Un chalutier géant baptisé à Concarneau suscite la peur jusqu'à Trouville

Le Scombrus, gigantesque chalutier bardé de technologies, est inauguré ce vendredi en Bretagne à Concarneau. Plusieurs associations avaient prévu de manifester pour défendre la pêche artisanale. L'appel a été entendu jusque sur les côtes normandes, comme à Trouville.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Plusieurs associations avaient prévu d'organiser ce vendredi 25 septembre à Concarneau "les funérailles symboliques de la pêche artisanale". Les organisateurs ont appris la veille au soir qu'un arrêté préfectoral interdisait la manifestation. L'inauguration du Scombrus, le dernier bébé bien joufflu (81 mètres de long pour 17 de large) de l'entreprise France Pélagique, peut ainsi se dérouler sans accrocs. Pas de quoi apaiser pour autant les tensions dans le monde de la pêche, des tensions ressenties jusque sur les côtes normandes. "Ça va tuer le métier", déplore Guillaume Goulians, patron-pêcheur trouvillais.

Sortie de flotte en juillet, le Scombrus a fait sa première marée au mois d'août et fait la fierté de son propriétaire, l'entreprise France Pélagique. Le directeur général Geoffroy Dhellemmes vante ainsi "un grand saut technologique". Le navire est bardé de capteurs et sondeurs pour détecter les bans de poissons et selectionner les seules espèces qui intéressent l'équipage de 35 personnes : des maquereaux, des chinchards, du merlan bleu, des sardines et harengs. "On a des capteurs sur le cul du chalut qui nous dit combien il y a de tonnes à l'endroit où on est placés", explique ainsi le second capitaine du Scrombus. Les poissons pêchés sont ensuite triés par taille, surgelés et conditionnés en moins de 18 heures. "De nombreuses tâches sont automatisées à bord", souligne le directeur général de France Pélagique, indiquant également que le poisson était peu manipulé, améliorant ainsi sa qualité.

Les capacités de pêche sont démentielles, il y a un côté videur de la mer"

Thibault Josse, association Pleine mer


Cette véritable usine des mers représente pour les défenseurs de la pêche artisanale une mise en dangere la ressource. "Les capacités de pêche, c'est 200 tonnes par nuit, c'est l'équivalent de la criée de Lorient, la plus grosse de France et ce pour un seul bateau", affirmait ce jeudi soir sur le plateau de France 3 Bretagne, Thibault Josse, de l'association Pleine mer, dénonçant des capacités de pêche "démentielles, il y a un côté videur de la mer". France Pélagique se défend par la voix de son directeur général en arguant que sa pêche est "extrêmement réglementée" et avance un chiffre de 120 tonnes par jour.

Si les artisans pêchaient les mêmes poissons que nous, ils n'arriveraient pas à trouver de débouchés en France"

Geoffroy Dhellemmes, France Pélagique


Surtout, Geoffroy Dhellemmes estime ne pas faire de concurrence à la pêche artisanale. "On ne pêche pas dans les mêmes eaux qu'eux (ndlr : à plus de 20 miles nautiques), on ne pêche pas les mêmes espèces qu'eux pour la grande majorité, on travaille des espèces qui ont une très faible valeur commerciale, qui ne sont pas consommées en France : si les artisans les pêchaient, ils ne trouveraient pas de débouchés."

"Nous, ça reste de la pêche à l'ancienne"

A Trouville, on ne partage pas ce point de vue. Scombrus, c'est aussi le nom scientifique du maquereau, un poisson dont le port de pêche du Calvados s'est fait une spécialité. "Ce qu'il peut pêcher en une journée, c'est ce qu'on va faire en une saison. Lui, il n'a pas à chercher des bancs de poissons. Nous ça reste de la pêche à l'ancienne : on va à un endroit où on pense pouvoir pêcher. On peut rentrer avec rien. Lui, il va rentrer tous les jours plein", raconte Guillaume Goulians, le patron-pêcheur trouvillais. "Nous on manque de quotas de maquereaux, on fait des échanges de quotas avec le Royaume-Uni, c'est un poisson qu'on valorise", explique Dimitri Rogoff, président du Comité Régional des Pêches de Normandie.
 

Sénateur, député, et vice-président de Région, la maire de la commune, Sylvie Gaetano, avait réuni autour d'elle ce vendredi matin plusieurs élus de la région pour apporter leur soutien à la filière pêche. "Il y a une vingtaine de bateaux au port de Trouville, sur chaque bateau on compte trois ou quatre pêcheurs, qui ont tous des familles. Ça représente des centaines et des centaines personnes. Il y a aussi tous les métiers adjacents à la pêche, jusqu'à la filière restauration, qui risque d'être touchés", s'inquiète la maire de Trouville. 

L'ombre du no-deal

Si le ton est aussi alarmiste, c'est que la présentation en grande pompe du chalutier géant intervient dans un contexte particulièrement délicat : le Brexit. "Quand on sait que plus de 51% de la pêche en Normandie doit se faire dans des conditions d'égal accès aux zones de pêche, s'il n'y a pas d'accord avant le 31 décembre prochain minuit, les conditions de concurrence déloyale se feront sentir pour les pêcheurs de Normandie avec des accès à la ressource qui seront complètement différenciés", indique Sophie Gaugain, vice-présidente de la Région Normandie. autrement dit, si la "Perfide Albion" interdit l'accès à ses eaux, le terrain de chasse des pêcheurs français s'en trouvera considérablement réduit, pour les petits comme pour les gros, de tous les pays européens.

Des pays européens qui ne sont d'ailleurs pas tous sur la même ligne, notamment en terme de préservation de la ressource. Et certains craignent de voir la Grande-Bretagne profiter de ces divisions et privilégier des accords noués avec certains pays plutôt qu'avec l'Union européenne dans son ensemble. "France Pélagique est une entreprise française mais c'est une filiale d'une entreprise néerlandaise (Cornelis Vrolijk). Celle-ci a des filiales en France pour accaparer les quotas d'autres pays. Pour être rentable, un chalutier de 80 mètres a besoin d'énormément de quotas", dénonçait vendredi soir Thibault Josse chez nos collègues de France 3 Bretagne. En Normandie, le président du comité régional des pêches, lui, reste relativement optimiste. "Sur la pêche, l'union est solide. Pas d'accord sur la pêche, pas d'accord sur le reste."
    

 
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information