Comme chaque année depuis 2002, le 25 mai est la journée internationale des enfants disparus, une journée pour se souvenir mais aussi tenter de remobiliser autour d'affaires non résolues, comme celle de Mathis, enlevé par son père à Caen en 2011.
C'est un chiffre qui fait froid dans le dos. En France, un enfant disparaît toutes les 10 minutes, selons les statistiques du ministère de l'Intérieur. Plus de 51 000 disparitions ont été recensées sur l'année 2019. Pour une écrasante majorité d'entre elles, il s'agit de fugues. Mais l'an dernier, 918 disparitions inquiétantes et 523 enlèvements parentaux ont été repertoriés. C'est ce qui est arrivé à Mathis voilà bientôt neuf ans. Le petit garçon, alors âgé de huit ans et résidant à Caen avec sa maman, n'a toujours pas été retrouvé. Ce lundi 25 mai, son portrait "vieilli" est mis en avant sur les réseaux sociaux par la police nationale.
[#AppelàTémoins] Mathis JOUANNEAU a disparu en 2011, à l’âge de 8 ans. Son portrait a été vieilli pour permettre de l’identifier.
— Police nationale (@PoliceNationale) May 25, 2020
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Sur le portrait diffusé ce lundi 25 mai par la police nationale, Mathis a 16 ans. Ce visage, Nathalie Barré, sa maman, ne l'a vu qu'en photo. En septembre 2011, le père de l'enfant, Sylvain Jouanneau, profitait de son droit de visite et d'hébergement obtenu après le divorce pour enlever le petit garçon alors âgé de huit ans. L'homme sera retouvé trois mois plus tard, dans le Vaucluse. Il est seul. Il ne révèlera jamais ce qu'il est advenu de l'enfant. Durant son procès, il ne cessera de clamer que son fils est toujours vivant. Il est condamné en juin 2015 par la cour d'assises du Calvados à 20 ans de réclusion pour enlèvement et séquestration d'enfant.
Pour Nathalie Barré, ce procès n'a constitué qu'une étape. Surement pas le point final de l'histoire. "Moi, je continuerai mon combat pour retrouver mon petit garçon. Je peux dire maintenant que j'ai tourné la page avec Monsieur Jouanneau: je ne consacrerai ma vie qu'à retrouver mon petit garçon", déclarait-elle à l'issue du verdict. Comité de soutien, site internet, pétitition, campagne d'affichage, la mère de Mathis se bat sans relache pour le retrouver.
Un mois après le procès, elle diffuse, par ses propres moyens, un premier portrait de son fils "vieilli" réalisé par National center for missing and exploited children, une association américaine travaillant avec le FBI. Une seconde version voit le jour l'an dernier. C'est celle-ci qui est diffusée ce lundi par la police nationale. "Ce n'est que du positif, quand le capitaine de police judiciaire m'a appelée pour m'informer de cette mise en avant j'ai trouvé ça super bien", indique, d'abord, Nathalie Barré.
Pour la maman de Mathis, comme pour pour d'autres parents d'enfants disparus, cette journée internationale fait naître en elle des sentiments contradictoires. Elle ravive les plaies tout en apportant de l'espoir. "Ce que j'espère de ces journées, c'est que la mise en avant (ndlr : des appels à témoins) puisse permettre d'avoir un témoignage, pour Mathis et pour les autres." Mais cette année, cette journée particulière ne l'est pas autant que d'habitude. "Normalement, plusieurs actions sont organisées à Paris mais avec le Covid 19, on ne peut pas y aller." Un sentiment de déception, renforcé, paradoxalement, par la diffusion du portrait de son fils ce lundi 25 mai 2020.
