Depuis le début du confinement, la Normandie accueille de nombreuses personnes ayant fuit la capitale. Nous avons recueilli le témoignage d'un jeune couple de parents, qui a fait ce choix, en toute sécurité sanitaire. Loin du cliché développé sur les réseaux sociaux.
C'est un peu comme un retour aux sources, mais dans l'urgence.
Maud* a quitté sa Normandie natale il y a quelques années pour travailler sur Paris. Enceinte de son second enfant, elle a pris la décision après mûre réflexion avec son compagnon, de venir se confiner chez sa maman, près de Caen, mercredi.
Au départ, la petite famille avait prévu de rester chez elle, dans son appartement du 19e arrondissement, en s'autorisant une sortie par jour, avant même les consignes renforcées. "On a annulé une sortie le jeudi soir. Le vendredi, pas de square, même s'ils étaient encore ouverts la semaine dernière. Juste une courte promenade avec la petite de 2 ans et demi. En poussette, pour ne qu'elle ne touche à rien. Et depuis lundi, plus rien. On était tous les trois dans l'appartement 24h/24."On a eu peur de ne pas pouvoir partir à l'issue des 14 jours qu'on s'était imposés
L'objectif était d'attendre la période des 14 jours d'isolement, avant de rejoindre la famille en province.
Des consignes sanitaires plus que respectées
Et puis il y a eu la rumeur d'un confinement total sur Paris. "Notre petite pleurait déjà beaucoup de rester enfermée. Et on a eu peur de ne pas pouvoir partir à l'issue des 14 jours qu'on s'était imposés. Mon papa me disait qu'il voulait venir me chercher. "Mais pas question d'aller chez son père. "C'était trop risqué. Il fait de l'hypertension, et sa compagne fait de la tachycardie." Alors elle a pris la direction de la maison de sa mère.
Elle n'a pas loué de voiture, ni été dans un magasin depuis son arrivée. "Ma Maman a fait plein de courses avant notre arrivée, et on est venu avec les restes de notre frigo, donc on n'est pas sorti de chez elle, on n'a croisé personne. On profite juste un peu du jardin car on a la chance qu'il fasse beau." Maud et sa petite famille comptent toujours aller au bout des 14 jours de confinement, il leur en reste 7.Je me sens attaquée, j'ai l'impression de devoir me justifier sur ma citoyenneté et mon empathie.
Sa mère se lave les mains à chaque fois qu'elle rentre du travail. Maud, journaliste santé, va essuyer elle-même avec une lingette la poignée de porte à chaque fois.
Rien à se reprocher donc. Sauf que sur internet, la Normande de naissance sent "une haine" contre les Parisiens. "Je me suis embrouillée avec une blogueuse, chose que je ne fais jamais, car elle traitait d'égoïste tous les parisiens qui quittent la capitale, et viennent contaminer la province. Je me sens attaquée, j'ai l'impression de devoir me justifier sur ma citoyenneté et mon empathie."
Non, elle n'est pas venue en touriste ici.
Elle serait restée à Paris, si elle n'avait pas eu de solution sûre et saine ailleurs.
Ce que la jeune femme a du mal à comprendre, c'est d'être jugée sans savoir, alors qu'elle estime avoir pris le maximum de précaution. Par contre, oui, clairement, elle a vu des comportements et des situations condamnables, comme chacun d'entre nous peut-être.
"Depuis la fenêtre de mon appartement à Paris, je voyais la file d'attente devant la boulangerie, et personne ne respectait la moindre distance de sécurité. Le mardi, il y a un marché alimentaire ; c'était pareil, blindé de monde."
Elle n'est pas la seule à avoir fait le choix de partir. Dans son entourage, certains sont allés à Blois ou encore en Auvergne. Mais "c'est dans des maisons de campagnes, des maisons familiales ; ils n'ont croisé personne."
"On sait qu'on est des privilégiés. On essaie juste de transformer cette situation en quelque chose de plus sympathique, en ayant pris soin de tout contrôler. Et moi ça va me permettre d'avoir une pièce au calme pour me reposer un peu" d'une grossesse qu'elle avait sûrement imaginée un peu moins stressante.
* le prénom a été changé pour respecter son anonymat