La filiale française du groupe Inteva Products vient d'être placée en redressement judiciaire : les 246 salariés de l'usine située à Esson sont "abasourdis". Leur établissement qui fabrique des moteurs électriques pour l'automobile doit trouver un repreneur. C'est une question de survie.
L'onde de choc provoquée par le Covid-19 est parvenue jusqu'à Esson, près de Thury-Harcourt. Alors que l'épidémie cède du terrain, les effets de la récession qu'elle a engendrée commencent tout juste à être palpables. Dans l'usine Inteva, le confinement était pourtant presque oublié. Après un coup d'arrêt brutal, la production avait repris progressivement. "On est à 80 % de ce qu'on faisait avant la crise, indique Philippe Guilbert, le délégué CFTC de l'usine, et on avait bon espoir de retrouver très vite un rythme normal."
Mais toute l'industrie automobile a été ébranlée. La sous-traitance est en souffrance. Les sociétés dont l'équilibre financier était le plus précaires se retrouvent aujourd'hui en faillite. La filiale française d'Inteva Products est déficitaire depuis plusieurs années. Le groupe américain est à cours d'argent et n'a plus les moyens de la renflouer. La société s'est déclarée en cessation de paiement.
Trois usines à vendre
Dans un communiqué, la direction indique explique que "malgré le recours au chômage partiel, et n’ayant pas accès au Prêt Garanti par l’État (PGE) pour cause de fragilité financière, Inteva Products France n’est pas à même de payer ses dépenses courantes ordinaires." Ce mardi 9 juin, l'entreprise, dont le siège français est situé à Sully-sur-Loire, a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce d'Orléans. "Nos principaux clients, Renault, PSA et Volkswagen ont constitué un tour de table pour nous permettre de continuer à travailler le temps du redressement judiciaire, précise le délégué CFTC. Mais Inteva n'est pas en mesure d'investir pour relancer l'activité. Les trois usines sont à vendre"
Bruno Le Maire prêt à étudier le cas d'Inteva Products France en redressement judiciaire
Invité de France Bleu Normandie ce mercredi matin, Bruno Le Maire s'est dit prêt à étudier le cas d'Inteva Products France. L'équipementier automobile, placé en redressement judiciaire, emploie près de 250 personnes dans le Calvados. Le ministre de l'Economie veut essayer de trouver une alternative.
"Je suis inquiet. Je suis à leurs côtés. Mais c'est une situation qu'on a déjà connue", relativise Paul Chandelier. Celui qui préside encore pour quelques semaines la communauté de communes de la Suisse-Normande est élu depuis 1971. Il a assisté à la naissance de l'usine, à son épanouissement. Mais l'industrie automoibile n'en est pas à sa première crise. Il a aussi été le témoin des déboires et des rachats successifs. "L'usine a été créée par des anciens de Moulinex qui faisaient des moteurs électriques. La Compagnie Industrielle de Mécanique a ensuite été reprise par Rockwell. Puis Meritor. Puis Arvin-Meritor", rappelle Paul Chandelier. Après la crise financière des années 2000, l'usine est entrée dans le giron d'Inteva Products en 2011.
"Dans des moments difficiles comme celui-ci, il faut montrer qu'il y a des habitants et des collectivités soudées autour de l'usine. En 1996, on a été capable de leur livrer de nouveaux bâtiments en l'espace de trois mois, se souvient le président de la communauté de communes. Les élus locaux ont écrit une lettre de soutien au personnel et à la direction.
Ce n'est pas seulement une entreprise qui donne du travail et qui paie des taxes sur une zone industrielle quelconque. Il faut que l'entreprise sente qu'on est avec elle, qu'elle fait partie intégrante du territoire. C'est la vie de notre pays. Paul Chandelier, président de la communauté de communes de la Suisse-Normande.
Une usine moderne où "les gens travaillent dur"
À Esson, Inteva Products fabrique les moteurs électriques qui permettent d'actionner les vitres des voitures. Ses principaux clients sont Renault, PSA, Volkswagen, Hyundai et Tesla. L'établissement abrite aussi un centre de Recherche et Développement. Une bonne cinquantaine d'ingénieurs y mettent au point les nouveaux produits. "C'est la filiale française qui supporte les coûts salariaux du développement. C'est pour cela qu'on enregistre des pertes. Mais les innovations profitent à toutes les usines du groupe, explique Philippe Guilbert. Et avec les profits générés, on réinjecte de l'argent en France pour équilibrer. Dans un monde normal, ce fonctionnement a du sens. Mais on n'est pas dans un monde normal".
Hutchinson, filiale de Total, va supprimer un millier d'emplois en France
Acteur historique de l'industrie du caoutchouc, le groupe Hutchinson est frappé de plein fouet par la crise économique. L'entreprise a confirmé, vendredi 5 juin, qu'elle prévoyait un plan de départs volontaires d'environ un millier de salariés, sur un effectif de 8 000 personnes en France.
"Le site d'Esson est sans doute à même de pouvoir s'en sortir, veut croire Paul Chandelier. L'outil est moderne. Les gens sont compétents. Et depuis toujours, c'est une usine où les gens travaillent dur". Qui sera le repreneur ? Combien de salariés conserveront leur travail ? Nul ne le sait encore. "Mais on a des chaînes robotisées modernes, ajoute le délégué syndical. La dernière ligne qui a été installée pour livrer Renault est encore en cours de mise au point." Le tribunal de commerce d'Orléans accorde un délai de trois mois renouvelable pour permettre l;e rachat des trois usines d'Inteva Products en France. "Maintenant, malgré les incertitudes, il faut se remotiver et produire des moteurs pour donner une bonne image. Il faut qu'on se donne toutes les chances".