Dix-huit personnes en situation de handicap ont fait passer des entretiens, vendredi, à sept employeurs de la région, à Hérouville Saint-Clair (Calvados). Pour une fois, les rôles étaient inversés et leur handicap n'était pas abordé.
"C'est plus facile de se vendre quand l'employeur sait déjà qu'on est en situation de handicap." France Travail (anciennement Pôle Emploi) et Cap Emploi ont coorganisé, vendredi 12 avril au sein des locaux d'Hérouville-Saint-Clair (Calvados), un forum dédié aux demandeurs d'emploi reconnus comme travailleurs handicapés.
"Il faut accepter son handicap, même au travail"
Une organisation, à première vue classique, composée d'îlots où chaque personne peut s'installer pour discuter. "Mais cette fois, les rôles sont inversés : les demandeurs d’emploi invitent les employeurs à s'installer en face d'eux et à échanger", explique Olivier Langlois, le directeur de France Travail Hérouville.
Une opération dont l'objectif consiste à "démystifier l'exercice de l'entretien" auprès des personnes pour qui, il est encore plus difficile de se vendre que les autres.
Bérangère Sallent, 43 ans, fait partie des dix-huit personnes présentes vendredi après-midi. Atteinte d'un handicap invisible depuis une dizaine d'années, la Calvadosienne cherche à travailler dans le secteur administratif depuis deux ans.
"Je n'ai pas beaucoup de diplômes mais surtout mon handicap a mis un terme à mon CDI au sein d'une grande surface alimentaire." Une rupture ayant provoqué l'inquiétude de son entourage et une perte de confiance en soi.
C'est difficile d'accepter les conséquences de son handicap au travail, mais aussi le regard des autres et l'incompréhension de son entourage.
Bérangère Sallentà France 3 Normandie
Un constat partagé par Sébastien Allaire, malvoyant depuis la naissance, qui a subi plusieurs discriminations au cours de sa vie, notamment à l'emploi. "J'ai par exemple vu une dame prendre mon CV et le ranger immédiatement tout en bas de la pile", témoigne le quinquagénaire.
Mettre en valeur ses compétences autrement
Le recrutement classique est une réelle épreuve pour ces personnes reconnues handicapées. "On leur a proposé de créer un environnement plus personnel, avec des affiches qu'ils ont créées et des objets qui les représentent", développe le directeur de France Travail.
Bérangère a choisi d'afficher ses baskets et des photos de danse moderne jazz. Sébastien a lui ajouté une photo de pots de confitures sur sa fresque pour évoquer son goût pour la cuisine et plus particulièrement pour les confitures préparées maison.
"On est plus à l'aise qu'avec un CV classique, déclare la quadragénaire. Je préfère me présenter ainsi que par mes expériences professionnelles, qui ne reflètent pas tout ce que je sais faire et ce que je peux apporter à l'entreprise."
En effet, Bérangère aimerait aider les citoyens dans leurs démarches administratives mais n'a jamais exercé ce métier et ne dispose pas des diplômes adéquats.
"Ayant vécu ça lorsque je suis devenue handicapée, je sais parfaitement comment ça se passe et à quel point on peut être démunis face aux procédures à suivre." Un profil approprié mais difficile à distinguer dans une pile de CV.
"Ces personnes nous apportent un nouveau regard"
Parmi les sept entreprises présentes vendredi dernier ; Extalea, le cabinet d'externalisation de paie basé à Hérouville-St-Clair, reconnu comme entreprise adaptée depuis neuf ans.
Le directeur d'Extalea, Loïc Chapet-Hebert, compte 15% de salariés en situation de handicap et y voit plus d'avantages que d'inconvénients.
Je ne pourrais plus être chef d'une entreprise classique. Travailler avec ces personnes nous apporte un nouveau regard sur le monde, nous inspire et nous rend finalement plus forts."
Loïc Chapet-Hebert, directeur d'Extaleaà France 3 Normandie
Embaucher des personnes handicapées est également un signe d'inclusion de plus en plus valorisé. "C'est un aspect très important pour la génération Z qui va bientôt être majoritaire dans le monde du travail."
Les adaptations nécessaires aux salariés handicapés ne sont donc pas contraignantes pour Loïc Chapet-Hebert qui considère "qu'une personne avec de telles difficultés dans la vie sera toujours extrêmement motivée".
Ainsi, chez Extalea, les emplois du temps sont adaptés et tout le monde peut en profiter.
Les règles et les codes du travail ont changé, désormais le télétravail et les temps partiels sont devenus la norme, c'est même un critère chez les jeunes travailleurs.
Loïc Chapet-Hebert, directeur d'Extaleaà France 3 Normandie
Le chef d'entreprise normand souligne également un point essentiel pour les employeurs : "le turn-over est moins fort chez ces profils-là. Ils ont besoin de stabilité, et nous aussi."
Des collaborations bénéfiques pour les deux camps qui sont de plus en plus dans l'air du temps.