En 1386, à Falaise (Calvados), une truie est jetée en prison et est condamnée à la peine maximale pour avoir dévoré un nourrisson. Un procès insolite où l'animal est jugé comme un humain.
Le jour de Noël 1385, une truie renverse un nourrisson à Falaise (Calvados). Elle se met à le dévorer au niveau du bras et du visage. Le nouveau-né ne survit pas à ses blessures. La truie est très vite arrêtée, jetée derrière les barreaux puis envoyée devant le tribunal. Elle est considérée comme responsable de ses actes. Un procès de neuf jours s'ouvre alors à Falaise.
Dans le cadre de la nuit du droit organisée chaque année sous l'égide du Conseil Constitutionnel. l'université de Caen, a mis en place une animation mardi 4 octobre soir sur les procès d'animaux , très présents au Moyen Âge et jusqu'au XVIIIème siècle. Une manière de faire découvrir le droit à la société civile. Maître Philippe Arbouch joue l'official, un juge ecclésiastique nommé par un évêque, dans cette affaire de la truie de Falaise. Sur une scène reconstituée en tribunal, il lance au public : "aussi bien est-il jugé comme s'il était un humain et sera jugé comme un humain !".
La truie habillé avec des vêtements de femme
La truie est donc jugée au même titre qu'un humain. Elle est habillée avec des vêtements de femme. Au Moyen Âge, la plupart des cochons n’avaient pas de propriétaires, erraient dans les rues et les accidents étaient fréquents. Dans un cas tel qu’un infanticide, il n’était pas rare que les animaux fassent l’objet d’un véritable procès au même titre qu'un humain. Et puis, à l’époque, les animaux domestiques sont reconnus comme des « êtres vivants créés par Dieu », dotés d’une âme, capables de distinguer le bien du mal et étant responsables de leurs actes. L'ancien avocat est passionné depuis des années pour ces bizarreries juridiques : "c'est quelque chose que je ne connaissais pas ou que peu de gens connaissent et quand j'ai commencé à ouvrir les premiers livres de procès d'animaux, ça m'a donné envie de continuer, de comprendre pourquoi on en arrivait à les juger" nous explique-t-il.
Lors de ce procès hors du commun, des témoins sont invités à la barre. Pour qu’elle puisse se défendre, on désigne un avocat commis d’office à la truie. Mais la sentence tombe, elle est sans appel :
les mêmes blessures que celles de l’enfant lui ont été infligées, puis on l’a traînée dans les rues de Falaise. Elle a ensuite été pendue puis brûlée"
Maître Philippe Arbouch
Un exemple pour la paix sociale
Pour servir d’exemple, le juge avait demandé aux paysans de venir voir l’exécution de la truie avec leurs cochons : "il y a une volonté d'apaiser la colère du corps social car un méfait a été commis et le meilleur moyen de le faire est de juger en public" explique Sophie Poirey, maître de conférences en histoire du droit à l’université de Caen Normandie. Et il y avait cette idée que les cochons étaient capables de comprendre et qu'ils se comporteraient dorénavant beaucoup mieux pour ne pas subir le sort de la truie.
Selon Maître Brigitte Jusseaume, avocate au barreau de Caen, qui participe à l'animation, faire parler de ce procès est aussi une manière d'interroger sur le sort des animaux dans notre société : "leur droit est ambivalent, on reconnaît de la sensibilité à l'animal mais on le classifie toujours sous le régime des biens. C'est quelque chose qui est antagoniste, qui nous entrave finalement dans notre réflexion pour modifier le droit et appliquer peut-être un nouveau droit à l'animal".
Il ne viendrait bien entendu à l'idée de personne de juger des animaux dans notre société actuelle. En revanche, notre droit contemporain les considère désormais comme des êtres sensibles en France.