Le taux d’abstention record lors du 1er tour des législatives révèle la démobilisation des Français pour la vie publique. Pourquoi un tel désintérêt pour les causes communes ? Comment en est-on arrivé là ? Quelles solutions pour en sortir ? À 4 jours du second tour, les citoyens ont la parole.
Le 8 juin dernier les électrices et électeurs de notre premier débat citoyen ont évoqué les sujets qui les préoccupent comme la santé, les transports et la retraite. Dès 17h45, ce mercredi 15 juin 2022 à quatre jours du second tour des élections législatives, la parole est donnée à nouveau à des citoyens pour réagir sur le thème de la réconciliation. L'occasion pour eux de se faire, peut-être, entendre de leur futur député.
Les inégalités s’aggravent, les services publics reculent mais la violence avec laquelle s’exprime la colère est inédite. Avec Internet, les réseaux sociaux, nous sommes très informés et pourtant nous n’arrivons plus à nous parler.
Les taux d'abstention records s'enchaînent d'élections en élections : les Français ne semblent plus s'intéresser à la politique et boudent les urnes. Comment faire pour que l’on arrive à s’écouter, à échanger ? Peut-on se réconcilier et retrouver le sens commun ? C'est sur ces questions-là que réagiront les citoyens invités sur notre émission de débat.
Revoir le "Débat citoyen" du mercredi 15 juin 2022 :
Un débat présenté en direct depuis la place Saint-Sauveur, dans le centre-ville de Caen par Emilie Flahaut.
Ce débat citoyen aborde le thème de la réconciliation. Tout au long de l'émission les neuf invités tenteront de trouver des solutions, ensemble, contre la défiance voire la fracture sociale.
Quelles manifestations de la fracture sociale ?
Parmi les invités : deux étudiants, une directrice de cirque, un retraité, un directeur d'association, une ancienne agricultrice, un médecin généraliste à Honfleur, un sociologue professeur à l'université de Caen et une co-gérante d'entreprise située près du Havre.
Philippe Chanial, sociologue et professeur à l'Université de Caen
"Ces fractures on les retrouve en termes de générations, en termes religieux, en termes de relations entre les hommes et les femmes..."
Anne Jamard, étudiante et coordinatrice d’Oxfam France à Caen
"J'ai grandi à la campagne, j'ai vécu à Paris puis à Caen et je vois qu'il y a des différences. Il n'y a pas forcément un clivage ville/campagne car même à l'intérieur des villes et des campagnes il y a des clivages. C'est plus complexe. Mais on le constate même si je ne l'explique pas, qu'en ville c'est plus de gauche et centre gauche et les campagnes penchent plus vers l'extrême-droite. On sent que le monde rural se sent isolé, perdu, oublié. C'est un sujet qui me tient à cœur c'est pour ça que je milite à Oxfam contre toutes les inégalités."
Maxime Letoupin, étudiant en géographie, ex-président de la FCBN (Fédération campus Basse-Normandie)
"La fracture la plus importante c'est le fait d'être rabaissé à notre âge. On parle de l'avenir, c'est nous et pourtant on n'est pas assez écouté."
Emmanuel Maupu, médecin généraliste à Honfleur
"On constate une augmentation de l’agressivité dans nos cabinets. On a du mal à répondre à la demande de soins de nos patients. On sent que l’agressivité monte. L’hôpital est en crise. Il y a des solutions à apporter mais au jour le jour on est confronté à l’agressivité."
Elise Hauters, co-gérante d'une entreprise de 35 salariés près du Havre
"Il y a une vraie facture aujourd'hui entre le haut et le bas. Aujourd'hui, le citoyen ne se retrouve plus et ne se sent pas écouté par ceux qui les représente. Il y a une scission dans la société qui s'élargit."
Philippe Guérard, retraité handicapé et président d'une association d'usagers de la santé mentale
"Le numérique a pris tellement de place que les gens ne se causent plus. Ils ont l'impression d'avoir mille personnes autour d'eux et en fait ils sont seuls. La relation humaine se limite à un écran, ça n'a pas d'intérêt. Dans un train, on voyage et on a un casque sur les oreilles. On s'éloigne de l'authenticité relationnelle."
Yveline Rapeau, directrice de la plateforme 2 pôles cirque en Normandie avec la Brèche à Cherbourg et le Cirque-Théâtre d’Elbeuf.
"Aujourd'hui force est de constater, qu'en pleine campagne, que ce soient les supports écrits, audiovisuels… On croule sous une glose qui commente. On ne fait que commenter le commentaire du commentaire on ne parle pas de sujets de fonds. Je ne vois pas comment les citoyens peuvent sentir qu’il y a un sujet qui les concerne… Moi aussi je suis prise dans cette tourmente où j’ai l’impression que les politiques sont hors-sol et que les médias jouent le jeu."
Solange Dagoneau, ancienne agricultrice dans le Perche, accompagnée par l'association des Petits Frères des Pauvres.
"C’est pas parti pour que les députés fassent quelque chose. J’ai voté et je voterai dimanche. On n’est plus écouté, on n’a plus confiance mais je vote quand même. J’ai changé de couleur et puis voilà."
Cette défiance est croissante dans la société. Le taux d'abstention était de 50,43% en Normandie lors du premier tour des élections législatives. Cela ne cesse d'augmenter depuis les années 1990. Installés à la table de Monsieur Louis à Caen, place Saint-Sauveur, 100% de ces étudiants en école de commerce ne sont pas allés voter dimanche dernier. "Je ne me suis pas intéressé aux législatives. J’ai autre chose à faire, je ne sais pas, je ne vais pas voter pour rien", indique l'un d'eux. "Je suis inscrite à Caen mais j’étais dans la Manche pour un repas de famille", répond une autre jeune fille.
Le rôle des réseaux sociaux dans cette défiance sociale
Emmanuel Maupu
"On a l'impression de ne plus se sentir représenté par ses élus. Il y a de plus en plus de défiance. Enormément d’informations nous arrivent. Elles sont contradictoires. On a un accès à l’information et à des avis divers et variés par les réseaux sociaux et les gens ne savent plus où est le savoir."
Maxime Letoupin
"Cette méfiance parfois nous même on peut l’avoir. Il faut que chaque personne prenne conscience que les réseaux sociaux ne sont pas la réalité."
Anne Jamard
"Pour nous, en tant qu’association, c’est un biais de mobilisation puissant. Mais en même temps ça accélère encore plus la fragmentation. On est un peu dans une bulle et il faudrait peut-être, à l’école, apprendre à gérer ces réseaux sociaux."
Raymond Penhard
"Les réseaux sociaux, il faut les utiliser pour sensibiliser. Nous avons eu beaucoup de mal à porter la parole des personnes âgées aux politiques."
Les solutions pour mieux vivre ensemble ?
Philippe Chanial
"Nous avons déjà des ressources. On a un appétit d’entrer en relation avec les autres. Il faut sortir du modèle libéral (...) Il faut essayer d’identifier les contextes dans lesquels au lieu de déployer ces formes de solidarité on est contraint d’entrer en concurrence les uns avec les autres."
Yveline Rapeau
"On besoin d’institution. L’école est elle-même hors-sol aujourd’hui. Quand on parle d’utilisation des réseaux sociaux, de conscience politique... Avant on a besoin de compréhension, de vivre ensemble. Quand j’étais petite on était encore de la génération qui avait de l’instruction civique. L’éducation aux médias, l’apprentissage et l’utilisation des réseaux sociaux en classe… Il y a une multitude de choses à faire à l’école à travers les outils numériques. C’est oublié des politiques."
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