Sérieusement blessé à la mâchoire face à la Namibie, le capitaine de l'équipe de France de rugby Antoine Dupont souffre d'une fracture maxillo-zygomatique. Victime d'une blessure similaire il y a 30 ans, Pierre-Louis Carillo, président du Stade Caennais, témoigne.
La 45e minute du France - Namibie du 21 septembre 2023 restera gravée dans la mémoire de tous les Français passionnés de rugby. Même si les Bleus ont battu le record de la plus large victoire de leur histoire en Coupe du Monde, ce qui reste de ce match, c'est l'image de la terrible blessure d'Antoine Dupont.
Le ralenti du violent choc tête contre tête avec le Namibien Johan Deysel, le capitaine français grimaçant, un genou à terre, les yeux humides, un rictus de douleur sur le visage.
La même blessure que le meilleur joueur du monde
"Quand j'ai vu son expression, j'ai tout de suite compris, parce que ça irradie", se lamente Pierre-Louis Carillo. Ancien rugbyman amateur, aujourd'hui coprésident du Stade Caennais, il a subi la même blessure que le meilleur joueur du monde, "c'était le même os, juste sous l'œil". La fracture remonte à une trentaine d'années, mais il s'en souvient comme si c'était hier.
Ça fait très, très mal. Il y a un nerf derrière l'os qui se retrouve comprimé. La douleur, c'est comme si vous aviez une sinusite, une otite et une rage de dents en même temps.
Pierre-Louis Carillo, co-président du Stade Caennais Rugby Club
L'ancien rugbyman se remémore encore l'action sur laquelle il s'est blessé à la pommette. "C'était un peu avant les phases finales, en 1996, contre Flers au stade Hélitas. À l’époque, on avait encore le droit de retourner les adversaires quand on les plaquait, et j'adorais ça".
Ce jour-là, il a tenté ce type de plaquage "cathédrale". "J'avais un mauvais appui, j'ai pris le genou en pleine tête. Je me souviens avoir eu le même geste qu'Antoine Dupont, mettre ma main à la joue et sentir immédiatement que quelque chose n'allait pas. Il a dû se rendre compte de la gravité du truc à ce moment-là".
À la différence du demi de mêlée des Bleus, la fracture de Pierre-Louis Carillo était déplacée, "j'avais un doigt qui rentrait dans le trou".
27 ans après, encore des séquelles
Immédiatement pris en charge par le médecin du club, le rugbyman caennais se rappelle du calvaire que fut le trajet entre le stade Hélitas et le CHU. "Le médecin m'avait filé des cachetons contre la douleur, mais à peine arrivé à l'hôpital, on m'a perfusé pour atténuer la douleur". Une fois les radiographies de contrôle effectuées, le chirurgien lui soumet deux hypothèses avant de l'opérer.
"Si on arrive à le remettre en place et que ça tient tout seul, ça peut aller vite. Si ça ne tient pas, on broche...". Lorsque Pierre-Louis Carillo s'est réveillé après l'opération, une tige de métal ressortait de sa joue, et traversait la tête, de part en part. "Je l'ai gardée un mois, le temps de la cicatrisation. Comme c'était la fin de la saison, je n'ai pas rejoué tout de suite. L'été a passé, mais j'ai repris en septembre. Après, le problème, c'est dans la tête..."
S'il a fini par rejouer sans appréhension, 27 ans plus tard, il n'a toujours pas retrouvé toute la sensibilité de sa joue à l'endroit de la fracture. Quant à la possibilité pour Antoine Dupont de rejouer d'ici à la fin de la Coupe du Monde, le dirigeant caennais s'est fait une raison.
"Au niveau fédéral, pour plaquer, il faut se baisser jusqu'à la taille. Le problème, c'est qu'au niveau international, on peut plaquer bien plus haut. Alors, oui, c'est un joueur hors-norme avec un service médical de très haut niveau, mais ce serait très risqué de jouer avec une fracture pas assez consolidée".
Au rugby, ce type de fracture des os du visage est finalement assez fréquent. "J'ai vu d'autres joueurs avoir le même genre de blessure", tente de dédramatiser Pierre-Louis Carillo. Mais le passionné de l'ovalie n'est pas dupe, il sait bien que l'équipe de France devra sans doute se passer de son meilleur joueur pour la suite de son mondial à la maison, en espérant que d'autres joueurs, "comme Ramos", prennent le relais du meneur toulousain.