Le kebab Magic Beau Gosse cité par Orelsan, une histoire de famille et d'amour de la broche

Il était déjà une référence du kebab à Caen, mais depuis qu'il figure dans les paroles du rappeur normand Orelsan, il est devenu une institution. Esmaeil, fondateur du Magic Beau Gosse nous a ouvert ses portes et revient sur son histoire.

"Merci Beau gosse !", "Avec plaisir. Vous revenez quand vous voulez !" C'est devenu l'emblème du restaurant : un surnom affectueux donné à tous les clients qui passent manger un kebab en face de la Tour Leroy. La promesse d'un moment chaleureux que son fondateur, Esmaeil, a eu à cœur d'instaurer dès le début. "On ne connaît pas les prénoms des clients alors j'ai commencé à appeler tout le monde comme ça", s'amuse-t-il.

Aujourd'hui, le nom "Magic Beau gosse" résonne bien au-delà des fortifications caennaises, partout en France, et ce, notamment grâce aux paroles du rappeur normand Orelsan, issues de son dernier album Civilisation, sorti le 19 novembre dernier

"Ah bah c’est du propre (C’est du propre) Cinq heures du mat’ sur le port, un dernier shot (Dernier shot) C’est pour ma ville, sauce magic beau gosse (Sauce magic, sauce magic)"

Orelsan

"Du propre", album "Civilisation", sorti le 19 novembre

Pour Esmaeil, sa femme et ses trois fils, qui connaissent Orelsan et Ablaye depuis l'enfance, c'est une belle preuve de reconnaissance. "Après vingt-deux ans, il nous donne de la force, c'est génial", se réjouit Ahmad, le fils. Derrière ces paroles, il y a aussi l'histoire d'une entreprise familiale qui n'a jamais cessé de faire équipe pour vivre de sa passion de la cuisine.

En famille

En réalité, leur aventure caennaise commence à un kilomètre de là, rue d'Auge, près de la gare. A l'époque, l'ensemble de la famille, d'origine iranienne, arrive tout droit d'Alençon, où elle a habité pendant deux ans, après avoir obtenu son statut de réfugié politique. Deux années durant lesquelles Esmaeil enchaîne les petits boulots sur Paris et fait les allers-retours tous les jours entre la capitale et la Normandie.

Deux ans plus tard, en 2000, alors qu'Esmaeil ne trouve pas d'emploi à Alençon, la famille décide de déménager à Caen, avec une idée en tête : ouvrir un restaurant. Quelques coups de pinceau plus tard, La Panthère rose voit le jour, rue d'Auge, en hommage à la couleur donnée aux murs. Ahmad, son fils, se rappelle. 

"Mon père avait de la peinture blanche et de la peinture rouge, alors il a mélangé le tout pour peindre les murs en rose."

Ahmad, gérant du Magic Beau Gosse et fils d'Esmaeil

à France 3 Normandie

Au départ, les journées sont longues et fatigantes. "Un jour, je me suis même endormi au travail, pendant les heures creuses, tellement j'étais épuisé", se remémore son père.

Debouts dès 9 heures et parfois jusqu'à 3, voire 4 heures du matin, Esmaeil et sa femme travaillent d'arrache-pied pour faire marcher leur affaire. Heureusement, ils sont épaulés par leurs trois fils, Ali, Ahmad et Hamid, qui mettent vite la main à la pâte.

"Tous les samedis, Ahmad m'aidait à préparer le pain pour la semaine."

Esmaeil, fondateur du Magic Beau Gosse

à France 3 Normandie

Après s'être fait un petit nom près de la gare, ils déménagent en face de la Tour Leroy, en 2005, pour se rapprocher du centre-ville. Mais là-bas, la concurrence est rude. La famille doit se faire une place au milieu de grands noms du kebab caennais, implantés depuis des années, telle que la Corne d'Or.

"A l'époque il n'y avait pas les réseaux sociaux alors pour se faire de la publicité et prévenir les gens qui nous connaissaient de notre déménagement, ça a été compliqué", raconte Ahmad. 

