Rappeur, écrivain mais aussi acteur, Gringe repart en tournée pour présenter son deuxième album solo "Hypersensible". Samedi, il a fait une escale, forcément unique et sentimentale, au Cargö de Caen, où il a débuté avec son acolyte, Orelsan, venu jouer l'invité surprise.
Sur scène, une capsule lumineuse, propice à la confidence, scintille. Gringe nous invite à entrer dans sa bulle "Mes chers caennais, bienvenus à cette réunion d'hypersensibles anonymes", prévient-il, d'entrée de jeu.
Son voyage oscille entre quête de soi et quête de sens, avec des titres engagés, comme "Du Plomb" sur les violences policières, "Effet de surplomb" ou encore "Fake ID", qui fustige les apparences.
"Parce qu'en haut c'est fake et toi, t'es lame. Les élites savent comment faire semblant. À fond dans l'entre-soi, tout est insane"
C'est un petit pamphlet. Je parle de l'entre-soi, d'acteurs un peu snobs, de rappeurs génériques et de créateurs, vides de contenus. C'est un peu un des symptômes de l'époque. L'idée de "Fake ID", c'est donc de me dire comment garder mes valeurs, ma sensibilité, sans me faire corrompre dans ce milieu pas facile
Gringe, auteur de l'album "Hypersensible"
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Une écriture ciselée, à fleur de peau
Six ans après "Enfant lune", Gringe renoue avec la scène, avec un album, à l'écriture soigneusement ciselée, tel un diamant brut, aux multiples facettes.
Car s'y reflète l'âme d'un auteur, qui déroule en trois actes ses thèmes de prédilection, la société, la famille, l'amour et la santé mentale. Gringe avait d'ailleurs consacré son premier livre à la schizophrénie de son petit frère, co-écrit en 2020 et intitulé "Ensemble, on aboie en silence" (Harper Collins).
Cette première expérience littéraire, comme son jeu en fiction, au cinéma ou à la télé, avec des séries, diffusées sur Arte comme "De Grâce" ou " Citoyens clandestins", lui ont permis d'affiner sa plume.
Je me suis pris la tête sur le choix des mots, sur la précision des images. J'essaie toujours de connecter l'écriture à l'émotion. Moi le premier quand j'écris, il faut que je ressente le frisson.
Gringe, auteur d'"hypersensible"
Avec sa casquette d'écrivain, d'acteur et de rappeur, il joue à chaque fois collectif. Pour "Hypersensible", il s'est entouré de Tigri, un jeune producteur, diplômé du prestigieux Berklee College et de DJ Pone, déjà présent avec les "Casseurs flowters", le groupe formé avec Orelsan. Lui aussi d’ailleurs est invité dans le titre Feelings.
Il amorce la dernière partie de l'album avec "Pensées positives", un interlude confié à sa maman qui lui murmure "La lumière jaillit du plus profond de nos êtres quand on s'y attend le moins."
Un concert intimiste, teinté de surprises
Sur scène, Gringe réunit donc tous ses compagnons de jeu. Et très vite, la capsule lumineuse explose, dynamitée par les rythmes électros de l'excellent DJ Pone.
Tous les musiciens, d'ailleurs, batteur, pianiste, DJ, brillent avec leurs solos, pour donner un supplément d'âme et susciter l'émotion.
"C'est incroyable, confie Janice, 11 ans. J'ai tout aimé le son, les lumières", s'exclame la jeune fille, aux yeux encore pétillants. Sa maman, elle, mesure sa chance de pouvoir assister "à un concert au Cargö. C'est intime, rien à voir avec les grandes salles".
Cette scène, chargée de souvenirs, l'a vu grandir et évoluer. En solo, ou à l'époque du groupe "Casseurs Flowters", avec son acolyte. Jamais bien loin.
En coulisses, toute la bande est là ou presque. Orelsan bien sûr, Ablaye, l'ami producteur et manager, qui prend soin, depuis quinze ans, de la voix de ses protégés à coup de grogs "gingembre, miel, citron et menthe fraîche".
Le public s'écrie, reconnaissant le timbre du rappeur, aux multiples victoires, entonner son couplet "C'est pas les robots qui vont nous tuer, c'est notre putain d'ego.Tout l'monde finira par mourir, les figurants comme les héros ".
Gringe, c'est un mec hilarant. Il me fait trop rire. Ce n'est pas la première chose à laquelle on pense quand on écoute son album. Il a toute cette part artistique, à fleur de peau, hypersensible. Un côté poétique ultra poussé, où à la première écoute, tu ne vas pas forcément comprendre tout le texte et en te penchant dessus , tu le découvres, il faut creuser et c'est ça qui est intéressant, c'est un personnage multifacette.
Orelsan
Un medley du concert de Gringe, au Cargö, à Caen, le 30 novembre, avec sa bande, Sidney, DJ Pone et Orelsan.
Equipe : Pauline Latrouitte, Camille Perriaud, Clotilde Moschetti et Xavier Gérard
En une heure trente, Gringe, l'hypersensible, a fait chavirer le Cargö. Alexis, admirateur de la première heure, reconnaît que "c'est son meilleur concert, avec plein d'émotions et des frissons". "C'est que de l'amour", rechérit sa compagne, "Merci Gringe, merci".
Dans "Feeling", Gringe se demande "Et toujours pas d'réponse à la question : "Pourquoi j'écris ?". Peut-être que cette chaleur humaine, ressentie depuis le début de la tournée, laisse entrevoir un début de réponse.
Pourquoi j'écris ? Oui, j'ai des amorces de réponses, comme le partage avec le public, cette communion pendant le concert et de voir comment les textes peuvent les accompagner. Et puis dans ce morceau, "feeling", je parle de la situation politique et sociale du pays, je dis que mon coeur est gazaoui. Quand on est artiste, on a cette responsabilité là, je trouve, d'augmenter le son du haut parleur. Cela donne du sens à la démarche
Gringe
L'amour et l'amitié restent son carburant et puisqu'il est fidèle, Gringe a promis de revenir cet été au Festival de Beauregard, à la maison.
Prochaines dates de tournée : La Cigale le 5 décembre, le 6 mai à L'Olympia et au Festival de Beauregard en juillet. Toutes les dates ici.