Le monde du cheval évoque souvent l'image des courses de trot et des parieurs, mais il ne s'y limite pas. En Normandie, tout le territoire est couvert par 600 centres équestres et leur avenir est placé sous le signe de l'incertitude.
Pour l’instant, ils sont encore au calme. La cinquantaine de chevaux et poneys qui peuplent ce petit centre équestre de village situé entre Caen et Aunay-sur-Odon n'y sont d'ailleurs pas habitués : la saison devrait battre son plein, les manèges devraient accueillir de tous jeunes écoliers qui découvrent pour la première fois le monde vu depuis le dos de leur monture.
Ce n’est qu’une question de jour. Les habitués vont revenir au grand soulagement de Magali Catrevault.
La dirigeante du centre équestre d’Evrecy souffle d’une voix pas encore rassurée : "deux mois de confinement, c’était vraiment le maximum pour nous, il ne fallait pas plus".
Dans ces box et ces allées, la période de confinement a été d’autant plus difficile que "nous n’avons pas suffisamment de prairie pour mettre les chevaux au pré, il a fallu les nourrir alors que nous n’avions aucune rentrée d’argent", explique-t-elle.
Les pensions de chevaux payées par les propriétaires (soit 40% environ de l’activité) ont permis de régler les factures urgentes et d’assurer le quotidien.
La crise modifie les projets des centres équestres
"En revanche, pour l’avenir je comptais vraiment sur la valorisation des jeunes chevaux et des poneys" Le but dans ce cas est de préparer et former des chevaux en vue de concours de saut d'obstacle par exemple et qu'il soit évidemment performant afin de le revendre ensuite."J’en ai préparé un depuis 7 ans, ce poney était en fin de formation, je pensais le vendre après les compétitions. Mais leur annulation a tout réduit à zéro. Je crains de ne pas pouvoir m'en séparer, et qu’en plus, à l'avenir les prix baissent" explique-t-elle.
600 centres touchés par la crise
Comme cette structure équestre, 600 autres qui maillent tout le territoire normand ont traversé la crise liée au confinement, et ne sont pas encore certaines de s’en remettre.« Il y a autant de situations que de gérants. Tous ces centres ont des profils particuliers, qui mêlent les activités. Leur seul dénominateur commun, c’est le chiffre d’affaire qui est à 0 pour les deux derniers mois », précise Sophie Bannemason, directrice du Comité régional d’équitation.
Et d'ajouter :"un centre équestre, c'est souvent l'aboutissement d'une vie, alors pour le moment beaucoup de dirigeants sont encore sous le choc"
Il ne faut pas croire que les plus gros centres s’en sortiront mieux, ils ont aussi été impactés
Sophie Bonnemason, Comité Régional d'équitation
A Ouistreham, David Aissa est à la tête de deux centres équestres et d’un haras, soit 130 chevaux et 8 salariés au total.
Pour lui, "clairement, les activités vraiment rentables, ce sont les cours, les promenades sur la plage très prisées des touristes et notamment des Parisiens, et la vente de chevaux."
Le tourisme équestre en chute libre
Habituellement, rien que les balades sur les plages permettent de doubler, voire tripler le chiffre d’affaire. C’est aussi l’activité la plus impactée en ce moment, alors il espère qu’à l’avenir "les Parisiens reviennent très vite en Normandie et que toutes les plages soient réouvertes rapidement. "La situation est la même dans les autres établissements équestres qui vivent du tourisme : dans une étude d'impact du covid sur la filière équine, menée par le conseil des chevaux de Normandie, ils déclarent avoir enregistré une baisse de 86% de leur chiffre d’affaire pour le mois de mars, et le chiffre d'affaire dans l'enseignement a chuté de 59%. selon les chiffres du Conseil des chevaux de Normandie.
Lui devrait se remettre de la bourrasque économique qu’il a fallu affronter.
"Ma chance, c’est que j’ai créé ce club il y a plus de 25 ans, j’ai donc peu d’emprunts en cours et ma trésorerie est solide" confie le gérant.
"En revanche ce qui ne nous aide pas, c’est que pour les cours, nous proposons un système de carte de 20 heures à utiliser sur l’année, c’est plus souple pour les clients mais dans ce cas précis, c’est moins rentable pour nous que les abonnements qui auraient été réglés en intégralité à l’avance", nuance-t-il.
Des aides d’urgences versées aux centres équestres
Les clubs et établissements équestres ont d’ores et déjà touché 1500 euros grâce au fonds national de solidarité, et d’autres initiatives voient le jour comme dans le Calvados.Le conseil départemental a décidé le versement de 125 000 euros de subvention à destination des 248 établissements équestres du département.
Cette aide devrait se concrétiser sous la forme de 200 tonnes de granulés pour les équidés et de distribution de gel hydroalcoolique pour aider au respect des gestes barrière.
Quant à la fédération française de l’équitation, elle a lancé une campagne nommée « cavalier solidaire » sur une plateforme de financement participatif, où chacun peut décider d'aider tel ou tel centre équestre.
Par ailleurs, depuis le 18 mai, d'autres aides comme le dispositif "impulsion et relance" sont proposées par la Région.
"Ces aides concernent les TPE, ce que sont souvent les centres équestres" précise Malika Cherrière, chargée de la filière équine. "Les dirigeants peuvent obtenir entre 1000 et 1500 euros. Mais il faut surtout qu'ils se tournent vers le Conseil des chevaux qui est là pour les assister et les aider à monter leur dossier".
Solidarité des clients des centres équestres
"Ce qui nous a beaucoup touché, c’est le soutien apporté par nos cavaliers, et nos clients qui nous ont appelé pour prendre des nouvelles des poneys et des chevaux.Certains clients ont même acheté des cartes de cours en avance, et même si cela ne sauvera pas notre chiffre d’affaire, la gentillesse est remarquable", tient à noter David Aissa, du centre équestre de Ouistreham.
Magali Catrevault dans son centre équestre de village à Evrecy redresse la tête. "Ce qui va nous aider c’est que je suis toujours très positive, ça va et ça doit repartir de toute façon. Il ne nous faut pas un autre confinement, c’est la seule condition."