La référence des fêtards

"Au départ, les marges étaient minces, alors on a commencé à amplifier nos horaires d'ouverture", se rappelle Ahmad. Très vite, le Magic Beau Gosse s'impose ainsi comme un lieu privilégié pour les étudiants caennais, qui cherchent à manger, au beau milieu de la nuit. 

On en revient d'ailleurs aux paroles d'Orelsan, qui, dans Du Propre, rend hommage à la ville de Caen. Sa chanson est comme l'illustration de ces soirées arrosées qui se terminent "sur le port" de Caen, à quelques mètres donc du kebab qui, lui, reste ouvert tard la nuit.

"Ce qu'on voulait, c'était proposer un repas de qualité, même aux jeunes un peu bourrés qui rentrent de soirée."

Ahmad, gérant du Magic Beau Gosse et fils d'Esmaeil

à France 3 Normandie

Pour lui, il est important de montrer que kebab ne veut pas forcément dire malsain ou mauvais pour la santé, surtout "lorsqu'on fait attention aux produits qu'on met dedans"

Le pari du fait-maison

Car s'il y a bien une chose qui fait l'essence du Magic Beau Gosse, c'est ça : les produits frais et le fait maison. C'est la spécificité de la famille depuis qu'ils ont commencé à La Panthère rose et, à leur arrivée en face de la tour Leroy, ils entendent bien continuer sur cette lancée.

Le kebab qu'ils proposent se présente comme un "mix de cultures" et de saveurs, inspirées de la cuisine iranienne. La viande, la sauce... Tout est fait maison ; même les frites, qui proviennent d'une ferme de la région.

Au fur et à mesure, le kebab grandit, le succès s'installe et les mythes se créent. Il y a d'abord celui de la fameuse sauce magique, citée dans l'album du rappeur normand. Un mélange de sauce samouraï et de sauce blanche, préparé "avec amour" et dont seul le chef, Esmaeil, a le secret.

Puis vient l'idée du pain pita en forme de cône, un visuel propre à la maison, qui se différencie des pains en forme de briques rectangulaires style tacos qu'on voit d'habitude. "Toutes ces idées, je les ai eues au fil des années, et elles ont toutes contribué à l'histoire du restaurant", explique Esmaeil. 

Initialement appelé les "Délices de la Tour Leroy", le restaurant devient le "Magic Beau Gosse", en hommage au surnom et à la sauce qui ont fait son succès. 

De l'amour du métier à la reconnaissance

Pour des raisons financières, la famille a parfois pensé à passer à l'industriel, mais à chaque fois, Esmaeil a refusé. Pour lui, il était essentiel qu'ils continuent à faire leur cuisine avec passion.

"Dans un métier, il est important qu'il y ait de l'amour. Il fallait qu'on continue à préparer et à cuisiner avec amour."

Esmaeil, fondateur du Magic Beau Gosse

à France 3 Normandie

Alors qu'ils avaient toujours tout fait entre eux, en famille, Esmaeil et ses fils décident de prendre du renfort et d'embaucher des salariés à partir de 2013. Tous sont issus de l'immigration : une manière pour eux de faire un clin d'œil à leur expérience passée et d'aider ces personnes en recherche d'emploi à obtenir leurs papiers.

Puis, aux alentours de 2017-2018, la famille se constitue en société SARL (Société à responsabilité limitée). "Mon père, ma mère, Ali, Hamid et moi. Nous sommes tous salariés de l'entreprise", explique Ahmad.

Aujourd'hui, Esmaeil se dit fier de la reconnaissance qu'ils ont obtenu. "Tout l'amour qu'on reçoit, les messages de soutien, c'est mieux que l'argent. C'est précisément pour cette raison que je peux affirmer aujourd'hui que j'ai réussi."

Eloigné de la broche depuis quelques années, Esmaeil reste le visage du Magic Beau Gosse et ne se tient jamais trop loin du restaurant. Sa tête, issue d'une photographie prise en Iran, dans son pays natal, trône d'ailleurs sur la devanture du restaurant depuis qu'ils ont changé le logo, en 2018.

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