Un retour en classe redouté par les enseignants et les parents après l'attaque terroriste d'Arras

L'intersyndicale de l'éducation avait appelé à un rassemblement ce dimanche en hommage à Dominique Bernard, professeur de français assassiné par un jeune homme radicalisé. Dans la foule, beaucoup d'enseignants mais aussi des parents qui doivent faire face à leurs craintes et à celles de leurs enfants.

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Ils étaient plusieurs centaines à avoir répondu ce dimanche à l'appel de l'intersyndicale de l'éducation dans le centre-ville de Caen. Trois jours plus tôt, Dominique Bernard, professeur de français dans un collège-lycée d'Arras, succombait sous les coups de couteau d'un jeune homme radicalisé. Le drame a suscité une vive émotion dans tout le pays, et particulièrement au sein de la communauté éducative. Ce dimanche, sur la place de la République, de nombreux enseignants étaient venus rendre hommage à leur collègue tragiquement disparu. Dans les têtes et les cœurs, beaucoup d'émotions qui mettront du temps à s'estomper. 

La journée de demain va déjà être pleine d’émotions pour des centaines de milliers de personnels", nous explique Antoine Besnier, professeur de mathématiques au collège Henri Brunet à Caen et membre de la CFDT, "Je vois bien, quand on échange entre nous ce week-end, qu’ils sont complètement toutes et tous traversés par ce drame. Ce n’est pas juste un professeur qui est mort assassiné quelque part en France. Pour beaucoup d'entre nous, j’ai le sentiment que c’est presque un collègue, un collègue de l’équipe qui est parti. Donc ça va être forcément d’abord beaucoup d’émotion.

"Ça ne va pas être facile pour certains collègues"

A la demande des organisations syndicales, le ministère de l'Education nationale a accordé un temps d'échange aux professeurs des collèges et des lycées de France. Les cours ne reprendront ce lundi qu'à partir de 10 heures. "Je n’ai pas envie de décider tout seul de ce que je vais faire face aux élèves. C’est important de pouvoir d’abord parler de ça ensemble et de savoir comment on l'aborde", estime Antoine, "Ça ne va pas être facile pour certains collègues de réussir à aborder ce sujet-là, tant l’émotion sera encore vive, tant je pense que certains et certaines vont s’identifier aussi. On va avoir des personnels qui vont être bousculés au point de se dire : mais en fait, ça peut être n’importe qui parce que ça commence à se répéter. Ça fait quatre attaques au couteau en trois ans." Ce lundi, ce retour en classe s'effectuera trois ans jour pour jour après un autre assassinat terroriste, celui de Samuel Paty.

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L'intersyndicale de l'éducation avait appelé à un rassemblement ce dimanche en hommage à Dominique Bernard, professeur de français assassiné par un jeune homme radicalisé. Dans la foule, beaucoup d'enseignants mais aussi des parents qui doivent faire face à leurs craintes et à celles de leurs enfants. ©L.Dolan/B.Goulet

Paul, assistant d'éducation au collège-lycée expérimental (CLE) d'Hérouville-Saint-Clair, s'est déjà entretenu avec ses collègues en vue de la rentrée de ce lundi. "Il va falloir savoir correctement répondre aux élèves, à leurs questions, leurs peurs, leurs interrogations, et je pense qu’on ne peut pas forcément se préparer à ce genre de questions parce que nous-mêmes on a ces questions à l’intérieur de nous", explique le jeune homme. "On peut imaginer une trame en amont mais on ne peut pas se mettre à la place des élèves, savoir ce qui se passe dans leur quotidien, dans leur tête, comment ils en ont parlé avec leurs parents. Chaque élève va avoir ses propres questions, ses propres craintes, ses propres émotions. Le mieux, c’est de trouver, le moment en lui-même, les bons mots, les bons gestes, la bonne posture pour essayer de les rassurer au mieux. C’est la meilleure des choses à faire au vu de ce qui s’est passé, pour aller à l’encontre de ce qui s’est passé."

"Ça fait mal de les voir grandir dans ce monde-là"

Céline, professeure des écoles à Emiéville, ne bénéficiera pas d'un temps d'échange en amont avec ses collègues, contrairement aux enseignants des collèges et lycées. "Ça va être chacune dans sa classe et je pense que le midi on prendra un temps de concertation pour organiser l’hommage à 14 heures de manière collective." Avant la minute de silenceCéline aura déjà eu l'occasion d'échanger avec ses élèves de CP, CE1 et CE2, des enfants âgés de 6 à 8 ans. "Comme ils sont très jeunes, on va déjà partir de leurs retours, savoir ce qu’ils ont entendu ce week-end, quel discours il y a eu dans les familles et puis expliquer avec des mots simples, leurs mots, ce qui s'est passé et l’importance de l’hommage, surtout."

Dans la foule réunie ce dimanche sur la place de la République, des parents d'élèves ont tenu à être présents auprès des enseignants. "Depuis 2015, on vient à des rassemblements tout le temps. Nos enfants grandissent avec ça depuis qu’ils ont 5 ans. On est écœurés, ça fait mal. Et on sait très bien aussi que peut-être, dans 6 mois, dans un an, dans deux ans, on va se retrouver encore sur cette même place avec les mêmes personnes à écouter les mêmes discours", se désole Mélanie, maman d'un lycéen de 15 ans. "On se pose des questions sur la sécurité des lycées, on se pose des questions sur les exercices anti-intrusion par nos enfants. Moi, j’ai aussi un petit. Il nous raconte que très régulièrement ils font des exercices pour se cacher sous les tables. Nous, on n’a jamais connu ça. Et c’est vrai que ça fait mal de les voir grandir dans ce monde-là."

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