"Des demi-mesures"
"On attendait ça depuis longtemps", rappelle l'avocate de Nathalie Barré, Aline Lebret, "Mais ce ne sont que des demi-mesures. On n'a pas été contacté bien en amont pour qu'on puisse s'organiser, activer nos réseaux."Le premier portrait date de juillet 2015. Il aura fallu attendre cinq ans. Et se contenter d'une diffusion sur les réseaux sociaux. Bien loin de ce qu'espéraient la maman de Mathis et son avocate. "Quand on a reçu le premier portrait, on a compris qu'il devait y avoir un appel national. Il n'y a pas eu de diligence de la part de la Justice. On nous a dit : puisque vous le faites, on ne le fera pas", raconte Aline Lebret. "J'estimais qu'il fallait que le procureur fasse une conférence de presse pour diffuser plus largement ce portrait, sur les grands médias nationaux. Je voulais quelque chose d'officiel qui aurait percuté les gens", confie Nathalie Barré.
Et son avocate de rappeler que le véhicule de Sylvain Jouanneau avait été retrouvé "dans le sud-ouest" et le père de l'enfant dans le Vaucluse. "On n'a pas fait grand chose pour que cet appel dépasse les frontières locales."
Pour les deux femmes, la diffusion de ce portrait "vieilli" de Mathis est symptomatique des rapports qu'elles entretiennent avec la justice dans cette histoire. Comme pour l'appel à témoins, "il s'écoule plusieurs années avant que les actes ordonnés suite à mes demandes soient exécutés", regrette Maître Aline Lebret, selon qui une rupture s'est opérée à la fin du procès de Sylvain Jouanneau.
On a l'impression qu'on embête la justice lorsqu'on fait des demandes auprès d'eux, on a l'impression de déranger, c'est comme si on leur demandait de travailler sur un dossier que la justice considérait comme clos. Ce qui n'est pas admissible.
A l'automne dernier, Nathalie Barré et son avocate ont décidé d'attaquer la Justice en justice. "Nous préparons une assignation pour engager la responsabilité de l'Etat. Beaucoup de choses m'interrogent quant à l'efficacité de la justice dans ce dossier."
Aline Lebret évoque notamment la disparition de scellés et de pièces à conviction, comme le camping-car qu'a utilisé Sylvain Jouanneau dans sa fuite et qui a finalement été vendu aux enchères. Si l'Etat est un jour condamné, Nathalie Barré sera indemnisée. Mais ce n'est pas l'objet de sa démarche.
"Je veux avant tout des réponses à mes questions. Pourquoi ces dysfonctionnements ?", indique la mère de Mathis, avant de préciser "je parle de la Justice, pas de la police judiciaire."
Car selon Aline Lebret, "les enquêteurs sont aussi en attente d'impulsion de le Justice. Ça n'a pas de sens d'attendre, de fermer des portes alors qu'il n'y a pas de pistes. Notre objetcif, c'est d'appuyer cette enquête et de la faire avancer."
Le 116 000, un numéro d'urgence gratuit pour soutenir les familles
Les deux appels à témoins diffusés ce lundi 25 mai par la police nationale sont accompagnés d'un numéro vert, le 0800 358 335. La journée internationale des enfants disparus est également l'occasion de braquer les projecteurs sur un autre numéro, le 116 000, un numéro d'urgence gratuit accessible 24 h/ 24 et 7 j/7 coordonné par la fondation Droit d'enfance. A l'autre bout du fil, des équipes chargés d'apporter un accompagnement psychologique, social, administratif et juridique aux familles d'enfants disparus.Cette structure effectue également un travail de prévention. Le 116 000 peut être contacté en cas de conflits familiaux. Des conseils sont dispensés pour éviter les risques de fugue. Elle a publié en 2014 un livret à destination des enfants pour prévenir les enlèvements criminels. L'an dernier, elle a géré un peu plus de 1200 dossiers. L'épidémie de coronavirus et le confinement qui en découlé n'ont en rie ralenti son activité. Récemment, sur Twitter, le 116 000 rapprotait que ses opérateurs avaient constaté "une augmentation des cas d'enlèvements internationaux d'enfants en raison de l'apparition du covid19", favorisée par un ralentissement des procédures judiciaires et la fermeture des frontières.