Un peu de répit pour le professeur de l'Université de Caen, Gilles-Eric Séralini. Deux enquêtes journalistiques démontrent la proximité de certains de ses détracteurs avec le fabricant du Roundup. Un français et un américain au coeur des" Monsanto Papers", des documents venus des USA.
Les Monsanto papers , une expression qui désigne les 250 pages de documents internes à la firme, des documents déclassifiés par la justice américaine en 2017 alors que de nombreux procès sont en cours, de l'autre côté de l'Atlantique, pour faire reconnaître la toxicité du Round up.
Et si G.E Seralini ne s'était pas trompé ?
Ces pages sont publiques depuis presque deux ans. Il a fallu du temps pour les décrypter, les lire, les analyser. Mais on y est, le moment des publications est arrivé.Et simultanément, cette semaine, apparaissent deux informations de taille visant à rétablir la vérité sur le professeur Gilles-Eric Séralini présenté comme un polichinelle de la recherche par de nombreux scientifiques, depuis la publication en 2012 de son étude sur le maïs transgénique NK603 et sa résistance au glyphosate. Tout le monde se souvient des rats aux grosses tumeurs et de l'intensité de la tempête médiatique qui a suivie autour de cette étude publiée, puis dépubliée dans la revue américaine Food and Chemical Toxicology. L'équipe du professeur Séralini est caennaise, l'étude a été menée pendant deux ans, à Caen, dans le plus grand secret.
Acte I : Le Parisien retrouve en France un complice de Monsanto contre Séralini
Le journal publie ( article à lire ci-dessous) un document révélateur des Monsanto Papers : on y découvre un certain F.G qui travaille pour le CEA, le commissariat à l'Energie Atomique après avoir longtemps été salariés de Danone. Il propose, dans un mail, ses services à David Stark, vice -président de Monsanto.. Il participera à la rédaction d'un avis sur la validité des travaux de Gilles-Eric Séralini.
Ghostwriting
Le principe de collaboration est simple. Monsanto écrit les conclusions du dénommé FG, lui les reprendra à son compte : c'est ce qu'on appelle du "Ghostwriting". L'enquête publiée ce 18 janvier dans le journal Le Parisien :
OGM : ce que les Monsanto Papers révèlent du lobbying en France
A l'époque, ces photos de rats difformes (voir ci-dessous) n'avaient pas seulement fait le tour du monde, elles avaient provoqué l'une des plus spectaculaires controverses scientifiques de cette décennie. Controverse dans laquelle Monsanto, fabricant du Roundup et d'OGM racheté l'an dernier par Bayer, a alors joué de son influence, y compris en France, ce que prouve aujourd'hui un nouveau document révélé par Le Parisien.
Acte II : Envoyé spécial découvre l'existence d'une somme d'argent versée à la revue qui a discrédité Séralini après l'avoir publié
Toujours à la lecture des Monsanto Papers, les journalistes d' Envoyé spécial, ont retrouvé la trace d'un versement d'argent qui ressemble fort à un pot de vin. Le Professeur Wallace Hayes aurait reçu plusieurs milliers de dollars (16 000) de la part de Monsanto avant même de publier l'étude Française en 2012, avant de lui infliger la pire des sanctions scientifiques quelques mois plus tard : la rétractation.Twitter- Rappel en vidéo des liens entre Monsanto et l'éditeur en chef de la revue qui a discrédité G.E Séralini :
Les #MonsantoPapers ont dévoilé un accord secret entre #Monsanto et le Pr. Wallace Hayes, l’éditeur en chef de Food and Chemical Toxicology qui a sanctionné Pr. Gilles-Eric Séralini par une rétractation son étude. #Glyphosate #EnvoyeSpecial pic.twitter.com/0D052MdhLY
— Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) 17 janvier 2019
La même enquête d'Envoyé Spécial s'intéresse à un certain David Kirkland, l'un des experts ayant signé une étude sur l'inocuité du glyphosate. Des conclusions allant à l'encontre des certitudes de Gilles-Eric Séralini. Mais ces consultants en toxicologie sont-ils si indépendants que ça ?
Les Monsanto Papers démontrent que la firme "corrige et annote" les documents que l'expert signe de son nom par la suite.
Twitter -David Kirkland en vidéo un peu de mal à admettre la vérité mais finit par le reconnaître :
"Peut-être un employé de #Monsanto avait apporté un petit peu d’éléments de contexte…", le Dr. David Kirkland a fini par admettre qu’il savait que le texte de son étude, qui fait référence dans le monde entier, avait été modifié. #MonsantoPapers #Glyphosate #EnvoyeSpecial pic.twitter.com/hFHCiLEtu6
— Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) 17 janvier 2019
Seralini, lanceur d'alerte ?
Autant d'éléments qui confirment Gilles-Eric Séralini dans un rôle de lanceur d'alerte ? Difficile de répondre à cette question tant l'homme et son étude sont décriés par une communauté scientifique qui s'insurge contre une soit-disante "manipulation". Mais qui manipule qui ? La justice continue son lent travail.De nombreux procès contre le glyphosate sont en cours d'instruction aux Etats-Unis. La justice américaine a déjà condamné récemment Monsanto à verser 250 millions de dollars de dommages et intérêts à un jardinier atteint d'un lymphome.
Et Les Monsanto Papers c'est pas fini
"On ne connait que 10% de l'ensemble des documents qui vont être rendus publics dans le courant de l'année 2019", affirme Gilles-Eric Seralini que nous avons rencontré ce 18 janvier 2019 à Caen. Autant dire que les milliers de pages qui seront annalysées dans les prochains mois contiennent certainement d'autres révélations sur les manières d'agir du géant de l'agrochimie américain racheté par Bayer."Moi je n'ai rien contre un système ou une entreprise mais ce qui me gêne c'est la malhonneteté effroyable des lobbys. C'est de la criminalité car depuis 2012 il y a beaucoups de gens qui sont morts ou gravement malades à cause des pesticides. J'étais au courant de ces compromissions ( NDLR : dénoncées ci-dessus via les Monsanto papers ) et c'est un soulagement que ça sorte dans les médias car les gens ne croyaient pas que cette pression existait."
Et dans le calme olympien qui le caractérise, le professeur Séralini n'hésite pas à conclure :
Cette "affaire Mosanto et les effets du Round up" reviendra dans l'actualité internationale lors du procès en appel du jardinier américain, au printemps prochain.Il y a, aujourd'hui dans le monde, et je n'ai pas le peur de l'affirmer, une science des pourris qui légitime des produits toxiques en faisant croire qu'ils sont bons. Vous savez l'homme a besoin de se nourrir avant de s'armer ou s'habiller. C'est la toute puissance de l'agroalimentaire.