Dans le quartier de la Demi Lune, rive droite à Caen : trop c'est trop. Des riverains ont vu arriver sur un parking une vingtaine de caissons où seront logées des personnes en très grande précarité, de 18 à 60 ans. Un "village mobile" qu'on a voulu leur cacher.
"On essaye quoi? De les planquer loin de tout le monde au fond d'une impasse ou de leur proposer un logement, franchement on s'interroge." Les riverains de la rue du Marais, à Caen, quartier rive droite, "au-dessus" de la gare, sont très remontés. Il y a une dizaine de jours, ils ont vu s'installer sous leurs fenêtres un "village mobile" sur un parking abandonné. Des caissons posés sans aménagements préalables et sans les avoir consultés. Et dedans seront logées des personnes en très grande précarité de 18 à 60 ans, avec leur animal domestique.
"On nous a présenté des publics très divers, avec des histoires et des parcours de vie différents. On redoute l'alcool, la drogue, les bagarres, le bruit le jour, et la nuit." Le projet leur a été présenté dans une réunion avec le préfet, vendredi dernier. Une rencontre qui s'est tenue à leur demande. "Sinon, ils nous proposaient rien. Il n'y a même pas de permis de construire affiché."
A cette réunion avec le préfet on nous a parlé d'une population très précaire avec problèmes d'addictions et psychiatriques. C'est un projet indigne pour des gens qui ont un parcours de vie cabossée. On leur propose des caissons sans fenêtre, sans ombre, ni verdure? Et on nous parle d'insertion sociale? Au bout d'une impasse?
Un projet dont on parle depuis longtemps dans le Calvados mais qui est imposé aux voisins, sans information préalable. Plusieurs villages sont en construction : à Caen, Vire et Bayeux.
Cette population en situation de grande marginalité n'est pas que difficile. Je comprends que ce soit inquiétant pour les riverains mais je sais qu'on va y arriver. Notre personnel est investi et connaît parfaitement ce public. Il y a des caméras de surveillance à l'entrée et nous serons 8 professionnels sur place avec un gardien de nuit.
Comme sur la presqu'île, pour les migrants
Ces villages mobiles sont annoncés depuis des années dans le Calvados : le premier à avoir vu jour remonte à février 2015 sur la presqu'île de Caen. Il fonctionne toujours avec l'association 2chosesLune : il y accueille 148 personnes dans 58 bungalows. Mais il est vrai, qu'il n'y a pas vraiment...de voisins.
Cette même association sera chargée de gérer le village de la rue du Marais, avec deux éducateurs et un veilleur de nuit.
Le projet de la presqu'île à Caen avait d'abord tenté un atterrissage dans un champ de la sortie de l'agglomération, à Saint-Contest. 500 riverains s'étaient immédiatement mobilisés à l'automne alors qu'on avait tenté, là aussi, de les mettre au pied du mur. Des élus étaient à leur côté et cela leur a donné du poids : trois mois plus tard le projet était déménagé et les premiers caissons enlevés.
Depuis on sait que d'autres projets sont annoncés et Caen la mer s'était engagée dès 2015 à proposer trois terrains.
Des riverains qui se sentent la fibre "sociale" mais un ghetto sous leur yeux, non !
En dehors des conditions d'accueil qui révoltent ces riverains très engagés dans la mixité sociale, c'est la surconcentration qui est imposée dans leur quartier.
On est nombreux autour de cette rue du Marais à travailler dans le médico-social. On savait très bien en achetant nos maisons ici où on mettait les pieds. Mais là c'est une ghettoïsation. A moins de 200 mètres, il y a déjà un foyer d'urgence qui héberge le même public. La venelle qui dessert l'école et le collège du Sacré Coeur est presque devenue infréquentable. Comment ça va tourner tout ça?
Pour se faire aider, ils ont demandé l'aide d'un avocat spécialisé en droit public : "C'est contre le PLU cette installation."
L'avocat, Maître Thouroude s'apprête à déposer un recours devant le tribunal administratif mais pour cela, il faut que le permis de construire soit d'abord accepté par la mairie puis affiché, ce qui n'est pas la cas.
La demande a été déposée au printemps et les caissons s'installent avant le feu vert officiel : ce sera au tribunal administratif de trancher sur la légalité ou non de ces constructions.
"Moi qui habite de l'autre côté de la rue, j'ai peur pour mon fils qui rentrera tout seul du collège l'année prochaine. Qui va t-il croiser? Des gens en état de manque ?"
Un sentiment d'insécurité qu'ils n'ont même pas envie de laisser naître, alors que l'intolérance n'est pas leur manière de voir. "On en accepte déjà beaucoup dans ce quartier, mais la mixité s'envole." Elle a surtout bon dos.