Pourquoi l'académie de Caen est-elle aussi celle de Saint-Pierre-et-Miquelon ? Pourquoi de nombreux hockeyeurs des Drakkars sont-ils originaires de ce territoire ? Qu'est-ce qui nous lie à cet archipel de 242km2 distant de 4000 km ?
Ce mardi 9 novembre, la rédaction de France 3 Normandie Caen met un coup de projecteur sur cet archipel 242 km2 et 6000 âmes distant de plus de 4000 km de la Normandie.
Quand on évoque l'outre-mer, vu de métropole, on pense plus volontiers aux cocotiers, eaux turquoises et plages de sable blanc. Et pourtant, la France compte aussi quelques territoires dans des zones du globe moins ensoleillées. C'est le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon. N'allez pas croire pour autant que cet archipel de 242 km2 dont les 6000 âmes se regroupent sur les deux îles principales, Saint-Pierre et Miquelon, se trouve au pôle nord. Son climat n'est pas si différent du notre (c'est ce que soutiennent mordicus nos collègues originaires de ce petit bout de France. Sont-ils de bonne foi ?). Ce territoire français se situe à la même latitude que Nantes et à une trentaine de kilomètres de la province canadienne de Terre-Neuve, dont les eaux ont longtemps été fréquentées par les pêcheurs à la morue normands, venus de Granville ou Fécamp.
Nos cousins d'Amérique du Nord
En 2014, l'émission Pomme à Gratter s'intéressait à "Nos cousins d'Amérique du Nord", l'occasion de revenir sur les 324 Percherons ayant traversé l'océan au XVIIe siècle pour s'établir en Nouvelle France. Leurs descendants au Québec sont estimés aujourd'hui à 1 million et demi. L'occasion aussi de s'intéresser à cet archipel souvent méconnu qu'est Saint-Pierre-et-Miquelon. Car d'autres Normands, au pied plus marin, s'y sont installés.
Le navigateur portugais João Álvares Fagundes débarque sur l'archipel en 1520. Mais c'est l'explorateur français Jacques Cartier, arrivé 16 ans plus tard, qui prend possession de ces îles au nom de François 1er et baptise la principale du nom de Saint-Pierre, le saint patron des pêcheurs. Et justement, des pêcheurs venus du Pays Basque, de Bretagne et de Normandie ne vont pas tarder à s'y implanter. Les premières installations permanentes sont datées en 1604. Pour autant, la nationalité du territoire ne sera pas définitivement scellée, celui-ci passant à plusieurs reprises sous la souveraineté britannique au cours du XVIIIe siècle. En 1816, l'archipel est rattaché pour la dernière fois à la France et les pêcheurs bretons, basques et normands s'y installent définitivement.
Plus d'un siècle plus tard, leurs descendants participeront à la libération des terres de leurs ancêtres. Durant la Seconde Guerre mondiale, Saint-Pierre-et-Miquelon est le premier territoire français libéré (le 24 décembre 1941 par l'amiral Muselier) et rallie la France libre du général De Gaulle. Des jeunes saintpierrais et miquelonais partent alors rejoindre l’Angleterre. Deux d'entre eux, René Autin et Georges Messanot, feront partie du commando Kieffer, les 177 Français qui débarquèrent à Ouistreham le 6 juin 1944.
Des hockeyeurs pour les Drakkars
A 17 ans, Pierre-Marc Janil a "envie de partir du caillou pour voir autre chose et construire ma vie". Le jeune Saint-Pierrais arrive en métropole en 1974. Dans un premier temps, il s'installe en Bretagne, à Saint-Brieuc. "J'ai commencé à m'entraîner à Rennes - j'avais fait venir mon équipement - et j'ai rencontré un Québécois. Il m'a vu m'entraîner et m'a dit : t'as rien à faire ici, il faut que tu viennes avec moi à Caen. Il y a une chance pour toi dans un club."
Le jeune hockeyeur tente sa chance et le club caennais la lui donne. Après un an à faire deux fois l'aller-retour "dans une petite voiture" entre Saint-Brieuc et Caen, Pierre-Marc Janil pose définitivement ses valises dans la capitale bas-normande. "J'ai dit au président : il faut qu'on aille chercher des joueurs à Saint-Pierre, il y a des joueurs aussi bons que moi qui peuvent faire du bon hockey. C'est ce qui s'est passé. On est arrivé ici avec six joueurs." Tous ne resteront pas mais la dynamique est lancée.
Luc Chauvel, un enfant du Hockey club de Caen (HCC) et actuel entraîneur des Drakkars, se souvient. "Depuis que je suis tout petit, je connais des joueurs de Saint-Pierre qui viennent sur Caen. Ils amenaient une grosse densité physique, c'était des joueurs assez rugueux." Aujourd'hui, l'achipel est toujours présent dans les rangs du HCC. "Pour leurs études, ils sont obligés de venir sur la métropole à un moment donné. On bénéficie de ça puisqu'il y a une relation avec l'académie de Caen. Et puis, avec le lien historique, les premiers contacts se font plus rapidement pour nous. Ils viennent chercher des structures un peu plus professionnelles."
Le profil a certes quelque peu évolué mais la mentalité reste la même. "Ce sont des garçons qui sont focus sur le hockey et qui viennent faire leur parcours universitaire ou scolaire en plus. Ce sont des garçons qui pensent hockey, qui veulent aller le plus loin possible pour pouvoir un jour aller en Magnus (l'élite du hockey français) ou devenir titulaire en D1 chez nous." Aujourd'hui, outre Jonathan (ancien international) et Martial (éducateur), les deux fils de Pierre-Marc Janil, Saint-Pierre-et-Miquelon compte plusieurs représentants au sein des Drakkars, en équipe espoirs et en équipe première, comme les frères Emmanuel et Marco Alvarez.
Dans l'académie de Caen, les premiers bacheliers habitent à Saint-Pierre-et-Miquelon
C'est une plaisanterie qu'on a fait à plusieurs reprises sur ce site internet : annoncer la publication des résultats du bac dans l'académie de Caen alors que les candidats normands étaient encore train de plancher sur leurs épreuves. Longtemps, le calendrier scolaire de l'archipel était proche des universités du voisin canadien. Les épreuves du bac n'avait donc pas forcément lieu aux mêmes dates qu'en métropole. Aujourd'hui, le calendrier est identique à celui de la métropole. Mais c'est toujours la même académie qui délivre le précieux sésame pour les études supérieures : l'académie de Caen (académie de Normandie).
Et ça fait 60 ans que ça dure. Historiquement, les examens des lycéens de l'archipel dépendaient des lycées français de Montréal. Lesquels étaient rattachés à l'académie de Caen. Aujourd'hui, plus d'intermédiaire. La correction des copies, les oraux (en visio), la formation et l'inspection des enseignants sont pilotés par le rectorat de Normandie. Ce dernier dispose toutefois d'un représentant sur place, Jean-Pierre Tégon, chef du service de l'Education nationale, qui gère notamment les personnels du premier degré, le traitement des salaires et le recrutement des enseignants contractuels. 1070 élèves, de la maternelle au bac, fréquent les établissements scolaires de Saint-Pierre-et-Miquelon.