La vie dans un Ehpad: quelques jours auprès des résidents et des soignants

En début d'année, un vent de colère soufflait dans les Ehpad, ces établissements pour personnes âgées dépendantes. Les personnels dénonçaient le manque de moyens et les conditions d'accueil qui en découlent. Une de nos équipes est allée rencontrer ces aînés et les personnes qui veillent sur eux.

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Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes. Ehpad. Ce terme a fait la une de l'actualité en début d'année quand les personnels de ces établissements ont tiré la sonnette d'alarme pour dénoncer le manque de moyens. La suppression des contrats aidés a été la goutte d'eau qui fait déborder le vase, alors que les budgets des Ehpad avaient déjà été diminués l'année précédente. Selon le collectif "Vieux debout !", créé à Rouen en novembre 2017, il y avait 0,57 salarié dans chaque Ehpad pour une personne dépendante contre 0,8 professionnel de santé par personne âgée en Allemagne ou au Canada. Après plusieurs semaines de mobilisation, le gouvernement a fin par annoncer un plan d'urgence au mois de mai.
 

Le 21 septembre prochain est organisé à Fauville-en-Caux un colloque régional sur le thème "Bien vieillir, un enjeu du vivre ensemble: penser le grand âge au domicile et en institution". Comme bon nombre de pays développés, la France doit faire face au vieillissement de sa population. Selon l'Observatoire des territoires, la part des personnes âgées de 65 ans ou plus y est passée de 13,9 % en 1990 à 18,8 % en 2016. Et d'après l'INSEE, en 2050 un habitant sur trois serait âgé de 60 ou plus, contre un sur cinq en 2005. Avec ce vieillissement se pose la question de la dépendance, qui ne peut reposer sur la seule solidarité familiale: les enfants sont moins nombreux du fait de la baisse de la fécondité, ils vieillissent eux-mêmes et des pathologies lourdes surviennent plus nombreuses avec l'augmentation de l'espérance de vie. Les Ehpad sont amenés à se développer.

Une de nos équipes a décidé de passer quelques jours auprès des aînés en situation de dépendance et des personnes qui veillent sur eux. A Louvigny, La Maison du Coudrier, un établissement d'hébergement privé et récent près de Caen, leur a ouvert ses portes. Elle accueille une centaine de résidents, dont une majorité de femmes.



Un feuilleton en cinq épisode préparés par Rémi Mauger, Cyril Duponchel, Serge Brouzes et Romuald Sevestre
 

Épisode 1: "L'humain, ce n'est pas une science exacte"


Ce métier au service de la longue vie, elles l'ont choisi. Elles n'ont en revanche pas choisi les conditions dans lesquelles elles exercent au quotidien leur métier, un métier souvent peu considéré. Six mois après le mouvement de protestation dans les Ehpad, les difficultés demeurent. "C'est très difficile, on manque de personnel, c'est partout pareil et des fois, c'est lourd", raconte Betty Bruyere, aide soignante, "mais je ne lâcherai pas parce qu'ils ont besoin de soin, en continu, donc je suis là pour eux." Pour sa collègue, Chantal Delafosse, auxiliaire de vie, "l'ARS donne et impose le tempo et c'est dommage parce que je pense que ce sont des gens qui ne sont pas suffisamment sur le terrain pour qu'ils se rendent compte que l'humain ce n'est pas une science exacte".
 
Intervenantes:
- Betty Bruyere, aide soignante
- Chantal Delafosse, auxiliaire de vie
 


Épisode 2: la poudre d'escampette


"J'étais pas habituée à cette vie tranquille, il fallait que je bouge, que je travaille, que je vive quoi tandis qu'ici c'est.... je m'ennuie terriblement", confie Odette Beffin. Pour certains résidents, l'entrée en maison de retraite se conjugue avec une privation de liberté, pour des questions de sécurité et de responsabilité de l'établissement. La LAVMR, la Liberté d'Aller et Venir en Maison de Retraite, pose des limites aux résident en fonction de son autonomie. Pour Odette Beffin, pas question de sortir sans être accompagnée. Cette ancienne secrétaire de direction, les premiers mois à l'Ehpad ont été difficiles. Elle a plus d'une fois voulu prendre la poudre d'escampette. "Maintenant, je suis sage. Je m'ennuie mais je suis sage. Sinon, je vais avoir des problèmes".
 
Intervenants:
- Odette Beffin
- Maurice Laignel
- Estelle Fauvel, auxiliaire de vie

 

Épisode 3 "Faut faire avec"

Avec l'entrée en maison de retraite, certains découvrent (ou redécouvrent) la vie en collectivité. En Ehpad, on vit côte à côte sans s'être choisi. "Moi, je ne parle pas à ceux qui m'intéressent pas. Mais c'est comme dans la vie, c'est partout pareil", explique Claude de Cornière. S'ils sont obligés de cohabiter, les résidents ne sont pas forcés de sympathiser et s'évitent quand le courant ne passe pas. Mais l'être humain a besoin de contact et des liens, parfois d'amitié, se nouent. Et quand l'un d'entre eux disparaît, il laisse un grand vide.
 
Intervenants:
- Sophie Tallet, directrice adjointe de La Maison du Coudrier
- Claude de Cornière
- Simone Besnier
- Serge Leclerc

 

Épisode 4: la mémoire oubliée


Comme dans bon nombre d'Ehpad aujourd'hui, la Maison du Coudrier comprend une Unité Protégée, 24 places réservée aux personnes souffrant de maladies neurodégénératives et de graves troubles cognitifs. "Ce sont des personnes à part entière qui ont encore plus besoin d'attention, de personnalisation dans l'accompagnement", explique Sophie Tallet, directrice adjointe de La Maison du Coudrier. Cet accompagnement passe notamment par des ateliers pour stimuler ces résidents, un travail sur la psychomotricité mais aussi sur la mémoire, parfois oubliée. "C'est important de savoir qui était la personne, quel était son métier pour essayer de repartir de ça et de faire retrouver des souvenirs petit à petit aux gens."  
 
Intervenantes:
- Virginie Oumerich
- Sophie Tallet, directrice adjointe de La Maison du Coudrier

 

Épisode 5: la place de la famille

En 2013, la vie de Michelle Dupuis a basculé. "Mes parents habitaient à Argentan. Ils ont revenus sur Caen. Papa commençait à avoir des déficiences mentales séniles. Il fallait que je trouve un Ehpad neuf qui ouvre ses portes pour pouvoir accueillir les deux en même temps". Depuis, elle est devenue l'un des piliers de cet établissement: elle est membre du conseil de la vie sociale en tant que représentante des familles. Elle vient presque tous les jours rendre visite à sa mère, désormais veuve. "Le premier soir je n'étais pas bien du tout, je me suis dit: qu'est ce que j'ai fait ? On confie ce qu'on a de plus cher à des gens qu'on ne connaît pas (...) Le fait de m'intéresser aussi aux autres personnes âgées m'a détaché un petit peu de la souffrance des miens. Ça m'a permis de l'accepter plus facilement."
 
Intervenants:
-  Michelle Dupuis
- Jean-Paul Dupuis


 
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