LINportant : une coopérative normande relève le défi du Made in France avec ses tee-shirts en lin bio

La société lancée l'année dernière grâce à un financement participatif a reçu une première machine à découper. Les tricoteuses sont attendues cet été. LINportant veut faire renaître un métier qui avait été presque entièrement délocalisé : "la France ne sait plus travailler le lin"

Le lin s'épanouit en Normandie. La région est même le leader mondial de la production de lin fibre qui fournit l'industrie du textile. Étrangement, les Normands n'exploitent pas cette matière première. Les filatures sont à l'étranger, et les derniers fabricants de jersey de lin sont dans l'Est de la France, ou dans la vallée du Rhône...

"Je suis tombé amoureux de la Normandie et de ses champs de lin aux fleurs bleues en 2009. Je travaille dans le secteur de la mode éthique depuis 20 ans, et j’ai envie de valoriser la production de cette fibre 100% naturelle", expliquait Paul Boyer, l'un des fondateurs rencontré l'année dernière à la naissance de LINportant.

La coopérative basée à Evrecy dans le Calvados s'est donné pour mission de fabriquer des tee-shirts en lin bio, si possible normands. L'idée est dans l'air du temps. D'ailleurs, le succès de la campagne de financement participatif lancée pendant le premier confinement a dépassé toutes les espérances. "Nous avons été soutenus par 3575 contributeurs", explique Morgane Ermeneux, la responsable commerciale de LINportant.

En contrepartie d'un apport d'argent, la coopérative s'était engagée à fournir des tee-shirts. À la fin de la campagne, elle s'est retrouvée avec une commande de 8139 pièces à honorer. "On n'avait pas mesuré qu'il serait si difficile de faire fabriquer 8000 tee-shirts", reconnaît Morgane Ermeneux.

 

"En France, dans la confection, plus personne ne sait travailler le lin"

 

LINportant a bien trouvé des fournisseurs capables de livrer le fil et la maille de lin. Pour assembler les tee-shirts, c'est une autre histoire.... "C'est un tissu très technique qui demande une compétence particulière. On en est au quatrième atelier qui nous abandonne... En France, dans la confection, plus personne ne sait travailler le lin."

Les contributeurs ont souvent dû se montrer patient avant de recevoir le tee-shirt qui leur était promis. "C'est ennuyeux, car personne ne comprend les retards de livraison ni ne soupçonne les difficultés liées à la production. Les gens qui commandent sur internet ont l'habitude de recevoir le produit dans les trois jours", déplore Morgane Ermeneux.

Ils arrivent dans vos boîtes pour notre plus grand plaisir !!! ? Merci encore pour votre patience et votre bienveillance ! #jaimemonTSLINportant Ulule

Publiée par LINportant sur Jeudi 26 novembre 2020

Paradoxalement, les retards de production ont renforcé les convictions des fondateurs de la coopérative. La pandémie a aussi souligné combien l'industrie française était dépendante des sous-traitants étrangers. Aujourd'hui, toute la confection du lin est réalisée à l'étranger. 

 

Il est urgent de se réapproprier cette industrie. Demain, si la Chine craque, nous seront tous démunis.

Morgane Ermeneux, responsable commercial de LINportant

 

D'ici quelques semaines, la coopérative sera en mesure de fabriquer elle-même tous ses tee-shirts dans l'atelier d'Evrecy. Une machine à découper ultra-moderne est déjà opérationelle. Des tricoteuses fabriquées sur mesure seront livrées dans le courant de l'été. Cinq personnes sont actuellement employées à temps plein. L'effectif sera porté à douze salariés au mois de septembre pour faire face à la demande.

 

LINportant doit faire face à un autre imprévu de taille : le succès.

 

Quand la coopérative a été lancée, l'objectif, déjà ambitieux, prévoyait une fabrication annuelle de 100 000 pièces au bout de trois ans. "Nous avons déjà une demande pour 300 000 pièces, annonce Myriam Conzett qui préside la coopérative d'intérêt collectif LINportant. Donc nous sommes déjà en train de revoir la dimension du projet. Il nous faudra aussi davantage de produits, davantage de modèles, davantage de couleurs".

Des marques de prêts-à-porter "veulent proposer des produits sains et bons pour l'environnement". Cela ne nuit pas à leur image et la clientèle le réclame, mais à l'autre bout de la chaîne, ça patine. Le lin bio n'est pas produit en quantité suffisante pour répondre à la demande. 97 % du lin français est encore cultivé en conventionnel.

Merci Mathieu Grenier, de la ferme familiale Les Prés d'Artemare. Ferme de polyculture et d'élevage de vaches laitières...

Publiée par LINportant sur Vendredi 11 décembre 2020

Quelques producteurs ont entrepris de convertir leur exploitation, mais la période transitoire dure trois ans. "D'ici 2022, 1000 hectares seront convertis en bio, dont 500 en Normandie", annonce LINportant. Le directeur de la coopérative n'avait pas sous-estimé cette difficulté. L'année dernière, Paul Boyer mesurait combien il lui faudait se montrer persuasif : "pour inciter les producteurs liniers normands à prendre le risque d’une transition alors que la filière conventionnelle marche bien, il faudra qu’on leur montre que les débouchés sont bien présents". 

LINportant devra peut-être fabriquer une partie de ses tee-shirts en lin conventionnel, au moins le temps que dure la conversion en bio. "On veut rassembler la filière. On est tous dans le même bateau", martèle la coopérative. Aux dernières nouvelles, la filature du nord de la France qui fournit la coopérative normande songerait à rapatrier la production de Pologne pour faire face à l'explosion de la demande. Quelle aventure !

 

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