendre confiance en elles. Chaque séance dure quatre heures. Un temps équitablement réparti entre la pratique sportive et des prises de paroles collectives.

Les temps de parole sont fondamentaux, parce que très vite, elles comprennent qu'elles ne sont pas folles, ni seules. Que leurs problématiques sont les mêmes et quand tous le monde prend la parole et dit la même chose, elles comprennent qu'elles ne sont ni seules, ni folles. Le moteur du collectif est important.

Véronique Coutance

Sexologue au CHU de Caen et Présidente de Stop aux Violences Sexuelles 14.

Ces ateliers thérapeutiques sont très cadrés et hyper sécurisés pour que les victimes de violences sexuelles se sentent en sécurité. Au nombre de douze maximum, les participantes sont encadrées par sept personnes, dont deux maîtres d'armes et deux Kinésithérapeutes-Ostéopathes. Chaque atelier a une thématique, le premier d'entre eux, c'est les limites. " On leur explique que la piste d'escrime a des limites, on leur demande d'enfiler la tenue d'escrimeuse pour leur rappeler la limite corporelle, on leur explique les règles du jeu. L'escrime, c'est attaquer et défendre. l'art de la juste limite" précise Véronique Coutance. 

Ces ateliers thérapeutiques nécessitent beaucoup d'engagement chez les participantes. Ils représentent aussi un coût financier pour l'association "Stop aux Violences Sexuelles 14" qui bénéficie de subventions, mais pas suffisamment pour les rendre gratuits. Chaque séance coute 100 euros aux femmes qui s'engagent dans cette thérapie.

Le kickboxing en complément de l'escrime 

Si les ateliers thérapeutiques d'escrime existent dans le Calvados depuis 2019, la ville d'Hérouville-Saint-Clair a expérimenté des ateliers de kickboxing. 

Le kickboxing, ce n'est pas la même approche que l'escrime. Il y a une partie défouloir pour les victimes de violences sexuelles. C'est complémentaire à l'escrime. Le but est bien sur que ces femmes reprennent confiance en elle et extériorisent leurs colères. Ces ateliers se sont très bien passés et on espère les pérenniser dans l'année à venir. On songe même à proposer des ateliers de yoga à la rentrée de septembre.

Sylvie Dumont-Prieux

Conseillère municipale, en charge de l'accès aux droits, du droit des femmes et victimes de violences intrafamiliales

A l'origine de cette initiative Robin Daeder, qui enseigne le kickboxing au sein de la Fédération française et dans son club de Bavent, tout près de Caen. Diplômé en Full Contact, kickboxing et Muai Thai, ce spécialiste du MMA a conçu ce projet d'atelier dans le cadre de la préparation d'un diplôme d'état. 

C'est en étant confronté régulièrement dans son métier aux victimes de violences conjugales ou sexuelles, que ce sportif de haut niveau a eu l'idée de proposer ces ateliers de kickboxing. "L'idée n'est pas de leur apprendre la technique pure de combat. J'a essayé de leur montrer qu'elles étaient capables de faire des choses, de combattre leurs appréhensions", explique Robin Daeder.

On a travailler des techniques de protection, comment mettre les gants pour se protéger le visage quand on reçoit un coup. On a transposé ces gestes dans la vie de tous les jours. Apprendre des ripostes, avoir la bonne posture quand on est face à un agresseur. Ne jamais baisser les yeux, ne pas subir, dans le sport comme dans la vie, c'est primordial. L'objectif, c'est de leur redonner confiance. Si je suis capable de me protéger, je suis capable de me défendre et donc, de ne pas être une victime.

Robin Daeder

Professeur de kickboxing

Cindy, qui participe aux ateliers d'escrime, a également participé aux ateliers de kickboxing. "Comme j'avais pris confiance en moi avec l'escrime, je me suis dit pourquoi pas faire le kickboxing. Je ne regrette pas, on se défoule et on se sent bien après les séances. C'est complémentaire de l'escrime. Robin nous a donné beaucoup de petits trucs, comment réagir ou comment se comporter en cas de situation difficile". Cindy avoue commencer à ressentir les bénéfices de ces ateliers d'escrime et de kickboxing. Elle a plus de certitudes dans son comportement au travail ou en famille. Pas vraiment sportive, elle y trouve aussi un épanouissement physique nouveau, qui lui apporte plus de sérénité. 

Une initiative soutenue par le Comité Régional Olympique et Sportif Normand

Ces ateliers ont reçus le soutien du Comité Régional Olympique et Sportif de Normandie. Le CROSN travaille avec les services de l'Etat pour prévenir et agir contre le harcèlement, les discriminations et toutes les formes de violences dans le sport. En avril 2021, le Comité Régional Olympique, ainsi que les Comités Départementaux ont signés avec le Préfet de Région une charte d'engagement contre les violences sexistes et sexuelles dans le sport.

Le sport en général peut aider ces femmes, victimes de violences. En les faisant sortir de chez elle. Le sport redonne de la capacité physique aux femmes qui ont vécues des violences et qui doivent se reconstruire.

Bénédicte Ouvry

Vice-Présidente du Comité Régional Olympique Normand

"Les violences sexuelles dans le sport existent. Aujourd'hui, la différence, c'est qu'on en parle. La parole se libère. Nous faisons beaucoup de formation envers les dirigeants et les entraineurs sur la bonne conduite à avoir. Il y a des choses qui se faisait avant et qu'aujourd'hui, il vaut mieux ne plus faire. Ne pas partir seul avec un jeune en voiture pour aller au stade ou à la salle ou rester seul dans un vestiaire avec l'entraineur. Il est important que les victimes de violences ou de viols dans les clubs ou associations sportives s'expriment librement. Il y a encore trop de freins", ajoute Bénédicte Ouvry.

Aujourd'hui un enfant sur cinq en Europe est victime de violence sexuelle, la plupart du temps avant leurs 11 ans.

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